Des chercheurs d’Université Paris Cité et de l’Inserm viennent de publier une étude dans la revue Environmental Health Perspectives (EHP) établissant un lien entre la présence de polluants organiques persistants et les métastases du cancer du sein.
Explications avec Xavier Coumoul, l’un des co-auteurs de l’étude, professeur à Université Paris Cité, membre du laboratoire Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs (Université Paris Cité / Inserm).

Changement de morphologie des cellules cancéreuses, dans des conditions mimant un microenvironnement contaminé par un polluant organique persistent (à droite, comparativement au contrôle à gauche).

Image tirée de l’article publié dans EHP

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cette étude ?

Souvent les recherches sur le cancer portent sur les causes pouvant expliquer son apparition. Notre équipe s’intéresse plutôt à l’évolution du cancer quand il est en présence de polluants organiques persistants, ou POPs. Le curseur porte donc plus spécifiquement sur les cancers métastasiques qui tuent 90% des personnes atteintes du cancer. L’étude que nous venons de publier dans EHP est la suite directe d’une étude réalisée en 2019 dans laquelle nous avions pu établir une association entre l’agressivité du cancer du sein et la concentration de certains POPs dans le tissu adipeux, tout particulièrement chez les femmes en surpoids. Il restait à dépasser le stade de l’association pour prouver un lien de cause à effet.

 

Qu’est-ce que l’étude publiée en mars dans EHP permet d’établir ?

Elle établit un lien de causalité entre la présence de polluants organiques persistants et l’apparition de métastases dans le cancer du sein. Nous nous sommes appuyés sur un modèle cellulaire in vitro qui a permis d’analyser précisément la réaction de la cellule cancéreuse au sein du microenvironnement tumoral, composé aussi de vaisseaux sanguins et de gras. Les résultats sont clairs : en associant le polluant – tout particulièrement la dioxine de Sévéso ou TCDD – et les cellules du microenvironnement, les cellules cancéreuses acquièrent des caractéristiques plus envahissantes et se disséminent plus largement. Les résultats in vitro ont pu être confirmés in vivo à l’aide d’analyses sur des poissons-zèbres. Il s’agit pour l’instant d’une étude unique qu’il faudrait reproduire avec d’autres cellules et dans d’autres contextes. On reste donc prudents, mais ces travaux vont dans le sens d’un effet potentialisateur des polluants sur le microenvironnement tumoral.

 

D’où viennent ces polluants et plus particulièrement la dioxine TCDD ?

Cette dioxine peut être produite par des processus de combustion naturels (le volcanisme par exemple), mais plus souvent par des procédés industriels d’incinération des déchets ou par la production de pesticides (comme les organochlorés). Une dioxine comme la TCDD s’infiltre dans les sols et contamine toute la chaîne alimentaire. Actuellement plus de 90% des contaminations à la dioxine chez l’homme sont liées à l’alimentation, le problème étant qu’elle s’élimine très mal et qu’on finit par en accumuler beaucoup dans notre organisme. Le fait d’être en surpoids contribue à une plus grande agressivité des cellules, sans doute parce que dans ce cas, on accumule davantage de polluants dans l’organisme. 

 

Votre équipe se caractérise par des profils scientifiques complémentaires.

D’un point de vue scientifique, c’est une belle aventure qui associe des chercheurs et des ingénieurs d’Université Paris Cité et de l’Inserm. Meriem Koual est gynéco-cancérologue et connaît bien la biologie cellulaire et moléculaire. Elle a collaboré étroitement avec David Sherr qui a rendu possible ses expériences in vivo sur les larves de poissons-zèbres. L’étude s’appuie par ailleurs sur un modèle cellulaire créé par Céline Tomkiewicz – modèle pour lequel elle a obtenu en 2016 le Prix Inserm de l’Innovation. Chiara Guerrera, elle aussi récipiendaire de ce Prix Inserm en 2019, a permis d’identifier les biomarqueurs, tandis que Robert Barouki et moi-même avons supervisé l’ensemble avec notre expertise de toxicologues.

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