Les troubles cognitifs subtils, difficiles à diagnostiquer au moyen des tests neuropsychologiques actuels, pourraient être détectés grâce à des indices fins dans notre langage. De nombreuses équipes de recherche se sont penchées sur cette problématique, sans pour autant utiliser les mêmes termes et méthodes, freinant ainsi la reproductibilité de leurs études. Dans un article publié le 9 décembre 2024 dans le Journal of Speech, Language, and Hearing Research, une équipe interdisciplinaire composée de trois chercheuses du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, et de Manon Lelandais, maître de conférences en linguistique à l’UFR Études anglophones et membre du CLILLAC ARP, propose une terminologie harmonisée.

Les chercheuses ont analysé 51 études sur le sujet qui ont été réalisées sur les 10 dernières années. Leur objectif était d’identifier les « marqueurs linguistiques » – des caractéristiques dans la parole qui pourraient différencier une personne en bonne santé cognitive d’une personne présentant des troubles subtils (aussi appelés troubles neurocognitifs mineurs). Parmi ces études, la grande majorité portaient sur des maladies liées à l’âge et incluaient un nombre réduit de participants, souvent moins de 30.

Les résultats sont impressionnants : l’équipe de chercheuses a recensé 384 caractéristiques linguistiques distinctes, regroupées sous 335 noms différents. Cela va des pauses d’hésitation aux substitutions de mots, en passant par des erreurs syntaxiques.
Cependant, toutes ces caractéristiques ne sont pas équivalentes. Certaines semblent très utiles pour repérer les troubles cognitifs, tandis que d’autres sont moins fiables. Un problème majeur est le manque d’uniformité dans les termes et les méthodes utilisés entre les différentes études. Cela rend difficile de comparer les résultats ou de tirer des conclusions définitives.

Les chercheuses soulignent donc l’urgence d’harmoniser les méthodes d’analyse et les terminologies. Elles proposent des solutions pour améliorer la reproductibilité des travaux, notamment en testant la fiabilité des marqueurs linguistiques sur des groupes plus larges et plus diversifiés.

Ces travaux ouvrent une nouvelle voie passionnante : utiliser notre parole comme un outil de dépistage. À l’avenir, des algorithmes ou des outils d’IA pourraient permettre aux professionnels de santé de détecter rapidement les premiers signes de troubles cognitifs, avant même qu’ils ne soient visibles dans la vie quotidienne.

 

 

À lire aussi

De Wikipédia aux IA, comment aider les élèves à comprendre le fonctionnement des outils numériques ? Le décryptage d’Eric Bruillard

De Wikipédia aux IA, comment aider les élèves à comprendre le fonctionnement des outils numériques ? Le décryptage d’Eric Bruillard

Comme Wikipédia auparavant, les outils d’intelligence artificielle générative sont sujets à une méconnaissance et à des préjugés chez les élèves et les étudiants, voire chez les enseignants. Comment les aider à mieux comprendre le fonctionnement de ces outils numériques et éviter l’anthropomorphisme ? L’usage de métaphores serait-il une piste fructueuse ?

Vieillir chez soi : jusqu’où compter sur sa famille ? L’enquête d’Anaïs Cheneau, Jonathan Sicsic et Thomas Rapp de la chaire Aging UP!

Vieillir chez soi : jusqu’où compter sur sa famille ? L’enquête d’Anaïs Cheneau, Jonathan Sicsic et Thomas Rapp de la chaire Aging UP!

Avec l’entrée dans le grand âge des membres de la génération du baby-boom, la France fait face à une augmentation considérable des besoins d’accompagnement. Les politiques publiques misent sur le maintien à domicile, mais cette orientation repose largement sur l’aide des proches (conjoints, enfants, petits-enfants), dont la disponibilité risque de diminuer. Les personnes âgées veulent-elles vraiment dépendre de leur entourage pour rester à domicile ? Et leurs proches le souhaitent-ils ?

Pop culture sud-coréenne : les raisons d’un succès mondial, l’analyse de Vincenzo Cicchelli

Pop culture sud-coréenne : les raisons d’un succès mondial, l’analyse de Vincenzo Cicchelli

La « hallyu » (ou, vague coréenne) désigne la diffusion mondiale de la culture sud-coréenne depuis la fin des années 1990. Elle englobe la popularité croissante de la musique K-pop, des dramas coréens, du cinéma, de la mode, de la cuisine et même des jeux vidéo et des cosmétiques provenant du sud de la péninsule. Mais comment expliquer un succès aussi durable et aussi général ?

Au Japon aussi, la neutralité des médias est au cœur des débats – article de César Castellvi

Au Japon aussi, la neutralité des médias est au cœur des débats – article de César Castellvi

Croyant que son micro était éteint, un caméraman d’une grande agence de presse a laissé entendre qu’il ferait son possible pour nuire à la nouvelle cheffe du principal parti du Japon, et donc probable future première ministre. Le scandale qui s’est ensuivi a remis au premier plan une question qui existe aussi dans bien d’autres pays, à commencer par la France : celle de la neutralité des médias.