« Le traitement psychanalytique repose sur la véracité, c’est même à cela qu’est due une grande partie de son influence éducative et de sa valeur éthique » (Freud). Mais de quelle vérité la psychanalyse peut-elle prétendre se saisir ? S’agit-il d’une vérité inconsciente dont la méthode s’emparerait, par les vertus d’une association libre déjouant la censure et le refoulement ? S’agit-il d’une vérité historique dont l’analyse pourrait retrouver la trace, notamment au moyen d’une construction « vraisemblable » ?

Ou enfin, s’agit-il d’un ou de plusieurs « moments de vérité », indissociables de l’expérience du transfert, de sa répétition au présent d’un passé qui ne passe pas, dont le patient et son analyste seraient les gardiens et dont ils resteraient les seuls détenteurs ? Freud utilise la même expression, « vérité historique », qu’il s’agisse du noyau à la source infantile du désir, ou du morceau de vérité inconsciente au coeur des récits légendaires et autres mythes d’origine des sociétés humaines. L’archéologue, l’anthropologue, l’historien n’entendent évidemment pas la « vérité » de la même oreille. S’agit-il pour autant d’une concurrence dans l’établissement des faits ? Si c’était le cas, le défi est perdu d’avance pour la psychanalyse. Mais s’il s’agit de ce que les « faits » doivent à la vie psychique, le dialogue peut se rétablir. La plasticité des développements psychiques, écrit Freud, « est à la source de la plus haute culture humaine ». Mais elle peut toujours emprunter le chemin inverse, « les états primitifs, pulsionnels, peuvent toujours être réinstaurés ; le psychique primitif, au sens plein, est incapable de passer ». Les désordres de notre temps, le sentiment que l’histoire donne des leçons que personne ne retient, ne sont-ils pas l’insupportable confirmation de cette brutale vérité ? Argument Journée organisée par Jacques André, Isée Bernateau, Catherine Chabert