Selon de récentes estimations, 3% de la population générale pourrait être affectée de dysplasie fibromusculaire artérielle (DFM), une anomalie de la paroi de certaines artères entraînant une augmentation du risque cardiovasculaire. Au moins 80% des personnes atteintes de cette maladie sont des femmes. Alors que les connaissances scientifiques sur cette maladie étaient jusqu’ici limitées, des enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité et chercheurs et chercheuses de l’Inserm, en collaboration avec l’Université du Michigan, sont parvenus à décrire la composante génétique de la maladie, premier par vers l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques.

Visualisation par artériographie d’une artère carotide atteinte par la DFM.

© Service d’Hypertension de l’HEGP

Certaines formes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), d’hypertension et d’infarctus du myocarde surviennent plus fréquemment chez des femmes en apparente bonne santé, âgées de moins de 60 ans, dont le poids et le bilan lipidique sont normaux. Ces patientes peuvent être ensuite diagnostiquées d’une dysplasie fibromusculaire artérielle, maladie qui se traduit par la déformation, voire le rétrécissement des artères[1]. Celles-ci ne sont alors plus en mesure d’irriguer correctement des organes vitaux comme les reins, le cœur et le cerveau.

Actuellement, la seule option thérapeutique proposée aux patients atteints de cette maladie est la dilatation mécanique des déformations des artères par une technique médico-chirurgicale appelée angioplastie percutanée, pourtant inefficace dans de nombreux cas. Connaitre les bases génétiques d’une telle maladie est donc indispensable pour envisager la mise en place de traitements spécifiques.

Dans une nouvelle étude[2], des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité ont passé au peigne fin les données génétiques de 1 500  personnes atteintes de dysplasie fibromusculaire artérielle, les comparant à celles de plus de 7 000  témoins issus de la population générale.

Ils ont ainsi pu identifier des variations génétiques dans quatre gènes associés à la dysplasie fibromusculaire artérielle. Celles-ci seraient à l’origine d’une altération de la fonction des cellules qui composent la musculature de l’artère (les cellules musculaires lisses) et impacteraient le travail de régulation de la distribution sanguine et de maintien de la pression artérielle des artères musculaires, comme l’artère rénale et l’artère carotide.

Les résultats de cette étude indiquent que la dysplasie fibromusculaire artérielle serait génétiquement déterminée par un très grand nombre de variations génétiques dont l’impact individuel serait faible. Cependant, additionnées, leur impact serait important (représentant environ 40% des facteurs génétiques impliqués dans la maladie) et provoquerait la survenue de maladies graves comme l’accident vasculaire cérébral et l’hypertension.

Enfin, grâce à un travail de recherche incluant la comparaison génétique avec d’autres maladies cardiovasculaires, les chercheurs ont découvert qu’une proportion importante des causes génétiques de la dysplasie fibromusculaire artérielle sont identiques à celles retrouvées dans l’hypertension artérielle, la céphalée migraineuse et l’anévrysme intracrânien, des maladies où les femmes sont souvent surreprésentées également. Comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans cette maladie pourrait ainsi permettre de comprendre les mécanismes biologiques communs à ces maladies cardiovasculaires et neuro-vasculaires.

« Nos résultats apportent de nouvelles connaissances biologiques sur cette maladie singulière, ainsi que sur les gènes et les pistes à explorer, afin de parvenir à identifier des cibles thérapeutiques pour la dysplasie fibromusculaire artérielle. Cette étude apporte également un argument supplémentaire sur l’utilité d’étudier les formes féminines de la maladie cardiovasculaire car cela permet d’aborder des aspects différents de ceux déjà établi par l’étude de maladies cardiovasculaires classiques où les hommes sont surreprésentés », explique Nabila Bouatia-Naji, directrice de recherche à l’Inserm, et chef d’équipe au PARCC (Paris – Centre de Recherche Cardiovasculaire) qui a dirigé cette étude collaborative internationale.

  1. Les artères sont très serrées par endroits (sténoses) et gonflées ailleurs (anévrysmes).
  2. Menée grâce à un financement Européen (ERC).

Références

Genetic investigation of fibromuscular dysplasia identifies risk loci and shared genetics with common cardiovascular diseasesAdrien Georges # 1, Min-Lee Yang # 2 3, Takiy-Eddine Berrandou # 1, Mark K Bakker 4, Ozan Dikilitas 5, Soto Romuald Kiando 1, Lijiang Ma 6, Benjamin A Satterfield 5, Sebanti Sengupta 2, Mengyao Yu 1, Jean-François Deleuze 7, Delia Dupré 1, Kristina L Hunker 2 3, Sergiy Kyryachenko 1, Lu Liu 1, Ines Sayoud-Sadeg 1, Laurence Amar 1 8, Chad M Brummett 9, Dawn M Coleman 10, Valentina d’Escamard 11, Peter de Leeuw 12 13, Natalia Fendrikova-Mahlay 14, Daniella Kadian-Dodov 15, Jun Z Li 3, Aurélien Lorthioir 1 8, Marco Pappaccogli 16 17, Aleksander Prejbisz 18, Witold Smigielski 19, James C Stanley 10, Matthew Zawistowski 20, Xiang Zhou 20, Sebastian Zöllner 20, FEIRI investigators; International Stroke Genetics Consortium (ISGC) Intracranial Aneurysm Working Group; MEGASTROKE; Philippe Amouyel 21, Marc L De Buyzere 22, Stéphanie Debette 23, Piotr Dobrowolski 18, Wojciech Drygas 24, Heather L Gornik 14, Jeffrey W Olin 15, Jerzy Piwonski 24, Ernst R Rietzschel 22, Ynte M Ruigrok 5, Miikka Vikkula 25, Ewa Warchol Celinska 18, Andrzej Januszewicz 18, Iftikhar J Kullo 5 26, Michel Azizi 8 27, Xavier Jeunemaitre 1 28, Alexandre Persu 16 29, Jason C Kovacic 15 30 31, Santhi K Ganesh 32 33, Nabila Bouatia-Naji 34

Nature communications, octobre 2021

DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-021-26174-2

 

1 – PARCC, INSERM, Université Paris Cité, F-750015, Paris, France.
2 – Division of Cardiovascular Medicine, Department of Internal Medicine, University of Michigan Medical School, Ann Arbor, MI, USA.
3 – Department of Human Genetics, University of Michigan Medical School, Ann Arbor, MI, USA.
4 – Department of Neurology and Neurosurgery, University Medical Center Utrecht Brain Center, Utrecht University, Utrecht, The Netherlands.
5 – Department of Cardiovascular Medicine, Mayo Clinic, Rochester, MN, 55902, USA.
6 – Icahn Institute for Genomics and Multiscale Biology, Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, NY, USA.
7 – Centre National de Recherche en Génomique Humaine, Institut de Génomique, CEA and Fondation Jean Dausset-CEPH, Evry, France.
8 – Hypertension Unit, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, F-75015, Paris, France.
9 – Department of Anesthesiology, Michigan Medicine, University of Michigan, Ann Arbor, MI, USA.
10- Vascular Surgery Section, Department of Surgery, Michigan Medicine, University of Michigan, Ann Arbor, MI, 48109, USA.
11 – Cardiovascular Institute, Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, NY, USA.
12 – Department of Internal Medicine, Division of General Internal Medicine, Section Vascular Medicine, Maastricht University Medical Centre, Maastricht University, Maastricht, the Netherlands.
13 – CARIM School for Cardiovascular Diseases, Maastricht University Medical Centre, Maastricht University, Maastricht, the Netherlands.
14 – Heart and Vascular Institute, Cleveland Clinic, Cleveland, OH, 44195, USA.
15 – Zena and Michael A. Wiener Cardiovascular Institute and Marie-Josée and Henry R, Kravis Center for Cardiovascular Health Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, NY, USA.
16 – Division of Cardiology, Cliniques Universitaires Saint-Luc, Université Catholique de Louvain, 1200, Brussels, Belgium.
17 – Division of Internal Medicine and Hypertension Unit, Department of Medical Sciences, University of Turin, Turin, Italy.
18 – Department of Hypertension, National Institute of Cardiology, Warsaw, Poland.
19 – Department of Demography, University of Lodz, Lodz, Poland.
20 – Department of Biostatistics and Center for Statistical Genetics, University of Michigan School of Public Health, Ann Arbor, MI, USA.
21 – Univ. Lille, Inserm, CHU Lille, Institut Pasteur de Lille, U1167 – RID-AGE – Labex DISTALZ – Risk factors and molecular determinants of aging-related disease, F-59000, Lille, France.
22 – Department of Cardiovascular Diseases, Ghent University and Ghent University Hospital, Ghent, Belgium.
23 – Department of Neurology, Bordeaux University Hospital, Inserm U1219, Bordeaux, France.
24 – Department of Epidemiology, Cardiovascular Disease Prevention, and Health Promotion, National Institute of Cardiology, Warsaw, Poland.
25 – Human Molecular Genetics, de Duve Institute, Université Catholique de Louvain, 1200, Brussels, Belgium.
26 – Gonda Vascular Center, Mayo Clinic, Rochester, MN, 55902, USA.
27 – Université Paris Cité, Inserm, Centre d’Investigation Clinique 1418, F-75006, Paris, France.
28 – Department of Genetics, Assistance-Publiques-Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, F-75015, Paris, France.
29 – Pole of Cardiovascular Research, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, Université Catholique de Louvain, 1200, Brussels, Belgium.
30 – Victor Chang Cardiac Research Institute, Darlinghurst, NSW, Australia.
31 – St. Vincent’s Clinical School, University of New South Wales, Sydney, NSW, Australia.
32 – Division of Cardiovascular Medicine, Department of Internal Medicine, University of Michigan Medical School, Ann Arbor, MI, USA. sganesh@med.umich.edu.
33 – Department of Human Genetics, University of Michigan Medical School, Ann Arbor, MI, USA. sganesh@med.umich.edu.
34 – PARCC, INSERM, Université Paris Cité, F-750015, Paris, France.
#Contributed equally.

 

À lire aussi

Mesurer la pollution de l’air dans l’écorce des platanes !

Mesurer la pollution de l’air dans l’écorce des platanes !

Le projet de science participative Ecorc’Air propose de collecter des écorces de platanes afin d’établir une cartographie précise de la pollution aux particules fines métalliques liée majoritairement à la circulation automobile, et de mesurer son évolution. Les échantillons sont à envoyer à l’IPGP, où seront faites les analyses magnétiques et chimiques de détection de cette pollution.