Coordonnée par le Pr C. Delaugerre (PU-PH Université Paris Cité) au service de virologie de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, le Dr S. Kernéis, de l’équipe de prévention du risque infectieux de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard AP-HP et le Pr J.-M. Tréluyer (PU-PH Université Paris Cité), de l’unité de recherche clinique Necker-Cochin AP-HP, l’étude Spring promue par l’AP-HP montre que la participation à un rassemblement de grande ampleur n’a pas été associée à un sur-risque de transmission du SARS-CoV-2. Il s’agissait d’une étude comparative en ouvert monocentrique randomisée de non infériorité dont l’objectif était d’évaluer si un protocole sanitaire permettait de contrôler le taux d’infection chez des personnes participant à un rassemblement de grande ampleur dans une salle fermée sans distanciation physique, le 29 mai 2021 à l’Accor Arena.

© Pexels – Miguel Á.

 

 

 

Parmi les 6 968 personnes qui se sont présentées lors de la visite d’inclusion dans les trois jours avant l’évènement, 290 personnes avaient des critères de non inclusion dont une avait un test antigénique rapide positif. 6 678 personnes ont été randomisées dans l’étude (4 451 groupe « expérimental », 2 227 groupe « contrôle »). L’âge médian était de 28 ans et 58% étaient des femmes. 50% des participants ont déclaré avoir reçu au moins une dose de vaccin et 7% un schéma complet de vaccination.

Parmi les personnes randomisées, 88% (3 917) des participants du groupe expérimental et 87% (1 947) des participants du groupe contrôle se sont conformés aux obligations du protocole (prélèvements salivaires à J7 envoyés et analysables pour les deux groupes / présence au concert pour le groupe expérimental). 

Le nombre de participants ayant une PCR SARS-CoV-2 salivaire positive sept jours après l’événement était de 8 parmi les 3 917 participants dans le groupe expérimental (Incidence [Intervalle de Confiance à 95%]: 0.20% [0.09 ; 0.40]) comparé à 3 parmi les 1 947 participants du groupe contrôle ((0.15% [0.03 ; 0.45] ; différence absolue [-0.26%; +0.28%]), confirmant le critère de non infériorité, marge supérieure < 0.35%).

Parmi les 8 participants du groupe expérimental positifs à J+7, 5 étaient déjà positifs le jour du concert, excluant leur contamination lors du concert. Par ailleurs l’analyse phylogénétique des prélèvements positifs à J+7 a confirmé l’absence de lien entre les souches virales, excluant une transmission pendant le concert.

Enfin, tout au long des quatre heures de présence dans l’Accor Arena, le respect global du port du masque par les participants (défini par un port adéquat sur le nez et la bouche) a été évalué à 91%. Ce taux était à 90% dans la fosse et à 97% dans les couloirs, les escaliers et le lobby.

L’étude a montré un taux d’infection similaire chez des personnes participant à un concert comparé à des personnes n’y participant pas. Le taux d’incidence observé dans les deux groupes (0.20% et 0.15%, respectivement) correspond au taux d’incidence en Ile-de-France estimé dans les deux semaines précédant l’événement (190/100 000 pour la même tranche d’âge).

Comparée aux expérimentations réalisées dans d’autres pays, l’étude SPRING-AP-HP est la première étude randomisée contrôlée :

  • incluant un nombre aussi important de participants à un rassemblement,
  • évaluant un dépistage des participants par test antigénique dans les trois jours précédant l’évènement plutôt que le jour même,
  • proposant le port de masques chirurgicaux plutôt que des masques FFP2,
  • évaluant pendant toute la durée de l’évènement le respect du port du masque des participants grâce à un outil d’intelligence artificielle analysant les données issues de captures vidéos recueillies en continu.

Une des limites de ce travail est qu’il a été réalisé avant que le variant Delta, dont on sait qu’il est plus transmissible, circule majoritairement en France. Néanmoins, ce variant est détecté par les tests antigéniques classiques et le port du masque est efficace pour prévenir sa transmission. Il est donc probable que ces deux mesures de prévention restent efficaces dans le contexte actuel. L’autre élément est qu’actuellement, la couverture vaccinale de la population française est bien plus élevée qu’au moment de la réalisation de l’étude. Les résultats restent néanmoins particulièrement intéressants pour toutes les situations où la couverture vaccinale est plus basse.

En conclusion, la participation à un rassemblement de grande ampleur n’a pas été associée à un sur-risque de transmission du SARS-CoV-2 lors d’un concert en configuration debout sans distanciation physique dans une salle fermée à condition qu’un protocole sanitaire adapté soit mis en œuvre.

Cette étude, promue par l’AP-HP et coordonnée par le Pr Constance Delaugerre, du service de virologie de l’hôpital Saint-Louis AP-HP et d’Université Paris Cité, le Dr Solen Kernéis, de l’équipe de prévention du risque infectieux de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard AP-HP et le Pr Jean-Marc Tréluyer, de l’unité de recherche clinique Necker-Cochin AP-HP et d’Université Paris Cité, avait reçu les autorisations réglementaires du comité de protection des personnes, de la commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

L’évènement s’est déroulé le 29 mai 2021 à l’Accor Arena. Les participants ayant signé un consentement avaient entre 18 et 45 ans, n’avaient pas de comorbidités, pas de symptôme évocateurs de COVID-19, pas de contact récent avec une personne infectée par le SARS-CoV-2. Tous ont effectué un test antigénique rapide dans les trois jours avant le concert. Seules les personnes dont le test était négatif ont pu participer à l’expérience. Les participants ont ensuite été tirés au sort et inclus soit dans le groupe expérimental (participation au concert) soit dans le groupe témoin (pas de participation au concert).

L’ensemble du staff (artistes, membres du personnel Accor Arena, équipe de recherche clinique et de production) a été dépisté en amont de l’évènement avec éviction des personnes positives. 

Le jour du concert, tous les participants devaient présenter une preuve de test négatif à l’entrée, soit téléchargée dans l’application TousAntiCovid-Carnet, expérimentée pour la première fois dans un évènement culturel accueillant du public, soit sous format papier. Par ailleurs, le protocole sanitaire a inclus le port du masque chirurgical en continu par tous les participants, le renforcement de l’hygiène des mains, ainsi qu’une ventilation optimisée de la salle. Les bars/restaurants étaient fermés ainsi que les zones fumeurs. Des bouteilles d’eau étaient distribuées à volonté. Les artistes Etienne de Crécy et Indochine se sont produits entre 17h et 20h. 

Pendant toute la durée de l’évènement, le respect du port du masque des participants a été évalué de façon strictement anonyme grâce à un outil d’intelligence artificielle à partir d’images capturées en temps réel par des caméras disposées dans la salle grâce à une collaboration scientifique avec la société DATAKALAB.

Deux auto-prélèvements salivaires pour réalisation d’une PCR SARS-CoV-2 ont été effectués dans le cadre de la recherche :

  • Le premier, le jour du concert (mais testé a posteriori) afin d’évaluer le nombre de personnes considérées comme « contagieuses » malgré le test négatif réalisé dans les trois jours précédents lors de la visite d’inclusion
  • Le deuxième, sept jours après le concert.

 

 Les investigateurs remercient chaleureusement les participants, Etienne de Crécy et le groupe Indochine pour leur implication.

 

Cette étude a été réalisée par les équipes de la DRCI de l’AP-HP dont celle de l’unité de recherche clinique Necker/Cochin, les équipes COVISAN et la plateforme de Broussais de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris en partenariat avec le PRODISS.

Références

Prevention of SARS-CoV-2 transmission during a large, live, indoor gathering (SPRING): a non-inferiority, randomised, controlled trial. Constance Delaugerre, Frantz Foissac, Hendy Abdoul, Guillaume Masson, Laure Choupeaux, Eric Dufour, Nabil Gastli, Severine Mercier Delarue, Marie Laure Néré, Marine Minier, Audrey Gabassi, Maud Salmona, Malika Seguineau, Sarah Schmitt, Sébastien Tonglet, Alexis Olivier, Claire Poyart, Jerôme Le Goff, Xavier Lescure, Solen Kernéis*, Jean-Marc Tréluyer*, and the SPRING Study group, The Lancet Infectious Diseases

DOI: https://doi.org/10.1016/S1473-3099(21)00673-3

 

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