Le cancer du sein touche plus de 50 000 femmes chaque année en France. Si 90% des patientes en guérissent, ce chiffre ne doit pas cacher les multiples réalités de ce cancer. Anne Sophie Bats, PU-PH à l’Université Paris Cité – AP-HP.Centre, membre de l’unité Inserm-Université Paris Cité U 1147 et chef de service de Chirurgie Cancérologique Gynécologique et du Sein à l’HEGP, Meriem Koual, chef de clinique-assistant et chirurgien dans ce service et Mehdi Bouaboula, médecin radiologue spécialisé en sénologie à l’HEGP rappellent les facteurs de risque et l’importance d’un dépistage régulier.

Si l’on peut se réjouir que la mortalité liée au cancer du sein baisse depuis les années 1990[1], il reste le cancer le plus fréquent en France et représente la première cause de décès par cancer chez la femme. Heureusement, près de 9 femmes sur 10 en guérissent, mais ce chiffre optimiste recouvre une réalité complexe : les formes multiples de ce cancer.

En 1994, la Direction générale de la santé a établi un programme national de dépistage organisé du cancer du sein. Ce programme a été généralisé à tout le territoire au début de l’année 2004[2]. Mais si le cancer du sein peut être découvert à un stade précoce grâce à un dépistage par mammographie, trop de femmes encore ne se font pas dépister et n’ont pas de surveillance gynécologique régulière.

 

Les facteurs de risque

Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés mais tous ne pèsent pas de la même manière dans la balance du risque. Il est donc essentiel de ne pas se focaliser sur l’un ou l’autre de ces facteurs mais bien de prendre en compte, avec son médecin, l’ensemble de son histoire médicale personnelle et familiale. Comme dans tout cancer, des personnes présentant plusieurs facteurs de risque peuvent ne jamais développer de cancer et d’autres au contraire, ne présentant pas de facteur de risque particulier, se retrouver touchées par la maladie. Face à cette inégalité, le dépistage est la meilleure arme pour détecter précocement toute forme de cancer.

L’âge est bien sûr un facteur important puisque près de 80% des cancers du sein se développent après 50 ans[3]. Certains antécédents médicaux personnels et familiaux (cancers du sein, des ovaires…), sont également des facteurs de risque, tout comme une hyperœstrogénie (puberté précoce, ménopause tardive…), le fait de ne pas avoir eu d’enfants, le surpoids, l’obésité, certains traitements hormonaux de la ménopause, les antécédents de radiothérapie thoracique… Meriem Koual, chef de clinique rattachée à l’unité Inserm-Université Paris Cité U 1124, insiste sur d’autres facteurs, étudiés par les épidémiologistes, comme la consommation d’alcool, le manque d’activité physique ou l’exposition à certains polluants environnementaux… autant d’éléments de nos modes de vie à prendre en compte pour considérer l’ensemble des facteurs de risque.

Enfin, dans une minorité de cas, des prédispositions génétiques peuvent être en cause dans le développement d’un cancer du sein.

 

Les prédispositions génétiques

5 à 10% des cas de cancer du sein sont liés à des prédispositions génétiques et notamment à la présence de mutations génétiques sur les gènes BRCA. Ces mutations, qui peuvent être transmises par l’un ou l‘autre des parents, prédisposent les femmes au développement d’un cancer du sein mais aussi parfois à un cancer des ovaires.

La survenue d’un cancer du sein avant 40 ans, la présence de plusieurs cas familiaux ou certains types ou sous-types de cancers du sein particulièrement agressifs doivent faire suspecter une origine génétique.

Lorsque plusieurs cas familiaux sont identifiés, il peut être proposé une consultation spécialisée, avec des généticiens, qui permet de retracer l’histoire médicale personnelle et familiale de la patiente. Des tests génétiques peuvent alors être réalisés par simple prise de sang et, le cas échéant, une surveillance adaptée ainsi qu’un dépistage des autres organes à risque peuvent être préconisés. Un dépistage familial peut compléter le dispositif de prise en charge.

 

Le dépistage : première arme de lutte

Si le dépistage organisé sur le territoire est généralisé depuis 2004, il faut distinguer celui visant la population générale des femmes et celui adapté aux femmes à risque.

Anne-Sophie Bats, PU-PH à l’Université Paris Cité – AP-HP.Centre, chef de service de Chirurgie Cancérologique Gynécologique et du Sein à l’HEGP et membre de l’unité Inserm-Université Paris Cité U 1147, rappelle les recommandations.

En population générale, un dépistage systématique tous les 2 ans est préconisé à partir de 50 ans et jusqu’à 74 ans. En pratique, bien souvent une première mammographie est réalisée vers 40 ans puis, en fonction de la situation de chaque femme, le médecin indique le rythme de suivi le plus adapté. A.-S. Bats, M. Koual et M. Bouaboula insistent sur l’importance d’apprendre très tôt aux jeunes femmes à s’auto-surveiller en pratiquant elles-mêmes la palpation mammaire. Ce véritable apprentissage est d’autant plus important qu’avec le temps, la composition des seins évolue. Chez les femmes jeunes, les seins sont majoritairement constitués de tissu glandulaire (glandes mammaires) et de peu de tissu adipeux (graisses). Avec l’âge, ces proportions s’équilibrent peu à peu jusqu’à s’inverser. Les seins des femmes âgées sont alors constitués de peu de tissu glandulaire et de beaucoup de tissu adipeux. Les sensations à la palpation évoluent donc elles aussi au fil du temps.

Pour les femmes considérées à risque, le docteur Mehdi Bouaboula, radiologue spécialisé en sénologie à l’HEGP, précise que le dépistage doit débuter plus tôt. Il s’agit de femmes pour lesquelles l’oncogénéticien a déterminé un très haut risque de cancer du sein, notamment les femmes ayant des prédispositions génétiques pour le cancer du sein. Dans ces cas, il est recommandé de commencer les consultations de dépistage dès l’âge de 30 ans avec un suivi plus fréquent, tous les ans, et une consultation pour palpation des seins tous les 6 mois.

Quel que soit le cas de figure, les examens de dépistage consistent en une mammographie (radiographie des seins) parfois complétée d’une échographie. Pour les femmes à très haut risque, notamment celles présentant des prédispositions génétiques, l’IRM mammaire est associée au couple mammographie/échographie et une chirurgie prophylactique de réduction des risques, consistant en l’ablation des glandes mammaires avec reconstruction immédiate des seins, peut être discutée. Ces femmes étant aussi plus à risque de développer un cancer des ovaires, cette chirurgie prophylactique peut être accompagnée préventivement d’une annexectomie (ablation des ovaires et des trompes) vers l’âge de 40 ans.

De nombreuses recherches sont actuellement conduites sur les différents aspects de cette maladie. Des solutions existent déjà, mais Anne-Sophie Bats, Meriem Koual et Mehdi Bouaboula attirent notre attention sur une réalité nouvelle qui les confronte dans leur pratique clinique à un nombre croissant de jeunes femmes développant des formes agressives de cancer. Les estimations, quant à elles, prévoient qu’une femme sur 7 sera un jour touchée par le cancer du sein. Un suivi gynécologique annuel et un dépistage adapté à chaque situation, premières armes pour lutter précocement contre toute forme de cancer, sont donc plus que jamais d’actualité.

 

Pour en savoir plus

Institut national du cancer

[1] Santé publique France

[2] Santé publique France

[3] Institut national du cancer

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