En aplanissant un champ de dune dans le désert de Gobi et en observant à haute résolution l’émergence et la croissance des nouvelles dunes pendant plus de 3 ans, une étude internationale portée par des géomorphologues et physiciens de l’IPGP, d’Université Paris Cité, de l’ESPCI Paris-PSL et du CNRS a permis de valider les modèles théoriques de formation des dunes. Ces résultats permettent de remonter, via les dimensions caractéristiques des dunes, aux conditions atmosphériques et environnementales qui règnent dans les milieux désertiques, sur Terre comme sur d’autres corps planétaires.

Préparation de la zone d’étude, phase d’aplanissement, le 10 Avril 2014.

© Narteau – IPGP

Les champs de dunes sont des objets d’étude privilégiés de la recherche en géomorphologie (la science qui étudie la formation des paysages) car ils proposent des motifs réguliers et des formes périodiques observables à toutes les échelles sur Terre et plus largement au sein du Système solaire, comme par exemple sur Mars et Titan (lune de Saturne). Les champs de dunes sont ainsi souvent les premiers paysages observés par les missions d’exploration planétaire.

La formation des champs de dunes résulte des interactions entre le vent, la topographie et le transport des grains de sable qui imposent une taille minimum (approximativement 10 m sur Terre), au delà de laquelle les dunes peuvent se déstabiliser. Cette instabilité est à l’origine des motifs périodiques que l’on retrouve systématiquement au travers de tous les champs de dunes. La périodicité des dunes peut ainsi être directement reliée aux propriétés de l’écoulement (le vent) et de transport (la taille des grains de sable) et donc aux conditions atmosphériques et environnementales dans lesquelles les dunes se développent.

La compréhension des processus physiques à l’origine des dunes et la validation des modèles théoriques par des expériences de laboratoires ou des observations de terrain sont donc des questions qui animent la communauté scientifique depuis longtemps, et font toujours l’objet de nombreuses études, notamment du fait de la complexité à reproduire les conditions initiales favorables au développement de l’instabilité. Les échelles en jeu ne permettant pas d’étudier la formation des dunes éoliennes en soufflerie, une alternative consiste à réaliser des expériences in situ sous des conditions de vent naturelles.

 

Dans une étude publiée le 19 avril 2021, dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, une équipe sino-française de scientifiques de l’IPGP, d’Université Paris Cité, de l’ESPCI Paris-PSL, du CNRS et de l’Académie des Sciences de Chine, propose, pour la première fois, une validation, par une expérience hors norme sur le terrain, de l’instabilité à l’origine des dunes.

Les auteurs de l’étude ont commencé par aplanir une zone de dunes de 75x100 m² (l’équivalent d’un très grand terrain de football) à l’est du désert de Gobi, en Chine. Puis, pendant plus de 3 ans, entre 2014 et 2017, l’équipe a mesuré à haute résolution toutes les caractéristiques topographiques des nouvelles dunes qui s’y sont formées, depuis leur émergence jusqu’à leur taille mature.

Ces données ont ainsi permis de vérifier que la naissance des dunes résultait bien d’un mécanisme de sélection en taille régi par la variation des flux de sable et correspondant à une longueur d’onde de 15 m, qui aboutit à l’émergence d’un motif périodique de même taille à travers tout le site expérimental. L’équipe internationale a pu ensuite comparer ces résultats expérimentaux avec les prédictions d’un modèle d’instabilité dunaire utilisant les propriétés de transport et des vents mesurées en parallèle sur le terrain, et ils ont observé un accord remarquable entre la théorie et les observations !

 

Cette validation des mécanismes à l’origine de l’instabilité dunaire, permet, d’une part de mieux comprendre l’émergence et l’évolution des champs de dunes sur Terre, mais aussi de remonter aux conditions extérieures qui régnaient lors de la mise en place de ces champs de dunes, et ainsi obtenir des données atmosphériques et environnementales là où il est impossible de les mesurer directement, en particulier sur d’autres corps planétaires.

 

Bibliographie :

Ping Lü, Clément Narteau, Zhibao Dong, Philippe Claudin, Sébastien Rodriguez, Zhishan An, LauraF ernandez-Cascales, Cyril Gadal, and Sylvain Courrech du Pont, Direct validation of dune instability theory, PNAS 2021 Vol. 118 
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