Le phénomène, décrit pour la première fois en août 2021 dans le JRS Interface a captivé le milieu scientifique. Des nids de guêpes au Vietnam et dans d’autres parties du globe deviennent fluorescents à la lumière UV. À l’origine de cette découverte, les deux professeurs d’Université Paris Cité Bernd Schöllhorn et Serge Berthier entameront du 15 au 31 juillet prochain une nouvelle mission exploratoire dans la forêt tropicale du Vietnam.

P.brunetus under UV light

© Shöllhorn, Berthier et Nguyen

L’enthousiasme de Bernd Schöllhorn est intact quand il évoque cette nuit dans la forêt tropicale au Nord du Vietnam, lorsque muni d’une simple lampe UV, il a pour la première fois découvert les nids de guêpes fluorescents. L’intensité lumineuse était telle qu’il a tout d’abord douté de son origine biologique. Des mesures de rendement quantique menées plus tard en laboratoire par le chercheur Willy Daney de Marcillac, expert en optique (Sorbonne Université) ont en effet montré que la fluorescence émise par les nids de guêpes sous la lumière ultraviolette était trois fois plus intense que tous les phénomènes de fluorescence connus dans le monde animal terrestre.

Le travail d’identification mené avec l’entomologiste Lien Thi Phuong Nguyen, experte en taxonomie des frelons asiatiques (Vietnam Academy of Science and Technology) a permis de reconnaître l’espèce des polistes (guêpes à papier) P. brunetus et dont les nids, appelés nids de papier (paper nests) ont la particularité d’être ouverts en alvéoles et dépourvus de la protection de cellulose que l’on retrouve dans les nids des autres espèces.

 

© Shöllhorn, Berthier et Nguyen

À l’œil nu, ces nids sont d’une couleur blanc laiteux et mat. Sous la lumière UV en revanche, ils irradient d’une vive lueur verte visible jusqu’à près 20 mètres. Cette lumière peut être également bleutée et d’une moindre intensité pour les nids d’autres espèces de polistes : le P. canadensis en Guyane française et le P. gallicus dans le Sud de la France.

Les nids en eux-mêmes ne sont pas fluorescents : ce sont les protéines de soie qui constituent les opercules des alvéoles des nids – sécrétées par les larves – qui émettent la lueur fluorescente. Cette membrane de soie protège les larves durant leur métamorphose, avant d’atteindre leur forme adulte. Dans ce moment de grande vulnérabilité, la soie forme un bouclier contre l’environnement extérieur : les intempéries, les prédateurs ou les parasites et bactéries.

L’enjeu aujourd’hui est de découvrir le rôle et les fonctions de cette fluorescence et à quel moment elle devient significative. Les insectes, contrairement à l’être humain voient l’ultra-violet. L’une des hypothèses avancées est celle, éventuelle, d’une protection des larves contre les effets néfastes des rayons UV. Les nids sont en effet situés dans les parties élevées et clairsemées de la forêt, soumises à une forte irradiation solaire. Une autre hypothèse serait celle d’une sorte de « phare » pour orienter les guêpes rentrant au nid. Une chose est certaine : la recherche n’en est qu’à ses débuts et intéresse plusieurs champs disciplinaires de la science : chimie, physique, biologie etc. La mission qui se déroulera cet été aura notamment pour objectifs d’effectuer des mesures spectroscopiques des nids vivants sur le terrain dans des conditions naturelles.

Le projet exploratoire dans le cadre duquel a lieu la mission est financé par le CNRS (appel à projet MITI Lumière et Vie 2022) en collaboration avec des laboratoires français (Laboratoire d’Électrochimie Moléculaire – Université Paris Cité ; Institut des Nanosciences de Paris – Sorbonne Université ; Museum National d’Histoire Naturelle), vietnamiens (Vietnam National Museum of Nature ; Institute of Ecology and Biological Resources) et allemands (Zoologische Staatssammlung München ; Naturkundemuseum Berlin).

 

En savoir plus:
Bright green fluorescence of Asian paper wasp nests – Journal of the Royal Society of Science interface
– Willy Daney de Marcillac Institut des Nanoscience de Paris, UMR 7588 CNRS – Sorbonne Université
– Lien Thi Phuong Nguyen, Institute of Ecology and Biological Resources, Academy of Science and Technology, Vietnam
– Camille Aracheloff, Institut des Nanosciences de Paris, UMR 7588 CNRS – Sorbonne Université
– Serge Berthier, Institut des Nanoscience de Paris, UMR 7588 CNRS – Sorbonne Université
– Bernd Schöllhorn, Laboratoire d’Électrochimie Moléculaire, Université Paris Cité, CNRS UMR 7591