Table ronde
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Round-Table Discussion
Quand ?
Mardi 4 juin de 16h à 18h
Où ?
Bétonsalon – centre d’art et de recherche – 9 esplanade Pierre Vidal-Naquet 75013 Paris
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When?
Tuesday 4 June from 4pm to 6pm
Where?
Bétonsalon – centre d’art et de recherche – 9 esplanade Pierre Vidal-Naquet 75013 Paris
© Anne-Sophie Milon, 2023, Harlem, Camille’s bedroom.
Matrimoines – Vers une écologisation des pratiques
Intervenantes de la table ronde
- La géographe spécialiste de l’esthétique environnementale Nathalie Blanc – LADYSS, CNRS et Directrice du Centre des Politiques de la Terre ;
- L’historienne spécialisée en littérature politique du 19ème rédigée par des femmes Cécile Roudeau – Directrice du LARCA, CNRS ;
- L’anthropologue, spécialiste des liens multi-espèces et des intersectionnalités des inégalités Renata Freitas Machado – postdoctorante de la Cité du Genre et du Centre des Politiques de la Terre ;
- Une personne de l’association HF – Île-de-France ;
- L’artiste Violaine Lochu ;
- L’artiste Johana Blanc ;
Cette table ronde est animée par la doctorante en littérature et humanités environnementales Clara-Louise Mourier – LARCA, Université Paris Cité.
Intention
Le terme « matrimoine » est un terme juridique imaginé dans la France du 12ème siècle pour désigner les « biens maternels » en contraste de ceux paternels désignés par le terme « patrimoine » (1). Tombé dans l’oubli, le matrimoine a été réactualisé dans les années 2000 sous l’impulsion forte de la metteuse en scène, comédienne, dramaturge, autrice et historienne du théâtre, Aurore Evain (HF Mouvement, 2023 : 2). Le terme s’ouvre alors et devient un domaine plus vaste. De sa simple circonscription notariale de « biens maternels », il regroupe aujourd’hui les diverses approches et pratiques de recherche cherchant à revaloriser et à se réapproprier l’héritage culturel des créatrices du passé gommées par une Histoire écrite au masculin (www.matrimoine.fr). Les femmes créatrices de la seconde moitié du 20ème siècle ne sont plus des pionnières, elles sont « des ‘héritières’ fières de leurs ‘mères’ (HF Mouvement, 2023 : 2) », elles s’inscrivent au sein d’entremêlements pluriels d’herstories (2) qu’il s’agit de restaurer afin d’obtenir une égalité juste entre femmes et hommes au sein de nos sociétés.
L’association HF Mouvement a créé en 2015 les Journées du Matrimoine, en écho aux Journées du Patrimoine, « pour faire émerger [et rendre public cet] ‘héritage des mères’ et rendre visibles leurs œuvres (3) ». Dans le terme, l’objectif de ce réseau d’associations régionales est d’inscrire le matrimoine au sein des programmes scolaires et universitaires, dans les espaces, le langage et l’opinion publique ainsi que dans les politiques culturelles françaises.
En 2024, dans un contexte géopolitique violent où les démocraties modernes sont contraintes de composer avec l’intrusion des limites planétaires tout en étant poings et pieds liés aux intérêts industriels bien ancrés, au poids des infrastructures technologiques et aux cultures inégalitaires et consuméristes, l’écologie politique peut apprendre du matrimoine.
Dans un premier temps – et de manière évidente –, l’écologie politique peut elle aussi hériter d’herstories afin de réapprendre à habiter la Terre, telles que celles décrites par la théorie du care s’intéressant à l’environnementalisme ordinaire. De nombreuses pratiques et activités réalisées par des femmes s’engagent dans la transformation de mondes et la création d’alternatives. Pourtant ces pratiques sociales – artisanales, culinaires, jardinières, rituelles, spirituelles, poétiques, oniriques, somatiques, festives, militantes, performatives, subversives, révolutionnaires, etc. mais aussi juridiques, organisationnelles, relationnelles, graphiques, administratives, logistiques, etc. -, sont mésestimées, considérées comme un espace dépourvu de qualités ne méritant pas d’attention esthétique et par conséquent, invisibilisées. Or, elles constituent des actes de création culturelle puissants au pouvoir d’initier des changements personnels, communs et au sein des relations inter-espèces. Quels sont les artistes témoignant du pouvoir du care ordinaire ?
Dans un deuxième temps, l’écologie politique peut aussi apprendre des processus historiques de persécution et d’éradication des femmes « souvent de leur vivant très reconnues, mais une fois mortes, oubliées …voire, pour certaines, volontairement effacées » fondant le matrimoine. Notre monde est aujourd’hui un relai de transmission : nous sommes à la fois les héritièr.e.s des effets dévastateurs du monde moderne et les testateur.rice.s de futurs générations d’une Terre au devenir inhabitable imminent – elle est déjà inhabitable depuis longtemps pour nombreux mondes (Danowsky, Viveiros de Castro, 2016). Formuler en d’autres termes, en tant que passeur, quels pouvoirs d’agir notre monde peut-il hériter du matrimoine lorsque les vivant.e.s peuplant les vitrines des Musées d’Histoire Naturelle deviennent – à chaque minute – des spécimens de paléontologie, des espèces disparues de l’Histoire ?
En retour et dans un dernier temps, il apparaît que l’existence de l’écologie politique soumet une nouvelle question au matrimoine. Lorsque l’on devient conscient.e.s que les créations des femmes ont été gommées de l’Histoire au même moment que celles de la Nature (Merchant, 2021), on est en mesure de se demander si le geste de « restaurer les lignées d’héritages des Mères » ne pousse pas le domaine du matrimoine à s’ouvrir à d’autres récits. Par exemple, est-ce que le matrimoine peut inclure des espèces compagnes autres que des œuvres d’art ? En d’autres termes, est-il possible de pluraliser cette notion au-delà de son simple rapport antonyme avec celle de patrimoine ancrée dans une logique colonialiste, patriarcale et hétéroséxiste ?
HF MOUVEMENT (2023), « Journée du Matrimoine, Dossier de presse », https://www.lematrimoine.fr/presse-et-ressources/, 15 pages.
DANOWSKY Déborah, VIVEIROS de CASTRO Eduardo (2016), The Ends of the World, Polity books, 180 pages.
HILLENKAMP Isabelle, (2022), « Dans la forêt, le genre: Agroécologie et féminisme dans un environnement sous tension au Brésil », Journal des anthropologues, 168-169:1-2, pp. 79-96.
MERCHANT Carolyn (2021 ; 1980), La Mort de la nature, Les femmes, l’écologie et la Révolution scientifique, Éditions Wildproject, 454 pages.
(1) www.cntrl.fr/definition/matrimoine
Cet événement est coordonné par Anne-Sophie Milon et Wenjing Guo.
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Matrimoines – Towards an ecologisation of practices
Round table speakers
- Geographer specialised in environmental aesthetics Nathalie Blanc – LADYSS, CNRS and Director of the Centre des Politiques de la Terre;
- Historian specialised in 19th-century political literature written by women Cécile Roudeau – Director of LARCA, CNRS;
- Anthropologist specialised in multi-species links and intersectional inequalities Renata Freitas Machado – postdoctoral fellow at the Centre des Politiques de la Terre;
- A member of the HF – Île-de-France association;
- Artist Violaine Lochu ;
- Artist Johana Blanc ;
This round table is moderated by Clara-Louise Mourier PhD student in environmental literature and humanities – LARCA, Université Paris Cité.
Intention
The term matrimoine is a legal term coined in 12th-century France to designate « maternal inheritance » in contrast to paternal inheritance designated by the term patrimoine (2). Having fallen into oblivion, matrimoine was revived in the 2000s under the strong impetus of director, actress, playwright, author and theater historian Aurore Evain (HF Mouvement, 2023: 2). The term then opened up and became a broader field. From its simple notarial circumscription of « maternal inheritance », it now encompasses the various approaches and research practices seeking to revalue and reappropriate the cultural heritage of women creators of the past, erased by a History written in the masculine (www.matrimoine.fr). Women creators of the second half of the 20th century are no longer pioneers, they are « ‘heiresses’ proud of their ‘mothers’ (HF Mouvement, 2023: 2) », they are part of plural interweavings of herstories (3) that need to be restored in order to achieve fair equality between women and men within our societies.
In 2015, the HF Mouvement association created the Journées du Matrimoine, echoing the Journées du Patrimoine, « to bring out [and publicize this] ‘heritage of mothers’ and make their works visible (4) ». In the long term, the aim of this network of regional associations is to inscribe matrimoine in school and university curricula, in public spaces, language and opinion, as well as in French cultural policies.
In 2024, in a violent geopolitical context where modern democracies are forced to deal with the intrusion of planetary limits while being bound hand and foot to entrenched industrial interests, the weight of technological infrastructures and inegalitarian, consumerist cultures, political ecology can learn from matrimoine.
In the first instance – and most obviously – political ecology can also inherit herstories for re-learning how to inhabit the Earth, such as those described by the care theory concerned with ordinary environmentalism. Many practices and activities carried out by women are committed to transforming worlds and creating alternatives. Yet these social practices – artisanal, culinary, gardening, ritual, spiritual, poetic, dreamlike, somatic, festive, militant, performative, subversive, revolutionary, etc., but also legal, organizational, relational, graphic, administrative, logistical, etc. – are considered to be a space devoid of qualities that do not merit aesthetic attention, and are therefore invisible. Yet they are powerful acts of cultural creation, with the power to initiate personal, communal and inter-species change. Who are the artists who bear witness to the power of ordinary care?
In the second instance, political ecology can also learn from the historical processes of persecution and eradication of women « often highly recognized during their lifetime, but once dead, forgotten…or even, for some, voluntarily erased » founding matrimoine. Our world today is a relay of transmission: we are both heirs to the devastating effects of the modern world and testators of future generations of an Earth that is imminently uninhabitable – it has already been uninhabitable for a long time for many worlds (Danowsky, Viveiros de Castro, 2016). To put it another way, as passers-by, which agencies can our world inherit from matrimoine, when the living creatures that populate the showcases of Natural History Museums become – every minute – paleontological specimens, species that have disappeared from history?
In return and in the last instance, the existence of political ecology raises a new question for matrimoine. When we become aware that the creations of women have been erased from history at the same time as those of Nature (Merchant, 2021), we are in a position to wonder whether the gesture of « restoring the lines of inheritance of the Mothers » does not push the domain of matrimoine to open up to other narratives. For example, can heritage include companion species other than works of art? In other words, is it possible to pluralize this notion beyond its simple antonymic relationship with patrimoine rooted in a colonialist, patriarchal and heterosexist logic?
HF MOUVEMENT (2023), « Journée du Matrimoine, Dossier de presse », https://www.lematrimoine.fr/presse-et-ressources/, 15 pages.
DANOWSKY Déborah, VIVEIROS de CASTRO Eduardo (2016), The Ends of the World, Polity books, 180 pages.
HILLENKAMP Isabelle, (2022), « Dans la forêt, le genre: Agroécologie et féminisme dans un environnement sous tension au Brésil », Journal des anthropologues, 168-169:1-2, pp. 79-96.
MERCHANT Carolyn (2021 ; 1980), La Mort de la nature, Les femmes, l’écologie et la Révolution scientifique, Éditions Wildproject, 454 pages.
(2) www.cntrl.fr/definition/matrimoine
This event is coordinated by Anne-Sophie Milon and Wenjing Guo.
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