Le mycosis fongoïde de stade avancé et le syndrome de Sézary sont des formes agressives de lymphomes T cutanés primitifs, avec une survie globale médiane inférieure à 5 ans. Ces maladies altèrent considérablement la qualité de vie des patients en raison de la fatigue, des démangeaisons, des douleurs, des surinfections, et des modifications visibles de la peau. L’effet de la greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques avait auparavant été étudié dans ces maladies de manière rétrospective, et dans des études prospectives à petite échelle. Ces séries de cas suggéraient que la greffe induisait potentiellement un effet greffon contre lymphome (GVL) conduisant à une rémission durable de la maladie chez certains patients. Cependant, une rechute du lymphome post-transplantation survenait chez plus de la moitié des patients. De plus, l’absence de groupe contrôle (patients non greffés) dans ces études rendait difficile l’interprétation de l’effet de l’allogreffe sur la maladie.

En 2014, le Groupe Français d’Etude des Lymphomes Cutanés (GFELC) a mis en place en collaboration avec la Société Française de Greffes de Moelle et Thérapie Cellulaire (SFGM-TC) un essai clinique contrôlé multicentrique évaluant l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques dans le traitement des patients atteints de lymphomes T cutanés de stade avancé (de type mycosis fongoïde et syndrome de Sézary), avec facteurs de mauvais pronostic. Il s’agissait ici d’une étude académique, financée par le PHRC-K, sans financement industriel. L’investigateur principal était le Pr Régis Peffault de Latour (Université Paris Cité hôpital Saint-Louis, AP-HP), le coordonnateur scientifique le Pr Adèle de Masson (Université Paris Cité, hôpital Saint-Louis AP-HP, Centre coordinateur du réseau national INCa Lymphomes Cutanés, ) et la méthodologie était réalisée par le Pr Sylvie Chevret (Université Paris Cité – Inserm – USPN – INRAE qui sont les tutelles du CRESS – 1153) de l’Université Paris Cité.

Dans cette étude, publiée dans le Lancet le 24 avril 2023,  les patients étaient inclus en rémission complète ou partielle de la maladie. Les patients ayant un donneur compatible pour l’allogreffe recevaient une allogreffe après conditionnement réduit, et les patients n’ayant pas de donneur recevaient un traitement standard, laissé au choix de l’investigateur, sans allogreffe (groupe contrôle). Les résultats étaient analysés en intention de traiter, avec un score de propension utilisé pour tenir compte des potentiels facteurs confondants.

Quatre-vingt dix-neuf patients ont été inclus dans 17 centres en France, 55 dans le groupe allogreffe et 44 dans le groupe contrôle. Une différence significative était observée sur le critère de jugement principal, avec une survie sans progression significativement plus élevée dans le groupe allogreffe. Un bénéfice non significatif était observé dans le groupe allogreffe sur la survie globale. Enfin, une amélioration du score de qualité de vie était observée au cours du temps chez les patients allogreffés.

 

Cette étude est l’aboutissement de près de 10 ans d’un travail de collaboration entre dermatologues et hématologues dans cette maladie rare, et un espoir pour les patients, car elle montre une augmentation de la survie sans progression des patients allogreffés, ainsi que de la qualité de vie. L’allogreffe se présente actuellement comme le seul potentiel traitement curatif de ces maladies. La recherche et l’innovation thérapeutique dans ces lymphomes T cutanés sont nécessaires, pour pouvoir mener plus de patients à la rémission complète de la maladie pré-greffe, nécessaire pour le succès de l’allogreffe, et la guérison.

 

Référence :

de Masson A, Beylot-Barry M, Ram-Wolff C, Méar JB, Dalle S, d’Incan M, Ingen-Housz-Oro S, et al.
Allogeneic transplantation in advanced cutaneous T-cell lymphomas: a propensity score matched
controlled prospective trial. Lancet 2023, in press

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