17 janvier 2024, séminaire GRIP- Vers des sciences sociales non-hégémoniques

Intervenante: Meta Cramer, Université de Freiburg – Allemagne. 

Titre: Zones de négociation de la connaissance : Un concept de sensibilisation à la production mondiale de connaissances sociales

Résumé: Alors que les contributions à la sociologie postcoloniale, à la décolonialité et à la théorie du Sud ont analysé de manière critique les héritages coloniaux et les inégalités mondiales dans la production et la circulation des connaissances au cours des dernières décennies, la dimension pratique de la production de connaissances – telle qu’elle est étudiée dans la sociologie des sciences – reste souvent négligée. Dans mon exposé, je présenterai d’abord brièvement un argument en faveur de la combinaison des deux domaines, puis je me concentrerai sur mon travail de terrain et mes entretiens approfondis avec des universitaires chevronnés des Caraïbes anglophones, qui m’ont permis de découvrir les pratiques collectives de publication, d’enseignement et de mise en réseau de cette communauté d’universitaires face à leur position marginalisée. Je présenterai ensuite une théorisation des pratiques de travail relatées dans un concept analytique de portée moyenne, celui des « zones de négociation de la connaissance ». Ce « concept sensibilisateur » met l’accent sur l’engagement créatif des chercheurs basés dans le Sud vis-à-vis des inégalités mondiales et des héritages coloniaux de la production de connaissances, ainsi que sur leur évolution dynamique, et pourrait inspirer d’autres études comparatives.
Pour modéliser les pratiques des chercheurs en sciences sociales en matière de connaissances et de carrière, je m’appuie tout d’abord sur la notion de négociation de Stuart Hall, qui souligne la relation et la situation des pratiques d’élaboration des connaissances dans les structures de pouvoir. En outre, je qualifie ces pratiques de négociation d’action créative en référence au travail pragmatique de Hans Joas. Troisièmement, j’utilise le concept de zones, en m’appuyant sur les travaux de Marie-Louise Pratt sur les « zones de contact », afin d’appréhender les différents domaines des pratiques de travail scientifique. Ensuite, je distingue quatre zones de production de connaissances – vulgarisation, collaboration, publication et enseignement – qui font progresser les conceptualisations existantes de la production de connaissances comme étant structurée dans des domaines ou des mondes/arènes sociaux. Globalement, le modèle vise à saisir les pratiques dynamiques, créatives et orientées vers la communauté dans lesquelles se négocie la production de connaissances dans des espaces marginalisés et anciennement colonisés.

Toutes les séances auront lieu  en salle 279F à la Halle aux farines sauf le 3 avril où nous serons en 375F toujours à la Halle aux farines, 9-15 esplanade Pierre Vidal-Naquet 75013 Paris. 

Carte- Halle aux farines

https://u-paris.zoom.us/j/2347692003?pwd=Y2JIY0NKM3V5bXozVWJwTFkvUmQ5QT09