Dans une récente étude publiée dans la revue Sleep, le 17 janvier 2022, des chercheurs et enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité et de l’Université libre de Bruxelles, ont mis en évidence l’importance de la séquence des stades de sommeil, lent puis paradoxal, dans les mécanismes de consolidation de la mémoire.
Un cycle de sommeil se compose de deux principaux stades de sommeil apparaissant toujours dans le même ordre et au cours desquels l’activité de l’organisme passe par des états nettement distincts. Le premier stade, le sommeil lent, se décompose en 3 étapes : l’endormissement, le sommeil léger puis le sommeil profond. Durant cette période, l’activité cérébrale globale ralentit et l’on observe alors des signaux électriques caractéristiques, que l’on appelle fuseaux de sommeil. Simultanément, les muscles sont détendus mais conservent une certaine tonicité. Lors du second stade, le sommeil paradoxal, alors que l’activité du cerveau augmente très nettement jusqu’à être proche de l’activité en état d’éveil, les muscles du corps sont complétement relâchés à l’exception des muscles oculaires qui restent mobilisés, ce qui se traduit par des mouvements oculaires plus ou moins intenses. C’est à ce moment que nous rêvons. Une nuit de sommeil est donc une succession de cycles de sommeil où chaque cycle débute par un stade de sommeil lent suivi d’un stade de sommeil paradoxal.
Le sommeil favorise la consolidation de la mémoire
Pendant le sommeil, notamment le sommeil lent, le cerveau rejoue les événements passés de la période d’éveil. Jusqu’à maintenant, les chercheurs formulaient l’hypothèse selon laquelle c’est lors du stade de sommeil paradoxal qui suit le sommeil lent que le cerveau intègre ces nouveaux souvenirs dans le réseau des souvenirs préexistants, pour les consolider à long terme. Cette hypothèse n’a cependant jamais été validée expérimentalement. Dans cette récente étude, Mélanie Strauss, professeure associée en Neurologie / Médecine du sommeil (Cliniques Universitaires de Bruxelles) a, dans le cadre de son post-doctorat sous la direction conjointe des professeurs Philippe Peigneux (directeur de l’unité de recherche en Neuropsychologie et Neuroimagerie fonctionnelle à l’université libre de Bruxelles) et Damien Léger (Chef de Service du Centre du Sommeil et de la Vigilance de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP et directeur de l’unité de recherche 7330, VIFASOM Université Paris Cité), cherché à découvrir si l’ordre physiologique normal d’un cycle de sommeil, sommeil lent puis sommeil paradoxal, avait une réelle importance dans le travail de consolidation de la mémoire qui se déroule au cours du sommeil.
Comme il est impossible de modifier l’ordre d’apparition des phases de sommeil, les chercheurs ont étudié une population de patients atteints d’une maladie rare, la narcolepsie, dont l’une des caractéristiques est que ces patients présentent un cycle de sommeil souvent inversé, débutant par le sommeil paradoxal et suivi du sommeil lent. En enregistrant leur activité cérébrale durant les périodes de sieste, les chercheurs ont pu analyser des cycles physiologiques normaux et des cycles inversés de sommeil.
Pour leur étude, les chercheurs ont demandé aux patients de prendre part à des séances d’apprentissages perceptifs avant les siestes et ont testé leur mémoire sur ces mêmes apprentissages après les siestes. Ils ont constaté que ce n’est que lors des siestes avec le cycle physiologique normal que les fuseaux de sommeil, caractéristiques du stade de sommeil lent, étaient bénéfiques pour la consolidation de la mémoire, et pas lors des siestes avec le cycle physiologique inversé.
Les chercheurs ont ainsi démontré que le travail de consolidation de la mémoire qui se joue pendant le sommeil n’est possible que lorsque le patient présente un cycle de sommeil physiologiquement normal, donc lorsque la phase de sommeil lent précède celle de sommeil paradoxal. Ils ont aussi démontré que, quel que soit le cycle de sommeil, normal ou inversé, les mouvements oculaires rapides observés durant la phase de sommeil paradoxal étaient associés à une moins bonne performance de consolidation de la mémoire durant le sommeil.
Ces résultats révèlent l’importance de la séquence des stades de sommeil au sein d’un cycle, lent puis paradoxal, pour la consolidation de la mémoire, ces stades jouant des rôles complémentaires et séquentiels. Ils soulignent également le rôle complexe du sommeil dans la balance entre le souvenir et l’oubli.
Références
Order matters: sleep spindles contribute to memory consolidation only when followed by rapid-eye-movement sleep – Mélanie Strauss, Lucie Griffon, Pascal Van Beers, Maxime Elbaz, Jason Bouziotis, Fabien Sauvet, Mounir Chennaoui, Damien Léger, Philippe Peigneux
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Mélanie Strauss, Professeur associée en Neurologie / Médecine du sommeil (Cliniques Universitaires de Bruxelles) et Collaboratrice scientifique à l’unité de recherche en Neuropsychologie et Neuroimagerie fonctionnelle, Faculté des Sciences psychologiques et de l’éducation – Université libre de Bruxelles
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Damien Léger, PU-PH, chef de Service du Centre du Sommeil et de la Vigilance de l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP – Université Paris Cité – Directeur de l’unité de recherche 7330, VIFASOM – Sommeil, vigilance, fatigue et santé publique – Université Paris Cité
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Philippe Peigneux, professeur directeur de l’Unité de recherche en Neuropsychologie et Neuroimagerie fonctionnelle, Faculté des Sciences psychologiques et de l’éducation – Université libre de Bruxelles
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