Colloque « Habitabilités »
Pour conclure son cycle 2022/2023 de séminaires autour des hybridations plurielles de l’« habitabilité », le Centre des Politiques de la Terre organisera les 22 et 23 juin 2023 un colloque entremêlant jeunes chercheur.se.s et chercheur.se.s confirmé.e.s – issu.e.s des sciences naturelles et expérimentales & des sciences sociales et humaines – ainsi que des acteur.trice.s publics, des militant.e.s et des artistes. Ce colloque aboutira sur la publication d’un ouvrage collectif.

© Thomas Cuelho
Colloque « habitabilitéS »
22 et 23 juin 2023
Face à l’aggravation et la multiplication des crises écologiques à l’échelle planétaire, les appels à des recherches ouvertes, entre disciplines et vis-à-vis du reste de la société, se sont multipliés (Kates, 2011). Sécheresses, feux de forêts, inondations, mais aussi contaminations des milieux, déséquilibre des cycles biogéochimiques et dépassement de plusieurs limites planétaires, sont autant de phénomènes nécessitant des collaborations inédites entre sciences de la Terre, du vivant, et sciences humaines et sociales, ainsi que de « nouveaux » concepts favorisant ces collaborations. L’habitabilité terrestre est une notion frontière qui vise un dialogue interdisciplinaire : ce concept renvoie aux limites physiques qui favorisent la vie et aux conditions politiques, sociales, économiques de reproduction du vivant (Blanc et al., 2022, p. 10). Ce concept met à l’épreuve les collaborations entre scientifiques et non scientifiques, « habitants », militants ou acteurs publics, pour préserver l’habitabilité des milieux, et ce pour différentes espèces, dans un contexte de perturbation des équilibres planétaires.
Partir de l’habitabilité vise à faire avancer les débats, de méthodes et sur le fond, sur l’interdisciplinarité qui caractérisent les sciences de l’environnement depuis leur émergence dans les années 1970 (Leroy, 2004).
Pour ce faire, ce colloque met en scène quatre axes de dialogue méthodologique et autour d’objets de recherche. La question des échelles, « naturellement » adaptées à l’objet dès lors que les phénomènes sont décrits depuis Saturne (Haraway, 2007), devient problématique lorsqu’il s’agit de décrire cet objet pour d’autres disciplines. S’interroger sur l’habitabilité implique de réfléchir aux outils et pratiques des chercheurs, relatifs à des échelles spatiales, temporelles spécifiques, plus ou moins adaptés aux bouleversements écologiques vécus par des acteurs extrêmement variés, parmi lesquels les habitants. La question des représentations de la Terre et des milieux renvoie aux données les alimentant, ou non (Boudia, Henry, 2022), ainsi qu’aux rapports au monde qui les structurent. Ce sera le deuxième axe. L’action publique, les mobilisations collectives, et leurs articulations plurielles avec les sciences, feront l’objet du troisième axe du colloque. Le rôle des inégalités et des enjeux de justice innervera la problématique des relations croisées aux territoires. Le quatrième axe du colloque vise les conditions d’habitabilité et du « bien-vivre » au prisme de la santé dans un trivium disciplinaire : sciences de la vie et de la Terre, SHS et médecine. Ce faisant, les contributions éclaireront ce que signifie habiter un monde de plus en plus exposé à des changements parfois radicaux, souvent insidieux (Barouki et al., 2021).
Axe 1. Croiser les échelles de l’habitabilité
L’habitabilité invite à croiser les échelles spatiales et temporelles en vue de produire une analyse circonstanciée des transformations des milieux et des formes de vie qu’ils abritent. L’intrication entre les cycles biogéochimiques, comme ceux de l’azote ou des métaux, la transformation des conditions de vie dans certains milieux, qu’il s’agisse de la baie de Saint-Brieuc ou des côtes de la Martinique (Ménez, 2019), et l’action publique, interroge également l’(in)adéquation entre échelle d’analyse et territoire vécu, entre échelles géographiques, historiques et cycles biogéochimiques (Gaillardet, Boudia, 2021). De la même manière, les échelles varient en fonction des disciplines impliquées sur un même objet et des systèmes théoriques mobilisés. Comment se retrouver autour d’une échelle pertinente lorsque l’on ne se satisfait pas de l’explication selon laquelle l’humanité « dans son ensemble » participe du changement climatique (Bonneuil, Fressoz, 2015) ? Comment quantifier, qualifier, territorialiser des bouleversements écologiques pour les faire coïncider avec les dynamiques des sociétés humaines (Borderon et al., 2019) ? Les communications porteront ainsi sur les manières dont ces échelles sont produites par différentes disciplines, sur les outils et les concepts impliqués dans cette production, sur la façon dont elles permettent ou non d’entrer en dialogue avec différents acteurs, scientifiques issus d’autres disciplines, ou non scientifiques. Il s’agira de montrer « l’arrière cuisine » de l’interdisciplinarité, mais aussi la manière dont cette dernière remodèle les objets, voire les objectifs de la recherche.
Axe 2. Représenter la Terre, les milieux et les formes de l’habiter
Un des enjeux de la mutation écologique est le renouvellement des représentations de la Terre et de nos environnements, notamment en termes de communication, afin d’inspirer l’action publique et collective. La manière dont ces représentations influent sur ce que l’on cherche et ce que l’on trouve n’est plus à démontrer. Pour autant, les méthodologies de recherche capables de donner à voir les bouleversements, de les faire ressentir ou de donner un sens esthétique aux sentiments qu’ils causent sont encore à investiguer (Blanc, 2022). Qu’est-ce que le passage d’une recherche sur la Terre, à une recherche sur la fine pellicule poreuse entre l’atmosphère et les roches non altérées, siège des interactions entre l’air, l’eau, les roches et les écosystèmes (Arènes et al., 2018), pour ne donner qu’un exemple, implique-t-il comme données et raisonnements nouveaux ? Comment sont construites de nouvelles formes et supports favorisant la convergence entre disciplines, l’implication d’acteurs non-scientifiques dans la recherche et inversement, ou plus généralement de renouveler les supports communs d’explication et de monstration de la Terre et de ses fonctionnements.
Axe 3. Actions collectives et mobilisations environnementales
Les débats sur l’Anthropocène ont remis les questions « environnementales » au cœur du débat public, ce cadrage contribuant à leur politisation sous un angle distinct des agendas antérieurs (Latour, 2015). De nombreuses formes d’actions collectives se développent, portant sur différentes dimensions de cet agenda protéiforme et ce à différentes échelles. Ces mobilisations prennent aussi la forme de politiques publiques (Lascoumes, 2018), et croisent également des demandes de justice sociale et environnementale (Blanc et al., 2017). La problématisation, la publicisation, le déploiement et les effets de ces actions collectives sont au cœur de ce deuxième axe. Il s’agira de comprendre leurs objets, les liens entre ces formes d’action et les données et représentations disponibles, ainsi que la manière dont elles retravaillent les relations entre sciences, action publique, et justice. Les contributions attendues peuvent analyser ces mises en politique de l’environnement, leurs conséquences et enjeux, ou revenir sur une expérience de collaboration entre scientifiques et pouvoirs publics, entreprises ou mobilisations. Elles peuvent enfin interroger les stratégies politiques à mettre en œuvre pour faire face aux enjeux des crises écologiques et sociales (Barlow et al., 2022).
Axe 4. Santé humaine, santé planétaire et santé des milieux
Ces dernières années, de nombreuses recherches interrogent l’unicité du vivant et ses liens avec les processus biogéochimiques gouvernant le fonctionnement des écosystèmes (Watts, 2017) selon les paradigmes One Health et de la santé planétaire. Ces approches touchent aux conditions de vie, voire de survie, des espèces dans des milieux plus ou moins hospitaliers et plus ou moins abimés par l’activité humaine, et donc leurs capacités à la symbiose. Ces recherches concernent les formes d’affections dont souffrent les individus exposés tout au long de leur cycle de vie à des cocktails de substances chimiques, désormais durablement inscrites dans l’ensemble des environnements et du vivant (Boudia, Jas, 2019), et aux effets du changement climatique. De la description des approches et des infrastructures de recherche permettant la description des exposomes, à l’explicitation des liens théoriques entre santé des milieux et santé du vivant, cet axe accueille des contributions de chercheurs de toutes disciplines, y compris en médecine, sciences de la matière et sciences sociales, intéressés par la redéfinition des rapports entre les conditions biologiques et sociales de la vie, et les formes de l’habiter sur une planète en transformations.
Informations pratiques
Le colloque est prévu en présentiel les 22 et 23 juin 2023 à l’Université Paris Cité (lieu exact à déterminer).
Participation en présentiel exclusivement. Aucun frais d’inscription.
Les propositions de communication comportant le titre de la communication, le nom et l’adresse des auteur.e.s ainsi que leur(s) affiliation institutionnelle, et ne dépassant pas 3000 signes, sont à envoyer jusqu’au 3 janvier 2023 à l’adresse suivante : centre.pol.terre@listes.u-paris.fr.
Les contributions collectives et rassemblant des chercheur.e.s de différentes disciplines ou en association avec des non-scientifiques sont encouragées.
Les propositions seront évaluées par le comité scientifique et le bureau du CPT, qui rendra ses avis à partir du 1er février 2023.
Comité scientifique
Nathalie Ortar – anthropologie
Cédric Gaucherel – astrophysique, écologie
Isabelle Arpin – sociologie
Thomas Lamarche – économie
Malcom Ferdinand – ingénierie, philosophie, sciences politiques
Géraldine Pfleiger – sciences politiques
Olivier Hamant – biologiste
Alexandra Arènes – architecte, arts, sciences
Audrey Sabbagh – médecine
Gaëlle Charron – physique
Comité d’organisation
Les membres du bureau du Centre des Politiques de la Terre
Le Centre des Politiques de la Terre vise à favoriser les convergences entre disciplines autour du thème de l’habitabilité, et à la suite de son séminaire sur ce même thème qui a lieu chaque troisième jeudi du mois à partir de septembre 2022. Certaines contributions du colloque et du séminaire pourront ainsi faire partie d’un ouvrage collectif qui sera publié courant 2024-2025.
Dans son ambition de réunir acteur.trice.s scientifiques, acteur.trice.s publics, militant.e.s et artistes, les sessions thématiques seront alternées avec des tables rondes rassemblant des acteur.trice.s non-académiques.
Les auteur.trice.s des propositions de communication retenues devront envoyer les premières versions de leurs contributions à l’adresse électronique centre.pol.terre@listes.u-paris.fr au plus tard début juin 2023. Le comité d’organisation communiquera aux contributeur.trice.s retenu.e.s les modalités de leur déplacement, hébergement et séjour à Paris.
Calendrier récapitulatif
1er octobre 2022 – 3 janvier 2023
Diffusion de l’appel à contributions et réception des propositions
Janvier 2023
Réunion du comité scientifique
Février 2023
Sélection des propositions
1er mars 2023
Envoi des réponses aux auteur.trice.s et début des inscriptions au colloque
1er juin 2023
Réception des textes des auteur.trice.s
22 et 23 juin 2023
Colloque
Octobre 2023
Envoi des textes par les auteur.trice.s et début du processus de reviewing en vue d’une publication
Références bibliographiques
Barlow N., Regen L., Cadiou N., Chertkovskaya E., Hollweg M., Plank C., Schulken M., Wolf V., 2022. Degrowth & Strategy: how to bring about social-ecological transformation, MayFly Books
Barouki R., Depoux A., Devès M., 2021. « Environnement et santé : quels impacts, quelles gouvernances ? », Annales des Mines, Responsabilité et environnement, 104, pp. 4-5
Blanc N., 2022. « Esthétique et changement climatique », Metzger A., Le climat : au prisme des sciences humaines et sociales, Éditions Quae, pp.183-197
Blanc N., Boudia S., Bouteau F., Chiche J., Depoux A., Devès M., Gaillardet J., Halpern C., Paule C., Tocilovac M., 2022. Une terre au défi de l’habitabilité. Université et enjeux des savoirs de la Terre, Centre des Politiques de la Terre, Université Paris Cité, https://u-paris.fr/centre-politiques-terre/une-terre-au-defi-de-lhabitabilite/.
Blanc N., Canabate A., Douay N., Escobar A., Paddeu F. , 2017. « Mobilisations environnementales et dynamiques des territoires : le cas de Plaine Commune, communauté d’agglomération d’Ile-de-France », VertigO, 17 (2), p.1-32.
Borderon M., Sakdapolrak P., Muttarak R., Kebede E., Pagogna R., Sporer E., 2019. “Migration influenced by environmental change in Africa: A systematic review of empirical evidence”, Demographic Research, Vol; 41, N° 18, p. 491-544
Boudia S., Henry E., 2022. Politiques de l’ignorance, Paris, PUF
Boudia S., Jas N., 2019. Gouverner un monde toxique, Versailles, Quae.
Gaillardet J., Boudia S., 2021. « La Zone critique. Vers de nouvelles pratiques scientifiques pour réduire les ignorances dans l’Anthropocène ». Revue d’anthropologie des connaissances, 15 (4).
Haraway D. 2007 [1997]. « Le témoin modeste. Diffractions féministes dans l’étude des sciences », in Haraway D., Manifeste cyborg et autres essais. Sciences, fictions, féminismes. Paris, Exils, p. 309-333.
Kates R., 2011. From the Unity of Nature to Sustainability Science: Ideas and Practice CID Working Paper 218, Center for International Development, Harvard University, Cambridge
Latour B., 2015. Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, La Découverte, Paris.
Lascoumes P., 2018. Action publique et environnement, Paris PUF.
Menez F., 2019. « « La télé est morte. » : Algues brunes, corrosion, contagion aux Antilles » Techniques & Culture, 72, 184-199.
Watts N., Adger W. N., Ayeb-Karlsson S., Bai Y., Byass P., Campbell‑Lendrum D., Costello A. et al., 2017. « The Lancet Countdown: tracking progress on health and climate change », The Lancet, 389 (10074), pp. 1151-1164.
À (re)lire

L’habitabilité en question à l’échelle d’un territoire de l’Anthropocène
Centre des Politiques de la Terre (2023)
Document de travail • Campus Anthropocène 2022

Habiter au cœur des déséquilibres planétaires
Le Centre des Politiques de la Terre souhaite de nouveau soutenir des projets de recherche interdisciplinaire. Il invite ceux·elles souhaitant l’accompagner dans la réflexion sur une ou plusieurs de ses thématiques de recherche à lui soumettre un projet.

Les justices au cœur de la transition sociale et écologique des territoires
Centre des Politiques de la Terre (2023)
Document de travail • Journée d’étude

Une Terre au défi de l’habitabilité. Université et enjeux des savoirs de la Terre
Centre des Politiques de la Terre (2022)
Papier de positionnement