Rencontre avec la Professeure Florence Chapeland Leclerc, enseignante-chercheuse en botanique et en mycologie à l’université Paris Cité, à l’occasion de l’exposition annuelle que la Faculté de Pharmacie consacre aux champignons, et qui se tiendra cette année le mercredi 30 octobre de 11h à 17h dans le hall d’honneur de la Faculté. Où il a notamment été question de la place des champignons au sein du vivant, et de leur importance pour la science.

L’amanite des Césars, le champignon préféré de l’empereur Claude

© Crédit photo : Anne Sorbes

Vous êtes mycologue et botaniste au sein de la Faculté de Pharmacie de notre université. L’association de ces deux disciplines signifie-t-elle que les champignons font partie des végétaux ?

Non, en aucun cas. Depuis les années 1970, la classification des champignons est totalement distincte de celle des végétaux. Ils forment leur propre règne vivant, le règne fungi. Le seul point commun que les plantes et les champignons partagent, c’est d’être immobiles.

Bien qu’aujourd’hui encore, la botanique et la mycologie soient souvent enseignées ensemble, il s’agit bien de deux disciplines différentes. Une partie de la mycologie, celle qui concerne les moisissures et certaines pathologies, est même enseignée en parasitologie, la discipline qui s’intéresse aux parasites. 

Quelle est l’importance de l’étude des champignons aujourd’hui ?

La connaissance des champignons est toujours transmise aux pharmaciennes et aux pharmaciens. Celles et ceux qui travailleront en officine auront toujours à répondre aux questions que leur poseront les ramasseuses et les ramasseurs de champignons, qui veulent savoir si les spécimens qu’ils ont récoltés sont comestibles ou non. Bien sûr, dans le centre de Paris, cette situation n’est pas très fréquente. Mais dans les officines proches des forêts, de nombreuses personnes se présentent avec des champignons à identifier. Le risque est que certaines personnes ne présentent qu’un seul champignon, et pensent que ceux qui remplissent le coffre de leur voiture sont les mêmes. Mais il peut arriver que des champignons toxiques se soient glissés dans le ramassage, et qu’ils ne soient pas présentés à un professionnel. C’est souvent ainsi que les accidents se produisent. Il faut donc montrer l’ensemble de sa récolte au pharmacien ou à la pharmacienne. 

La connaissance des champignons est un savoir-faire à entretenir, une véritable science de la répétition. C’est pourquoi l’université propose aux pharmaciennes et aux pharmaciens des séances de formation continue, pour maintenir cette connaissance et la faire progresser.

Pourquoi l’étude des champignons est-elle importante pour la science ?

En dehors du ramassage individuel des champignons, leur étude revêt un caractère essentiel pour la science. En effet, les champignons contribuent au recyclage des matières organiques dans les sols. À ce titre, ils entrent pleinement dans le cycle du carbone, si important pour les écosystèmes.

On le sait moins, mais les champignons ont un métabolisme spécialisé, et très actif, qui les désigne particulièrement en tant que médicaments pour la santé humaine. C’est par exemple le cas de la pénicilline. Leurs enzymes sont beaucoup utilisées par les industries pharmaceutiques.

Vous-mêmes, ramassez-vous des champignons en forêt ?

Bien sûr ! J’organise des sorties mycologiques avec les étudiantes et les étudiants de troisième et de cinquième année en pharmacie. J’effectue aussi ce type de sorties avec des collègues, par exemple pour préparer notre exposition annuelle sur les champignons, cette exposition qui cette année aura lieu à la Faculté de Pharmacie le mercredi 30 octobre de 11h à 17h. Le plus souvent, nous allons en forêt de Rambouillet.

J’accompagne également des groupes dans le cadre des Mycologiades internationales de Bellême. Il s’agit de rencontres mycologiques organisées dans une commune de l’Orne, en Normandie, dont la tradition champignonnière remonte au XIXe siècle. La dernière édition a eu lieu au début du mois d’octobre. Enfin, je travaille avec la Société mycologique de France, dont le siège est à Paris. Nous échangeons des spécimens, et enrichissons ainsi nos collections.

Une anecdote, relative aux champignons, vous a-t-elle particulièrement marquée ?

Je me souviens d’une histoire bien connue, celle de l’empoisonnement de l’empereur Claude par sa femme Agrippine en 54 après Jésus-Christ. On raconte que Claude était un grand amateur de champignons, en particulier d’amanites des Césars. Agrippine, qui voulait se débarrasser de lui, aurait remplacé ces champignons par des amanites phalloïdes, très toxiques, et ressemblant à plusieurs champignons comestibles. C’est en tout cas ce que rapportent plusieurs sources de l’époque.

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