Présentation

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Dans le sillage de la nouvelle phénoménologie d’Hermann Schmitz, Gernot Böhme (1937-2022) a donné dans son ouvrage de 1995, Atmosphäre : Essays zur neuen Ästhetik1, ses lettres de noblesse au concept d’atmosphère. Sous ce terme, il désigne l’union première et indémélable dans notre expérience d’une spatialité et de sa tonalité affective. Nous ne pouvons sentir la première sans la ressentir et nous sentir par là-même disposés de telle ou telle manière. L’atmosphère, qu’elle soit joyeuse, mélancolique, solennelle, triste ou encore angoissante, se présente ainsi comme le climat affectif émanant des propriétés d’un objet ou d’un ensemble d’objets, lorsqu’elles sont saisies de manière sensible. Déstabilisant les frontières entre l’objectif et le subjectif, le monde extérieur et celui intérieur, l’atmosphère permet à Gernot Böhme de dessiner les linéaments d’une subjectivité non substantielle, dynamique et relationnelle, s’éprouvant elle-même à travers l’épreuve de ce qui n’est pas elle.

Le concept böhmien engage la philosophie esthétique dans une voie originale rejoignant le projet inaugural de Baumgarten2. A l’écart de la voie kantienne privilégiant la catégorie du jugement de goût et de la voie hégélienne identifiant la sphère esthétique à la sphère artistique, il invite, en effet, à développer une philosophie de la sensation (aïsthesis) attentive aux « situations sensorielles », prenant au sérieux ce qui se joue dans la « mise en présence » de mon corps avec le monde. Ce qui lui permet d’élargir le champ des objets esthétiques au-delà des seuls beaux-arts. Si le projet böhmien dialogue avec d’autres philosophes allemands s’efforçant également de réactualiser la perspective de Baumgarten (Wolfgang Welsch et Martin Seel notamment), il s’inscrit plus largement dans le développement d’atmospheric studies au niveau international (courant anglo-saxon de la géographie non représentationnelle, nouvelle phénoménologie italienne, recherches françaises sur les ambiances dans le champ de la théorie architecturale et de la philosophie). Le public francophone a pu découvrir sa pensée grâce à la traduction récente d’un de ses ouvrages3 et de deux extraits de ses textes dans des numéros de revue4, la philosophie hexagonale commence également à la discuter5. Mais les usages possibles de la notion d’atmosphère demandent encore à être déployés pour mesurer sa fécondité. Ainsi nous proposons nous dans ce numéro de sonder différentes expériences esthétiques, attendues ou plus difficilement envisageables, à son aune. Comment l’atmosphère böhmienne permet-elle de renouveler, de déplacer, d’élargir la conceptualisation philosophique de l’expérience esthétique en interrogeant la singularité de ses différentes spatialités, qu’elles soient explicitement artistiques ou non ?

1 G. Böhme, Atmosphäre : Essays zur neuen Ästhetik, Berlin, Suhrkamp, 1995.
2 A. Baumgarten, Esthetique, précédée des Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant à l’essence du poème et de la métaphysique, trad. de J.-Y. Pranchère, Paris, L’Herne, 1988.
3 G. Böhme, Aisthetique. Pour une esthétique de l’expérience sensible, trad. de M. Kaltenecker et F. Lemonde, Dijon, Les Presses du réel, 2020.
4 G. Böhme, « L’atmosphère, fondement d’une nouvelle esthétique ? », trad. de M. Le Calvé, Communications, 108/1, 2018, p. 25-49 ; « Les atmosphères comme objets de l’architecture », trad. de M. Labbé, Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, 46/2, 2019, p. 170-194.
5 B. Bégout, Le concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020 ; Y. Michaux, « L’art, c’est bien fini ». Essai sur l’hyperesthétique et les atmosphères,  Paris, Gallimard, 2021

Ce numéro se composera :
– D’une introduction générale à la notion böhmienne d’atmosphère, à la fois la situant dans une histoire de la philosophie de langue allemande et dans un champ de recherche international, mais insistant également sur ses enjeux tant du point de vue de l’esthétique générale et de son extension que des esthétiques singulières qui constitueront le cœur du volume.
– De contributions envisageant les usages possibles de la notion d’atmosphère pour aborder différentes expériences esthétiques : qu’il s’agisse de celle du paysage (peint ou réel), de l’architecture, du cinéma, de la scénographie, des arts plastiques, des installations immersives, etc.
– De la traduction de deux articles de Gernot Böhme inédits en français : « Akustische Atmosphären », Hochschule Musik und Theater Zürich, 2006, p. 3-8 ; « Licht sehen » in U. Bachmann (Hrsg.), Farben zwischen Licht und Dunkelheit, Sulgen/Zürich, Verlag Niggli, 2006, p. 115-135.

Type de contributions souhaitées
Sont attendus des articles explorant la fécondité de la notion d’atmosphère pour renouveler la compréhension de l’expérience esthétique.  Pour cela, ils envisageront cette dernière de manière précise à partir d’objets singuliers.

Modalités de contribution

Une proposition résumée de 3 500 signes (espaces compris), accompagnée d’une bibliographie indicative, sera transmise à Céline Bonicco-Donato et Céline Flécheux (directrices scientifiques du numéro) pour le 1er septembre 2022 afin d’être soumise au comité de lecture.
bonicco.c@grenoble.archi.fr, celine.flecheux@gmail.com

Les contributions définitives entre 40 000 et 65 000 signes devront parvenir avant le 10 janvier 2023 dernier délai.

Calendrier

1er septembre 2022 : réception des propositions résumées
1er Octobre 2023 : avis du comité de lecture sur les propositions
10 janvier 2023 : réception des articles
Mars 2023 : retour aux auteurs pour d’éventuelles modificationsJuin 2023 : réception des articles modifiés
Octobre 2023 : parution de Pistes n°5.