Les services cliniques de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP en collaboration étroite avec des équipes de l’Institut Imagine (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm) ont mis en évidence 51 biomarqueurs qui permettraient de prédire le succès d’une thérapie génique chez des patients atteints de granulomatose septique chronique, une maladie rare et grave du système immunitaire.

Analyse Single Cell

© Institut Imagine

La granulomatose septique chronique est une maladie génétique causée par une mutation du gène CYBB localisé sur le chromosome X, et ne touchant donc que des garçons. Celle-ci engendre un dysfonctionnement d’une sous unité protéique qui empêche les « neutrophiles » – une classe de globules blancs constituant la première ligne de défense contre les infections bactériennes – de produire les molécules nécessaires à la destruction des agents infectieux.

Par conséquence les patients atteints de cette maladie souffrent d’infections bactériennes et fongiques récurrentes qui peuvent compromettre leur pronostic vital à court terme.

Quatre garçons atteints de granulomatose septique chronique ont été inclus dans cette étude.

L’essai clinique de thérapie génique consistait à prélever aux patients des cellules souches sanguines, les corriger génétiquement par l’intermédiaire de vecteurs lentiviraux, puis les réinjecter.  

Deux des quatre enfants ont montré une réponse efficace à ce traitement.

Pour expliquer les résultats mitigés de cet essai clinique, les chercheurs ont mené des études très poussées et en temps réel sur les cellules génétiquement corrigées des patients traités.

Ils ont d’abord remarqué une inflammation chronique plus importante chez les deux patients qui n’avaient pas répondu au traitement.

« L’inflammation chronique a des conséquences drastiques sur les cellules souches de ces patients. Elle change les caractéristiques biologiques de ces cellules, qui ne sont plus capables d’assurer leur fonctionnement normal une fois réinjectées chez les patients », explique Steicy Sobrino, co-première autrice de la publication avec Alessandra Magnani.

Ils ont ensuite utilisé la technologie dite « Single Cell » pour réaliser une analyse transcriptomique (analyse des ARNs) cellule par cellule, et une annotation automatique des cellules grâce à la méthode Cell-ID développée par le laboratoire de bio-informatique clinique, dirigé par Antonio Rausell.

Au total, 400 cellules souches ont été analysées (100 par patient).

« Grâce à des techniques d’apprentissage statistique, nous avons pu mettre en évidence 51 biomarqueurs spécifiques de l’inflammation chez les 2 patients pour qui la greffe n’a pas été efficace », précise Emmanuelle Six, chargée de recherche Inserm au sein du laboratoire de  lymphohématopoïèse humaine, à l’Institut Imagine, et co-dernière autrice de l’article, aux côtés d’Antonio Rausell, du Pr Marina Cavazzana, pédiatre, directrice du département de biothérapie de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, du Pr Stéphane Blanche, chef du service d’Immuno-hématologie et rhumatologie pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants malades  AP-HP jusqu’en 2021 et investigateur principal de l’étude, et d’Anne Galy, directrice de recherche Inserm au Généthon.

Ainsi, c’est en agrégeant les compétences de plusieurs équipes de recherche fondamentale et clinique, du campus Necker-Enfants malades/Institut Imagine, que le Pr Marina Cavazzana, coordinatrice du projet, espère avoir trouvé une méthode permettant de prédire quels patients seront « résistants » à la thérapie génique à tel ou tel moment de leur histoire clinique, et prévenir ainsi les échecs. Son objectif est de proposer des traitements anti-inflammatoires, en amont de la thérapie génique, afin d’augmenter le taux de succès. Cette découverte a donc des retombées importantes pour bien d’autres maladies génétiques en cours d’investigation.

Cette étude clinique a été sponsorisée par Généthon, et est le résultat de plus de dix années de recherche des équipes du Généthon, dirigées par le Dr Anne Galy dans le cadre du projet européen Net4CGD en lien avec des équipes du GOSH dirigés par le Pr Adrian J. Thrasher à Londres, d’une part, et le Centre d’Investigation Clinique de Biothérapie (CIC-BT) à l’Institut Imagine dirigé par le Pr Marina Cavazzana, d’autre part. Elle est le fruit d’efforts conjoints et multidisciplinaires de plusieurs équipes du campus Necker-Enfants malades/Institut Imagine incluant les services d’Immuno-hématologie et rhumatologie pédiatrique, d’Infectiologie, le Centre d’Investigation Clinique Mère-Enfant et plusieurs laboratoires de recherche.

Références

Severe hematopoietic stem cell inflammation compromises chronic granulomatous disease gene therapy – Steicy Sobrino; Alessandra Magnani; Michaela Semeraro; Loredana Martignetti; Akira Cortal; Adeline Denis; Chloé Couzin; Capucine Picard; Jacinta Bustamante; Elisa Magrin; Laure Joseph; Cécile Roudaut; Aurélie Gabrion; Tayebeh Soheili; Corinne Cordier; Olivier Lortholary; François Lefrere; Frédéric Rieux-Laucat; Jean-Laurent Casanova; Sylvain Bodard; Nathalie Boddaert; Adrian J. Thrasher; Fabien Touzot; Sophie Taque; Felipe Suarez; Ambroise Marcais; Agathe Guilloux; Chantal Lagresle-Peyrou; Anne Galy; Antonio Rausell; Stephane Blanche; Marina Cavazzana; Emmanuelle Six

Cell Report Medicine

DOI : https://doi.org/10.1016/j.xcrm.2023.100919

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