Recherche-création

Monologuer constitue un incubateur de projets innovants. La recherche-création y occupe un rôle fondamental, porté par la compagnie des Endonautes (théâtre et danse endophasiques). La recherche-création est destinée à aboutir à des performances, des expositions, des publications. Elle a également pour objectif d’ouvrir, avec les familles et un plus large public, un espace pour des échanges qu’une publication scientifique, une conférence, un atelier d’éducation thérapeutique ne pourraient pas susciter.

La Compagnie des Endonautes

Lart naît-il toujours de la vie intérieure ? Des résonances du monde en soi, des profondeurs du moi. Nest-ce pas là le fondement même de la notion de style dauteur, traces dune subjectivité qui se cristallise dans une parole intérieure ? Mais une représentation artistique reste avant tout un artefact, dont la justesse peut révéler une vérité du monde.

La compagnie des Endonautes, ou navigateurs-explorateurs de vies intérieures, domiciliée à l’UFR LAC, se fonde sur une exploration spécifique du langage intérieur. Les chercheurs-artistes et artistes-chercheurs participent à un protocole Monologuer, dont les visées peuvent être artistiques ou thérapeutiques. À proximité de l’écriture automatique des surréalistes ou de lart brut, nous faisons le pari que de la pierre non taillée du langage intérieur peuvent jaillir des diamants dont nous tâchons de saisir l’éclat éphémère.

Ce nest ni du théâtre psychologique, ni du théâtre narratif. Cest du théâtre endophasique. Pas de normes, de règles ou de codifications si ce nest la justesse de lancrage intérieur. Aucune préoccupation du beau et cest précisément de là que peut naître la beauté. Jeu du hasard ? Une traversée au plus profond de soi, doù surgit une rencontre avec lautre : les autres, et lautre que je suis. Une rencontre humaine.

Projets collectifs

Les projets collectifs sont l’œuvre de la compagnie des Endonautes, domiciliée à l’UFR LAC (Université Paris Cité), depuis l’automne 2021. Pascale Nandillon et Philippe Vallepin collaborent à la mosaïque, Traces, et à la fiction radiophonique, Paroles invisibles.

1) Traces, une mosaïque endophasique, ancrée dans le protocole « handicap et douleur » mené avec le centre MAREP (Hôpital Necker)

Intervenant artistique : Philippe Vallepin

La performance consiste en une mosaïque de vie intérieure de membres de l’équipe Monologuer confrontés à la souffrance et au quotidien des enfants et de leur entourage. L’objectif ne sera pas de raconter cette souffrance à la place des principaux intéressés, mais d’évoquer sous forme d’une série de tableaux la résonance dans l’intériorité de chercheurs ou artistes. Les tableaux seront des solos ou des séquences collectives, à la croisée des arts (théâtre, danse, chant, etc.).

2) Projets radiophoniques, inspirés du protocole « handicap et douleur » mené avec le centre MAREP (Hôpital Necker)

Direction scientifique pour la fiction radiophonique : Giulia Disnan, psychologue clinicienne au centre Marep

Direction artistique pour la fiction radiophonique : Pascale Nandillon, fondatrice de l’atelier Hors champ

Trois projets sont prévus : une fiction évoquant la vie intérieure d’une adolescente souffrant de séquelles de MAREP, Paroles invisibles ; un podcast de paroles brutes, documentaires à partir du protocole lui-même et des paroles des enfants ; une mise en voix de textes littéraires portant sur les selles (Rabelais, Beckett, etc.).

La fiction a été écrite par Lola Bouchard, Claire Castel et Maria Wojewoda, avec l’appui de Giulia Disnan, sous la direction scientifique du docteur Célia Crétolle, de la psychologue Giulia Disnan, et du docteur Jeanine Rochefort.

3) Documentaire réalisé par Alexandra Villa-Garcia, sur la linguistique clinique et les protocoles menés à l’Hôpital Necker, l’Hôpital Saint-Louis et au centre humanitaire d’Ivry.

Ce documentaire a pour ambition d’emmener le téléspectateur dans un voyage intérieur. Le défi est de taille puisque nous ne souhaitons pas scénariser le tournage, mais au contraire partir de la vie intérieure des chercheurs et des participants et des protocoles menés dans les différents cadres cliniques.

Projets individuels

1) La danse (Séverine Le Gros et Sophie Lespinasse)

Selon Marta Graham, la danse relève dune magie qui nous renvoie au plus profond de nous-mêmes :

The reason dance has held such an ageless magic for the world is that it has been the symbol of the performance of living. Many times I hear the phrasethe dance of lifeit is close to me for a very simple and understandable reasonthe instrument through which the dance speaks is also the instrument by which all primaries of experience are made manifest. It holds in its memory all matters of life and dear and love.

Pionnière de ce qui deviendrait la danse contemporaine, Marta Graham relie la danse et les profondeurs de lexpérience humaine, à travers son usage de lexpression « magie sans âge » (ageless magic). Transcendant le temps et pourtant ancrée dans linstant présent, la danse est symbolique dun lien particulier entre corps et vie intérieure. Selon Joseph Danan, la notion de performance implique lartiste lui-même et la réunion de lart et de la vie : « la mise en jeu de lartiste lui-même ; la non-séparation entre lart et la vie (ou l’ébranlement de cette frontière) ; limportance primordiale du corps ; lunicité de l’évènement, le rôle de limprévu, de lincontrôlable, voire de limprovisé ; en tout cas, le caractère éphémère de la chose ; le partage dune expérience ; la protestation, la contestation (de lacadémisme/du pouvoir politique) ; la transgression, la provocation, la subversion ; la revendication féministe, la question posée au genre et à lidentité sexuelle ; la marginalité, toujours en tension avec une récupération effective ou possible[1]. » La danse contemporaine sest construite à partir dun ancrage dans les gestes et la vie au quotidien. À partir d’un travail sur l’invisible de la parole qu’est le langage intérieur, les deux danseuses de l’équipe Monologuer approfondissent chacune à leur façon la question du statut de lartiste comme passeur entre les mondes visibles et invisibles. Elles proposent ainsi dexplorer des invisibles rendus visible à travers un corps dansant.

2) L’écriture

Leffacement du sujet dans les sciences humaines émergentes au siècle a coïncidé avec une place grandissante accordée à la représentation de lintériorité en littérature. Le sujet sest en quelque sorte réfugié dans la littérature et celle-ci peut nous en restituer les échos. Elle a joué un rôle davant-garde, dans tous les sens du terme, et peut non pas apporter des réponses à nos questions (ce nest, du reste, pas non plus lobjet de ce projet ; un tel objectif semble illusoire), mais nous permettre de mieux les poser, être un lieu de cheminement et de découverte de soi, un révélateur de conscience. La littérature et le théâtre peuvent ainsi jouer le rôle de « miroirs de concentration »[2]. Nous proposons d’explorer ce rôle non seulement sous un angle scientifique et analytique mais aussi à travers différentes pratiques créatrices, intégrés à nos protocoles thérapeutiques et/ou à nos projets éditoriaux.


[1] Danan Joseph, Entre théâtre et performance : la question du texte, Arles, Actes Sud  Papiers, 2013, p. 22.

[2] Lexpression définit le drame, sous la plume de Victor Hugo.