Pierre-Olivier Toulza « Homeland, les complots contre l’Amérique »

Pierre-Olivier Toulza est maître de conférences HDR en études cinématographiques à Université Paris Cité et membre du laboratoire CERILAC.

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« La mort de Ben Laden constitue la réussite la plus importante jusqu’ici dans les opérations de notre pays pour vaincre al-Qaida, annonce Barack Obama le 2 mai 2011. Toutefois, sa mort ne marque pas la fin de nos efforts. […] Il nous faut rester vigilants dans notre pays et à l’étranger, et nous le resterons ». Quelques mois plus tard, en octobre 2011, la série Homeland prend le président au mot et incarne à la télévision américaine cette nécessité de la vigilance – vite interprétée en nécessité de la surveillance par l’héroïne, Carrie Mathison. Homeland serait donc la série télévisée la plus en phase avec la sensibilité de l’époque, avec l’humeur d’un pays qui conserve un œil rivé sur le 11 Septembre et la décennie qui vient de prendre fin, et l’autre tourné vers les nouvelles menaces qui poignent. Pourtant, expliquer le succès de cette série auprès des critiques comme des publics par le rapport qu’elle entretient avec l’actualité des menaces géopolitiques et voir en elle un miroir plus ou moins fidèle de l’esprit des années 2010 ne permettent de comprendre ni le plaisir éprouvé par les spectateurs qui ont suivi la série pendant près de dix années, ni l’attachement de fans qui ont commenté avec passion chacun des épisodes. Parce que Homeland participe au renouveau que connaît la série d’espionnage dans l’après-11 Septembre, cette monographie étudie la genèse de cette série palimpseste, ainsi que la façon dont elle transforme l’espionnage en en offrant une féminisation ambivalente. Homeland propose aussi plusieurs rencontres et hybridations avec le genre et le mode mélodramatiques, transformant les questions géopolitiques en enjeux intimes et familiaux.