Recherche-action
La recherche-action, actuellement centrée sur les questions de la souffrance et du handicap invisible d’un côté (projet en partenariat avec l’hôpital Necker), la migration de l’autre (projet en partenariat avec le Samu social), suppose le déploiement d’une communication innovante, afin de créer des passerelles par-delà les différences interculturelles et les incompréhensions inhérentes à certains tabous.
Langage intérieur et migration
Nos travaux de recherche-action articulés autour de la migration ont commencé en 2014 avec Médecins du Monde et se poursuivent avec le Samu social.
La question de la migration constitue aujourd’hui un enjeu mondial, auquel la politique européenne apporte des réponses dont nous pouvons nous demander si elles sont satisfaisantes. Le centre humanitaire d’Ivry, créé le 10 novembre 2016, sous l’impulsion de la mairie de Paris et sous la responsabilité d’Emmaüs, accueille des femmes seules, des enfants et des familles. Les enjeux en sont triples : l’accueil des migrants, une garantie de prise en charge socio-médicale, une orientation vers des dispositifs de plus longue durée le temps que la demande d’asile suive son cours. À l’heure actuelle, environ 450 personnes sont logées dans des pavillons en bois, modulaires. Les habitations ne comprennent ni cuisine ni douches. Des yourtes sont aménagées pour les repas en commun et pour l’école. La durée d’hébergement est de 3 à 5 mois. Le centre est organisé selon une répartition topographique fondée sur le statut familial : il existe une « rue » des familles, des rues de femmes isolées.
Nous avons établi un état des lieux de la parole intérieure des femmes et des enfants dans ce nouveau centre humanitaire, où se côtoient des migrants d’origines diverses. À titre de comparaison, le centre de Porte de la Chapelle, aujourd’hui détruit, accueillait des hommes seuls venant par exemple d’Afghanistan, d’Érythrée, d’Éthiopie, de Guinée, de Soudan, du Tchad. À partir de portraits de voix intérieures, la dimension humaine dans toute son universalité mais aussi dans sa singularité rapprochent tout un chacun de ces personnes, perçues comme des envahisseurs indésirables. Paroles intérieures de migrantes (Hermann, coll. « Monologuer », 2020) est née de la volonté de donner la parole et de faire entendre ces voix intérieures et ce vécu, plutôt que de les commenter. La voix intérieure de Jeanine Rochefort, seul portrait de voix intérieure qui n’est pas anonyme, sert de fil directeur à cet ouvrage à portée socio-politique et à visée de recherche-action. C’est un « livre coup de poing ». Il s’agissait pour Catherine Paulin, Jeanine Rochefort et Stéphanie Smadja, de mettre en valeur des portraits de voix intérieures, sans « parler pour ». Nous souhaitons également développer un podcast de paroles brutes, documentaires, selon le même principe. Ainsi l’objectif de ce bref ouvrage, dans une perspective de recherche-action, rejoint-il totalement celui de Médecins du Monde. Ainsi, explique Jeanine Rochefort, leur devise n’est-elle plus « soigner et témoigner » mais « soigner pour témoigner ». La voix intérieure de Jeanine Rochefort (seul portrait intérieur qui ne sera pas anonyme) sert de fil directeur à cet essai à portée socio-politique.
Le handicap invisible et l’invisible de la parole en milieu scolaire
L’objectif du protocole HD est double : créer un parcours de soin innovant et appréhender la qualité de vie de ces enfants atteints de MAREP comme de leurs proches autrement, en étudiant leur langage intérieur dans trois milieux : chez eux, à l’hôpital et à l’école. Notre réflexion est centrée sur les tabous, les non-dits, la douleur et le handicap invisible. Un nouveau protocole « Handicap et Douleur » a été adapté pour les enfants. Non seulement l’acquisition de la propreté est retardée pour ces enfants mais 40% d’entre eux n’acquièrent pas totalement une continence socialement acceptable à l’âge adulte. Ces séquelles ont des conséquences sur leur vie sociale, affective, familiale, amicale mais aussi, à terme, sur l’intimité. L’intégration scolaire est parfois entravée par les tabous suscités par cette incontinence involontaire et les incompréhensions auxquelles cette dernière donne lieu, surtout si le handicap de l’enfant reste invisible. Dans certains cas, les MAREP s’accompagnent d’autres troubles qui rendent le handicap visible. Paradoxalement, l’intégration scolaire s’en trouve généralement facilitée.