Les résultats à 90 jours de l’essai CORIMUNO-TOCI-1 révèlent l’efficacité clinique du tocilizumab, un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de la cytokine interleukine-6 (IL-6) et qui est utilisé notamment dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Cet essai, conduit par la collaboration de recherche académique COVID-19 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris/Université Paris Cité / Université Paris-Saclay / INSERM-REACTing, a fait l’objet d’un article publié dans le JAMA Internal Medicine et d’une méta-analyse de l’OMS de 27 essais contrôlés confirmant les résultats initiaux prometteurs de l’essai CORIMUNO-TOCI-1.

Chez certains patients avec pneumonie COVID-19, un état hyperinflammatoire d’origine immunologique contribue à l’insuffisance respiratoire aigüe et au décès. La plateforme CORIMUNO-19 a été rapidement mise en place en mars 2020 pour permettre de tester l’efficacité et la tolérance de divers médicaments immuno-modulateurs chez les patients adultes avec pneumonie COVID-19 modérée, sévère ou critique, grâce à une série d’essais randomisés contrôlés multicentriques, qui ont débuté le 27 mars 2020 et qui se poursuivent actuellement.

Le tocilizumab est un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de la cytokine interleukine-6 (IL-6). L’essai randomisé CORIMUNO-TOCI-1 ayant comparé le tocilizumab au traitement usuel, publié le 20 octobre 2020 dans la revue JAMA Internal Medicine avec un recul de 28 jours, a démontré que le tocilizumab avait 95% de chances de diminuer le besoin de ventilation (mécanique ou non invasive) ou le décès à J+14 (Hazard ratio (HR)=0.58 (0.33-1.00), mais ne diminuait pas la mortalité à J+28 (11% et 12%, respectivement).

Les nouveaux résultats d’actualisation de cette étude publiés le 24 mai 2021 dans la même revue JAMA Internal Medicine concernent la survie à plus long terme (J+90) et en fonction de l’état inflammatoire du patient, en particulier selon un seuil de la protéine C réactive (CRP) (150 mg/L) à l’initiation du traitement.

La mortalité à J+90, critère secondaire de l’essai, est numériquement mais non significativement plus faible dans le groupe traité (11% vs. 18% ; HR=0.64 [0.25-1.65]. Une analyse post-hoc  montre une interaction entre survie et taux de CRP avec, dans le groupe de patients dont la CRP est > 150 mg/L, une réduction de mortalité avec le tocilizumab (9% versus 35% ; HR=0.18 [0.04 to 0.89]. Chez les patients dont la CRP est < ou = à 150, la mortalité est très faible dans les 2 groupes de traitement.

Ces résultats obtenus sur des critères secondaires et en analyse post-hoc devaient être confirmés par des études complémentaires et une méta-analyse de l’ensemble des essais contrôlés. C’est ce qui a été fait par un groupe de chercheurs de l’OMS.

Une méta-analyse de l’OMS de 27 essais contrôlés ayant évalué les inhibiteurs de l’IL-6 chez des patients hospitalisés pour pneumonie COVID-19 confirme un bénéfice de ces médicaments sur la survie. Elle a été publiée dans le JAMA le 6 juillet 2021.

Une méta-analyse a été réalisée par l’OMS sur l’ensemble des essais randomisés ayant évalué les inhibiteurs de l’IL-6 ou de son récepteur chez des patients hospitalisés pour une pneumonie COVID-19 nécessitant de l’oxygène ou une ventilation non invasive ou mécanique.

Dans cette méta-analyse prospective de 27 essais randomisés (dont 4 essais de la plateforme CORIMUNO) ayant inclus 11 112 patients dont 2 565 sont décédés, la mortalité à 28 jours et la progression vers une ventilation mécanique invasive ou le décès étaient plus faibles chez les patients ayant reçu des antagonistes de l’interleukine-6 par rapport à ceux ayant reçu les soins usuels ou un placebo (OR=0.86 [95% CI, 0.79-0.95]; P=0.03 et OR=0.77 (95% CI, 0.70-0.85, P<0.001) respectivement).

Pour les 19 essais ayant évalué l’effet du tocilizumab, l’effet sur la mortalité à 28 jours et la progression vers une ventilation mécanique invasive ou le décès était respectivement de 0.83 (95% CI, 0.74-0.92; P < 0.001 et 0.74 (95% CI, 0.66-0.82).

Dans cette méta-analyse, le tocilizumab n’a pas entraîné plus d’infections secondaires que le traitement usuel.

Au total, ces deux articles confirment les résultats initiaux prometteurs des essais CORIMUNO-TOCI-1 et RECOVERY.

Une des questions importantes qui reste posée est : « est-ce que les inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 doivent remplacer le traitement standard de ces patients qui est maintenant devenu la corticothérapie où y être ajoutés ? ».

Le protocole CORIMUNO-TOCIDEX qui compare la dexaméthasone seule à l’association de la dexaméthasone au tocilizumab et qui a inclus plus de 450 patients tente actuellement de répondre à cette importante question.

L’OMS doit proposer prochainement des recommandations au sujet de l’utilisation du tocilizumab dans les différents sous-groupes de patients hospitalisés pour une pneumonie COVID-19. La FDA a annoncé le 24 juin 2021 une autorisation d’urgence d’utilisation du tocilizumab dans les pneumopathies sévères à coronavirus.

 

 

Références

  • Investigateur coordinateur : Pr O. Hermine, Université Paris Cité, Hôpital Necker, AP-HP, Imagine Institute, INSERM U1163.
  • Co Investigateur coordinateur : Pr X. Mariette, Hôpital Bicêtre, AP-HP, INSERM U1184, Université Paris-Saclay
  • Directeur scientifique : Dr P.L. Tharaux, Université Paris Cité, Paris Centre de Recherche Cardiovasculaire (PARCC), INSERM U970, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP.
  • Conception et coordination de la plateforme d’essais CORIMUNO : Pr P. Ravaud, Université Paris Cité, Center for Clinical Epidemiology, Hôpital Hôtel Dieu, AP-HP, CRESS, INSERM U1153.
  • Statisticien : Dr R. Porcher, Université Paris Cité, Center for Clinical Epidemiology, Hôpital Hôtel Dieu, AP-HP, CRESS, INSERM U1153.
  • Monitoring et data management : Pr M. Resche-Rigon, Université Paris Cité, (Clinical Trial Unit, Hôpital Saint Louis, AP-HP), CRESS, INSERM U1153.
  • Organisation de la collection des données : Pr M Dougados, Université Paris Cité, Hôpital Cochin, AP-HP, CRESS, INSERM U1153.

 

DOI : 10.1001/jama.2021.11330

La plateforme d’essais cliniques CORIMUNO-19 est promue et financée par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, et soutenue par l’Inserm via son consortium REACTing (intégré dans l’ANRS Maladies Infectieuses Emergentes depuis janvier 2021).

L’essai a reçu un financement du Programme Hospitalier de Recherche Clinique du Ministère de la Santé, un financement d’amorçage de l’Inserm par le biais du consortium REACTing/INSERM via la Fondation pour la Recherche Médicale, Paris, France, et un financement de la Fondation AP-HP pour la recherche, Paris, France. Le tocilizumab ainsi que 4 000 kits de dosage Elecsys d’interleukine 6 ont été fournis sans conditions par le laboratoire Roche, qui n’a été impliqué ni dans la conception de l’essai, la collection des données, l’analyse, l’interprétation, l’écriture du manuscrit ni dans la gouvernance de l’essai.

 

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