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Retrouver Thierry Lefebvre dans l’émission « le cours de l’histoire » par Xavier Mauduit sur France Culture

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Le 24 décembre 1921, Radio Tour Eiffel émettait la première émission destinée à un public. La radio devient un rituel familial où l’on se retrouve autour du poste. L’arrivée du transistor permet ensuite une écoute plus mobile et individuelle. Près d’un siècle de pratiques radiophoniques à décrypter.

Elle est là, elle nous accompagne au plus près de nos vies, dans le salon, pour une écoute attentive ou un accompagnement lointain. Elle est là, quand nous sommes nus sous la douche ou dissimulé sous la couette. Toujours là, dans la cuisine au moment d’éplucher les carottes, dans la voiture bien sûr, et dans la rue, avec le poste collé contre l’oreille, ou avec des écouteurs. Aujourd’hui, seuls ceux qui ont plus de cent ans peuvent dire être nés avant la radio, mais personne ne peut affirmer que la radio n’a pas été présente à un moment de leur vie. À vous les studios donc, pour nous parler au creux de l’oreille.

Histoire d’un média de masse

L’histoire de la radio est celle de la popularisation d’un média qui devient peu à peu une technologie du quotidien. Instrument d’usage militaire et scientifique, la radio entre dans les foyers français durant l’entre-deux-guerres comme une pratique collective. Elle est alors émise de manière discontinue et s’écoute à des heures spécifiques. « Au tout début, les émissions sont régulières, mais très courtes, une heure maximum par jour, explique l’historien Thierry Lefebvre. On essaye de mettre le manuel du parfait auditeur : quelques informations lues par des speakers, le bulletin météo, un peu de musique, des déclamations de poèmes.« 

Posséder une radio TSF, coûteuse et encombrante, est un moyen de s’intégrer au sein de la société de consommation et de loisir émergente dans les années 1930. La radio devient un média du temps libre. L’arrivée du transistor sur le marché en 1954, avec son prix accessible et sa portabilité, permet de démocratiser l’écoute radiophonique et entraîne une diversification des contenus. L’écoute personnellese généralise : la radio n’est plus familiale mais individuelle.

La radio : média de divertissement, d’information ou d’éducation ?

La radio nationale (RDS-RTS-ORTF) a le monopole des bandes FM de 1945 à 1981. Face à elle se développent les radios périphériques telles que RMC ou RTL puis les radios pirates. « Il y a une divergence entre les deux types de radios, analyse Thierry Lefebvre. L’une reste sérieuse même si elle évolue, parce que son auditoire a tendance à s’amincir au fur et à mesure de l’apparition des périphériques. Les radios privées, elles, essayent d’attirer le plus large public pour valoriser la publicité.« 

Tout au long de son histoire, la fonction de la radio a été discutée : est-elle un média de divertissement, d’information ou bien d’éducation ? Céline Loriou, doctorante en histoire, cite l’émission prestigieuse L’Heure de culture française et souligne l’ambivalence autour de sa réception : « L’Heure de culture française répond à la mission éducatrice que se donne la radio publique dans les années 1940-1950. Il s’agit d’élever le niveau culturel des auditeurs. Quand on consulte la presse de l’époque, cependant, on observe des critiques qui reprochent aux historiens et universitaires de ne pas savoir imager leurs causeries et de ne pas savoir les rendre vivantes. […] Elles manquent de radiogénie. » Ainsi, l’histoire de la radio va de pair avec une histoire de l’oralité. La voix, vecteur de connaissance, doit s’adapter au dispositif radiophonique.

Céline Loriou donne également l’exemple des premières tentatives, dans les années 1928, d’émissions historiques, qui prennent la forme de théâtre radiophonique. « On cherche à rejouer et reconstituer les grands épisodes de la Révolution française, notamment. Une troupe de comédiens, dirigée par Georges Collin sur Radio Paris, joue pendant plusieurs mois la prise de la Bastille, l’assassinat de Marat, le procès de Louis XVI, etc. Cette série d’émissions est un très grand succès. On estime qu’il n’y a pas de moyen plus vivant pour apprendre l’histoire.« 

Intervenant·e·s

Thierry Lefebvre est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Cité et directeur d’études du Master Journalisme scientifique. Depuis juin 2019, il est membre de la section « Sciences, Histoire des sciences et des techniques et Archéologie industrielle » du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS). Il a notamment publié La Bataille des radios libres (1977-1981) (Nouveau Monde/INA, 2008), Radios libres, 30 ans de FM. La parole libérée ? (co-dirigé avec Sébastien Poulain, L’Harmattan/INA Éditions, 2016), Carbone 14, histoire et légende d’une radio pas comme les autres (Ina, 2012), Un studio de télévision à l’école. Le collège expérimental audiovisuel de Marly-le-Roi (1966-1992) (avec Cécile Raynal, Éditions Glyphe, 2017), François Mitterrand pirate des ondes. L’affaire Radio Riposte (Le Square Éditeur, 2019), L’Aventurier des radios libres : Jean Ducarroir (1950-2003) (Éditions Glyphe, 2021) et Les Radios locales : histoires, territoires et réseaux (co-dirigé avec Sébastien Poulin, L’Harmattan/Ina, 2021).

Céline Loriou est doctorante à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sa thèse, sous la direction de Myriam Tsikounas, s’intitule Les micros de l’histoire. Les émissions d’histoire diffusées à la radio française (1945-2014).

Références sonores

  • Extrait d’une reconstitution de la première émission de radio du 26 novembre 2021
  • Archive de Georges Delamare dans Les débuts de la radio : souvenirs des pionniers – RDF, 1er janvier 1948
  • Montage de publicités radiophoniques
  • Montage de grandes émissions d’histoire avec notamment les voix de Patrice Gélinet, Jean Lebrun, Jean-Noël Jeanneney, Emmanuel Laurentin
  • Archive de l’émission Allo Ménie – RTL, entre 1969 et 1973
  • Archive de Jean Ducarroir à l’occasion des Assises des radios libres dans Soir 3 – FR3, 7 juin 1981

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