Etudier ethos épistémique, relations sociales et conditions matérielles de production de la recherche dans le domaine des handicaps

 

Je voulais en savoir plus, comprendre, analyser ma situation au-delà d’un point de vue personnel, la replacer dans une analyse philosophique d’un système global. Ce tiraillement entre le personnel et la prétendue objectivité de la science, entre le militantisme et la recherche, a été parfois douloureux, source d’incompréhension entre le monde universitaire et moi”, Puisieux Charlotte, De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste, La découverte, Paris, 2022, p.72.

La recherche dans le domaine ne cesse de déplier les nuances et les degrés des handicaps, de ses implications pour les personnes dans le champ médico-social. Les connaissances s’élaborent sur les origines des situations handicapantes, le vécu et les retentissements pour les personnes concernées, ainsi que les solutions de dépassements de catégories par nature réductrices. Théoriquement, l’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît le Handicap comme le résultat d’interactions complexes entre expérience d’une (ou de plusieurs) altération(s) biologique(s), les symptômes d’une maladie chronique invalidante par exemple, et, les facteurs environnementaux personnels et sociaux. Empiriquement, l’analyse de ces interactions n’est pas aisée.

En articulant les témoignages et les savoirs d’expérience des personnes en situation, les vécus -individuels et collectifs- et les théories bio-médico-sociales, la recherche tente de renouveler à la fois les catégories de ce qui peut être objet de la recherche, les thématiques abordées par la recherche, les trajectoires et les positionnements des agents de la recherche. Ce sont ces articulations complexes et inédites entre métiers, vécus, objets et sujets, mais aussi leur fécondité pour la science, que l’on se propose d’étudier au fil de ce séminaire.

« Sur quel paradigme épistémologique construit-on les connaissances contemporaines dans le domaine des handicaps ? Quelle(s) valeur(s) éthique(s), quelle(s) validité(s) épistémologique(s) (théorie de la connaissance) et épistémique(s) (des savoirs) s’en dégagent ? Comment s’articulent et/ou devraient s’articuler la place de chacun des agents épistémiques de la recherche ? »

Les recherches interdisciplinaires dans le domaine de la santé ont ce pré-requis d’impliquer des personnes en situation -patients, malades chroniques, aidants, usagers, etc-. Les recherches participatives ou recherches-action deviennent une condition sine qua non pour répondre à un appel à projet scientifique. Relève-t-elle d’une injonction politique, éthique ou véritablement épistémologique ? Il est souvent difficile de le déterminer. Les conditions matérielles de production de la recherche et les relations sociales dans le cadre de co-construction des savoirs sont rarement encadrées.

A travers une présentation des pratiques et des postures –ethos- épistémiques par l’ensemble des agents de la recherche eux-mêmes, ce séminaire “Handicap et agents épistémiques” sera l’occasion d’un temps de partage, d’échange et de réflexivité au sujet des enjeux éthiques, épistémologiques et épistémiques du champ. 

  

« Quand je commençais à lire certains des éléments que les académiciens valides, chercheurs et professionnels avaient écrit, et continuent d’écrire, à propos de la déficience et du handicap, j’étais et je reste perturbé comme à quel point cela ne relatait que peu ma propre expérience ou, même, celle de la plupart des autres personnes handicapées que j’avais connues. Au cours des années qui ont suivi, il a graduellement émergé en moi que si les personnes handicapées laissaient aux autres le soin d’écrire au sujet du handicap, nous finirions avec des récits imprécis et inexacts de nos expériences, des prestations de services inappropriés et des pratiques professionnelles basées sur ces inexactitudes et distorsions.»

Mike Oliver, sociologue anglais, « Understanding disability. From theory to practice ».

Équipe du projet
  • Marie Boeno, Doctorante en Histoire et Philosophie des Sciences à l’Université de Paris Cité, au Laboratoire SHPère (UMR 7219), ED 623 « Savoirs, Sciences, Éducation », sous la direction de Alain Leplege (SPHERE) et la co-direction de Annie Hourcade (ERIAC, Université de Rouen).
  • Coline Periano, Doctorante en Philosophie de la médecine à l’Ecole Normale Supérieure, au Laboratoire République des savoirs au sein de l’Ecole doctorale 540, sous la direction de Céline Lefève (SPHERE, Paris Cité) et Frédéric Worms (Républiques des savoirs, ENS-PSL).