Dans une récente étude* menée conjointement entre le laboratoire Matière et Systèmes complexes, le Ladhyx et l’Institut d’Alembert, des chercheurs ont percé les mystères de l’instant précis auquel des cristaux de glace se forment lorsqu’une goutte d’eau entre en contact avec une surface très froide. Ces nouvelles connaissances trouvent leur application directe dans plusieurs domaines comme l’industrie métallurgique ou l’aéronautique notamment.

Évolution de l’étalement d’une goutte d’eau sur un support à -13°C. La formation des cristaux de glace (flèches à 0.8ms) se produit d’abord à l’intérieur, puis les cristaux rattrapent la ligne de progression de l’étalement (flèches à 3.7ms)

© Axel Huerre

Axel Huerre, chargé de recherche au laboratoire Matière et Systèmes Complexes (MSC) d’Université Paris Cité, et ses collègues du laboratoire MSC, du Ladhyx et de l’Institut d’Alembert ont développé les premières expériences consistant à déposer une goutte d’eau liquide de moins de 2 mm sur une surface froide (-30°C) et à observer ensuite le comportement de cette goutte d’eau jusqu’à sa cristallisation complète.

Ce phénomène de cristallisation d’un liquide au contact d’une surface froide, ici en saphir pour sa capacité à bien conduire la chaleur, a suscité de nombreuses interrogations dans la communauté scientifique au cours des deux dernières décennies. Le travail récemment réalisé par les chercheurs, pour la première fois avec de l’eau et à des températures autour de -30°C, permet, grâce à une visualisation directe du processus de solidification, de préciser les mécanismes précédemment proposés pour d’autres fluides et de mettre en lumière ceux en jeu à linstant précis de la formation des premiers cristaux de glace.

Le premier élément nouveau mis en avant concerne le comportement de la goutte d’eau liquide. Les résultats des expériences montrent que ce dernier est identique quelle que soit la température du substrat. Par exemple, la vitesse d’étalement de la goutte d’eau liquide décroît lorsqu’elle s’étale, et ce de la même manière que le substrat soit à 40°C ou à -30°C. Ce premier constat apporte un élément nouveau sur la compréhension du phénomène d’étalement de la goutte sur une surface très froide. Restait alors à examiner les mécanismes en jeu à l’interface eau liquide/surface froide.

Dès qu’elle est déposée, la goutte d’eau s’étale. Parallèlement les premiers cristaux de glace se créent à l’interface eau liquide/substrat et poussent simultanément horizontalement et verticalement. La croissance horizontale se fait à vitesse constante d’autant plus rapide que la surface de contact, le substrat, est plus froide. Cette vitesse de croissance horizontale est aussi plus grande que celle de croissance verticale des cristaux mais aussi de celle d’étalement de la goutte. Ainsi, grâce à deux caméras ultra-rapides (6000 images/s), les chercheurs ont pu observer le processus précis d’étalement de la goutte sur la surface refroidie. Leurs conclusions ! Tout d’abord, le front liquide, qui avance, décélère continuellement. Les cristaux qui se forment grossissent plus rapidement que l’eau ne s’écoule et finissent par encercler la goutte d’eau qui ne s’étale plus. L’arrêt d’étalement de l’eau se produit donc lorsque les cristaux gagnent la course et grandissent plus rapidement que le liquide n’avance, donnant lieu à des images de dépôt fascinantes. Simultanément, la croissance verticale des cristaux, plus lente, s’achève alors et la goutte est ainsi complètement cristallisée.

À -30°C, une goutte d’eau de 2mm cristallise en 1ms.

 

Vue de dessus de l’expérience, enregistrée à 6000 images par secondes, qui montre l’étalement de la goutte déposée et la croissance de cristaux de glace sur le substrat en saphir refroidi à Ts = -13°C. Dans un premier temps, la ligne de contact s’étale sans être affectée par la solidification, puis des cristaux de glace nucléent et grandissent jusqu’à accrocher la ligne de contact, conduisant in fine à son arrêt.

 

Ces récentes découvertes, issues de la recherche fondamentale, intéressent tout particulièrement le secteur aéronautique qui intégrera ces nouvelles connaissances dans le développement de solutions pour remédier, entre autre, au givrage des instruments embarqués dans les avions ou drones.  

 

 

*Étude conduite conjointement entre le laboratoire Matière et Systèmes complexes (Université Paris Cité, CNRS), le Ladhyx (École Polytechnique, CNRS) et l’Institut d’Alembert (Sorbonne Université, CNRS).

Références

Contact Line Catch Up by Growing Ice Crystals – Rodolphe Grivet, Antoine Monier, Axel Huerre, Christophe Josserand, and Thomas Séon

Phys. Rev. Lett. 128, 254501 – Published 22 June 2022

DOI : https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.128.254501

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