Plasticité et changement d’identité

La plasticité fait référence à la capacité d’une unité (par exemple une cellule en biologie, un matériau en physique) à changer de phénotype ou de forme en réponse au changement de son environnement. En psychologie et en psychanalyse, le succès potentiel du traitement repose sur la capacité de distinguer entre ce qui est structurel et ce qui peut être changé et subir une évolution et une transformation. Nous abordons ici les mécanismes et les conséquences de cette plasticité, du niveau moléculaire au niveau individuel.

Organoïde intestinal murin

Reconstruction 3D d’un organoïde intestinal murin en Matrigel. Myosin-IIA en vert. LGR5 en magenta. DAPI en bleu.

© Jad SALEH, Institut Jacques Monod

Plasticité cellulaire

La différenciation cellulaire et le développement d’organismes multicellulaires complexes fournissent des contextes clés dans lesquels explorer la plasticité dans un cadre biologique. Les changements phénotypiques qui accompagnent ces processus fondamentaux ne reposent généralement pas sur la modification de l’information génétique, mais plutôt sur son interprétation, dans laquelle les mécanismes épigénétiques ont une contribution majeure. Les modifications individuelles de la chromatine associées à la différenciation ont été largement analysées et les complexes de modification de la chromatine sont également relativement bien caractérisés. En revanche, nous abordons des aspects qui ont été jusqu’à présent largement négligés, à savoir l’interaction entre les modificateurs de la chromatine en général et les histones méthyltransférases en particulier, ainsi que la contribution des enzymes modifiant la chromatine aux substrats non-histones, même cytoplasmiques. Une autre piste importante concerne l’identification et la caractérisation fonctionnelle de nouveaux partenaires mettant en place et lisant les marques épigénétiques. Enfin, un défi clé est de lier, au niveau de la cellule unique, la réponse interne dans le noyau à la détection des stimuli / signaux externes, qui peuvent être de nature chimique ou mécanique. Nous développons un programme multidisciplinaire qui inclut des biologistes moléculaires et cellulaires, des ingénieurs en mécanique et des physiciens, pour explorer les conséquences des contraintes mécaniques sur les réponses cellulaires uniques et le destin des cellules aux niveaux transcriptomique, épigénomique et chromosomique.
De plus, l’interaction entre les organismes peut également entraîner une variation phénotypique ; nous visons à déchiffrer le transférome horizontal, en nous concentrant sur le transfert des régulateurs épigénétiques ; nous déterminons en outre comment les parasites détournent les voies de signalisation de l’hôte pour induire des changements épigénétiques et métaboliques dans la cellule hôte. Comprendre l’interdépendance entre les génomes et les épigénomes fournira des informations sur la coévolution d’espèces éloignées.

 

Changement d’identité à long-terme

L’évolution, dans un certain sens, peut être vue comme de la plasticité, mais le laps de temps est beaucoup plus long et les événements se produisent à l’échelle de tout un organisme. Une question importante est de comprendre la base génétique régissant l’apparition et la stabilisation de nouveaux phénotypes. La notion d’évolution contrainte est également d’un intérêt particulier, avec l’idée qu’un processus ou un état biologique peut être rencontré plusieurs fois au cours de l’évolution, mais avec une variation et une spécificité d’espèce. Les cellules souches, qui ont des propriétés d’auto-renouvellement et de différenciation, sont au centre du développement des métazoaires et jouent un rôle clé dans l’homéostasie et la régénération des tissus. Une question concerne les aspects évolutifs du concept de cellules souches et de pluralité / pluripotence. L’inactivation du chromosome X est un autre exemple d’évolution contrainte d’un processus épigénétique lié à l’état cellulaire. Ce processus essentiel se déroule chez tous les mammifères, mais avec une diversité surprenante dans les stratégies sous-jacentes. Nous cherchons à identifier les déterminants moléculaires d’une telle variabilité, notamment au niveau du génome non-codant, et à les relier aux états cellulaires et aux contraintes de développement spécifiques aux espèces. La variabilité dans les spécificités de substrat des complexes de modification de la chromatine entre les eucaryotes unicellulaires et multicellulaires est également explorée.

La plasticité est maintenant considérée comme jouant un rôle de premier plan dans les processus évolutifs. En collaboration avec des historiens de la Synthèse Moderne et des philosophes experts des problématiques Evo-Devo, le Labex aborde cette question de la structure actuelle de la biologie évolutive, sur la base de ses découvertes sur la plasticité cellulaire. Les changements identitaires à long terme soulèvent également un enjeu philosophique majeur : la question de l’homogénéité du concept identitaire. Nous l’abordons en évaluant la contribution des modèles évolutifs à notre compréhension de l’identité des individus multicellulaires, puis en articulant nos connaissances des mécanismes de surveillance et de la différenciation cellulaire, via une collaboration entre biologistes évolutionnistes, philosophes des sciences et biologistes moléculaires. En outre, l’identité biologique et personnelle constitue une énigme philosophique difficile. La biologie du changement d’identité à long terme, et en particulier les théories des mécanismes de transitions cellulaires, permettent aux philosophes, psychanalystes et biologistes d’aborder collectivement les aspects du changement d’identité et de la conservation.

 

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