Comment naît l’idée de podcast ? Comment des chercheurs et réalisateurs collaborent pour produire un podcast ? Les lauréates de l’appel à projets de l’Institut, Agathe Camus , Clara Matet et Claire Jeantils nous racontent la genèse de ce projet et ce qu’elles espèrent pouvoir raconter avec ce nouveau média.
Comment vous est venue l’idée du projet ?
Claire Jeantils : Clara et moi discutions de mes travaux de recherche en humanités médicales sur l’épilepsie et de mon expérience de proche aidante. Elle m’a fait remarquer que l’aspect personnel de ma recherche la rendait particulièrement accessible. Elle a alors évoqué l’idée de la partager sous la forme d’un podcast. Je savais déjà qu’il y avait très peu de podcasts d’humanités médicales en français et encore moins sur le sujet de l’épilepsie. Nous avons envisagé différents angles d’approche pour finalement choisir d’aborder les trois perspectives principales sur l’épilepsie (celle des malades, de la médecine et de la culture) et de compléter le tout avec ce que les humanités médicales pouvaient apporter. C’est, il me semble, une façon tout à fait appropriée pour à la fois sensibiliser sur le sujet de l’épilepsie et laisser place aux vécus des personnes concernées.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Claire Jeantils: J’ai rencontré Clara il y a 6 ans, quand nous étions en première année de master à la Sorbonne Nouvelle. C’est en préparant le projet du podcast que nous avons découvert les travaux d’Agathe sur la notion de vécu de la maladie chronique et la problématique de l’aspiration à la vie « normale » pour les malades. Cela a tout de suite fait écho aux thématiques que nous voulions aborder. Je l’ai contactée pour approfondir cette dimension de philosophie de la médecine dans le podcast, ce qu’elle a accepté avec enthousiasme. Nos perspectives se complètent et rendent ce projet d’autant plus stimulant et exigeant.
Pourquoi avoir choisi le format podcast ? Qu’est-ce que le format apporte
comparé à d’autres médias ?
Clara Matet : Le podcast est un média audio, très actuel, non soumis à une grille de programmes et disponible en ligne. J’ai proposé le podcast pour porter le travail de Claire, tout d’abord parce que je sais et j’aime le créer. On a beaucoup dit du podcast que c’était le média de l’intime, celui du “journalisme de l’intime” et je suis assez d’accord. Le podcast se prête très bien à des récits personnels car, de sa fabrication à son accès, il permet une grande liberté de ton et de création et une proximité certaine avec les auditeur.ice.s. Il n’y a pas de limite de durée, ce qui fait qu’on peut creuser approfondir sur des sujets très complexes tout en suivant l’histoire d’une personne en particulier.
Je n’aime pas faire de hiérarchie parce que je consomme beaucoup d’autres médias que j’adore (Twitch, Youtube, Streaming…), mais même là, je m’éloigne très souvent des écrans pour les écouter juste au casque. D’ailleurs, paradoxalement, le soin apporté au son dans tous ces médias de l’image est parfois beaucoup plus poussé que pour les images, parce que le son, c’est l’atmosphère, c’est l’émotion, mais c’est aussi déjà une part de l’histoire qu’il faut écrire correctement. Le podcast pour moi, c’est donc un média à la fois de l’expérience et de la connaissance, encore un peu libre et à hauteur humaine. Il se prête très bien à cette réflexion sur l’épilepsie, entre la recherche, la vulgarisation, l’histoire personnelle et le documentaire.
Par rapport à votre métier de chercheur, qu’est-ce que ce type de projet peut
vous apporter ?
Agathe Camus : C’est une belle occasion de partager nos recherches dans mais aussi au-delà du monde académique, selon des modalités et une temporalité différentes de celles de la publication et de la communication scientifiques. On parle beaucoup aujourd’hui du dialogue entre science et société, et sur des thématiques comme la maladie chronique, le soin, la pluralité des vécus qui s’y rattachent, les inégalités que cela suscite, et même la violence de certaines situations pour les personnes concernées, ce dialogue est essentiel. Un médium comme le podcast permet de le nourrir d’une façon qui me semble particulièrement riche. Par ailleurs, en tant que chercheuses, cela nous oblige à nous poser des questions assez nouvelles sur les images, les émotions, les sensations que l’on va faire surgir et véhiculer à travers le choix de la musique, de l’illustration, la voix, les récits, etc. C’est un peu déstabilisant mais aussi passionnant d’envisager cette dimension très “sensible” qui a tendance à disparaître dans l’écriture scientifique.
Clara Matet : C’est une chance inouïe de travailler avec des chercheuses parce que je suis sûre que le propos qu’on veut développer ensemble sera pensé avec beaucoup d’attention et de nuances. La musique, le son, le texte, la voix, l’image… Tous ces aspects doivent être discutés ensemble pour raconter au mieux l’épilepsie et ce que sont les humanités médicales. Cette petite entreprise que nous avons amorcée ensemble “force” en quelque sorte Claire et Agathe à sortir des canaux de communication scientifiques traditionnels, et cela me demande une grande concentration pour comprendre leurs travaux de recherche afin de réaliser le podcast de la meilleure façon possible. C’est un petit défi et de longues discussions riches et stimulantes !
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