Dans le cadre du programme international de chercheurs invités à Université Paris Cité, Karl-Leo Schwering, professeur de psychologie clinique et membre du bureau de l’Institut La Personne en médecine accueille en mai Isabelle Aujoulat, professseure en Santé Publique à l’Université Catholique de Louvain, Bruxelles.

 

Portraits de Isabelle Aujoulat et Karl-Leo Schwering

Isabelle Aujoulat est invitée par l’Institut de recherche Saint Louis et par l’Institut La Personne en médecine dont elle préside le Conseil scientifique. Elle intervient dans le colloque organisé par l’ILPEM le 23 mai « L’invisible, le négligé, le caché des pratiques et lieux de soin pendant, après et hors contexte pandémique ». Elle participe aux travaux du séminaire « Re-orienting Medical Humanities » (Joint Award KCL/UPC). Elle présentera ces travaux autour du projet collaboratif Participate Brussels sur le thème « Concilier attentes de terrain et ambition théorisante : Un paris possible ? » lors du séminaire de l’ILPEM du 1er juin. Elle participe aux recherches de l’ILPEM sur la santé et le soin des adolescents atteints d’une maladie chronique, en particulier sur la question de la transition, et sur les transformations du soin dans le contexte de l’après pandémie.

À quelle occasion vous êtes-vous rencontrés ? Autour de quelles thématiques se sont nouer vos échanges scientifiques ?

C’est dans le contexte d’une recherche post-doctorale d’Isabelle Aujoulat sur les conséquences psychosociales au long cours d’une transplantation hépatique chez l’enfant que nous avons fait connaissance. Isabelle avait lu la thèse de doctorat de Karl-Leo Schwering sur « Don et Incorporation. Les enjeux psychiques de la transplantation d’organes » qui portait  sur la même population d’enfants. La dimension psychique y était très présente, ce qui l’a particulièrement intéressée étant donné ses propres travaux, toujours actuels, sur le « pouvoir être » (empowerment) et le « pouvoir agir » des patients atteints d’une maladie grave et souvent chronique. Nous avons ensuite travaillé ensemble au sein de l’ELPAT (Ethical, Legal and Psychosocial Aspects of Organ Transplantation) sur les dynamiques familiales dans le contexte de la transplantation d’organe.

 Quelles différences d’approche avez-vous pu identifier dans les humanités médicales entre votre environnement et la communauté scientifique française ?

Nous avons eu beaucoup de discussions autour de nos approches et méthodologies respectives. Celles-ci nous ont mutuellement enrichis. Dans le cadre de ses recherches en santé publique, dans un environnement où les méthodes quantitatives étaient la norme, Isabelle Aujoulat a été confrontée très tôt dans sa carrière à la nécessité d’argumenter et de documenter très précisément ses choix méthodologiques en matière de recherche qualitative. Cela lui a permis de développer des compétences pointues, particulièrement utiles pour la valorisation internationale des recherches. La principale différence que nous avons constatée entre nos deux environnements de travail concerne en effet principalement le type de valorisation scientifique de nos résultats de recherche. Ainsi, nos travaux ont pu bénéficier de l’expérience d’Isabelle Aujoulat en matière d’écriture scientifique pour des publications internationales. Réciproquement, Isabelle Aujoulat dit avoir redécouvert dans le cadre de nos collaborations le plaisir d’une écriture plus personnelle et nuancée, par exemple au travers de la rédaction de chapitres d’ouvrages.

Quels sont les enjeux concernant la recherche en humanités médicales que vous avez partagés et qui vous semble aujourd’hui prioritaire ?

Ce sont les enjeux autour des pratiques de soins mises en œuvre par l’équipe médicale et soignante, et l’impact de ces pratiques sur le « pouvoir être » et le « pouvoir d’agir » de patients atteints de maladies graves et chroniques que nous avons partagés dans le cadre de nos recherches respectives, ces enjeux étant toujours actuels aujourd’hui.

Par ailleurs, avec Isabelle Aujoulat et d’autres membres de l’équipe de recherche en sciences humaines et sociales à l’hôpital St. Louis, nous allons nous engager dans une phase de publications communes autour d’un projet de recherche que nous avons initié ensemble à partir de 2013 sur la « construction identitaire des adolescents et jeunes adultes ayant traversé le cancer ». Nous allons donc pouvoir nous lancer dans cette nouvelle aventure, délicate cependant, car la dimension interdisciplinaire de cette recherche n’est pas aisée à valoriser dans les revues internationales. En effet l’apport conjoint de la santé publique d’un côté, de la psychopathologie psychanalytique de l’autre, est peu courante dans le cadre des études sur le vécu de la maladie. 

Comment la collaboration avec l’ILPEM a enrichi votre recherche ?

ILPEM nous a permis d’élargir notre horizon collaboratif car nous avons réalisé à quel point nos thématiques de recherche étaient partagées par d’autres disciplines (philosophie du soin, anthropologie de la santé, etc.) et donc d’autres chercheurs que nous avons eu la chance de rencontrer au sein de l’Institut, y compris sur le plan international. La collaboration avec les collègues du King’s college à Londres représente dans ce contexte une ouverture d’avenir très significative, ainsi que la collaboration avec d’autres personnes au sein du conseil scientifique de l’institut.

Biographies

Professeure Isabelle Aujoulat travaille dans le domaine de la promotion et de l’éducation pour la santé depuis 25 ans dans des contextes variés : organisations non gouvernementales, secteur de la recherche privée, hôpital, et UCLouvain en Belgique. Elle enseigne la promotion de la santé, l’éducation des patients et les méthodes de recherche qualitative. Ses principaux domaines d’intérêt et d’expertise sont : l’autonomisation des patients, les aspects psychosociaux des comportements de santé, le travail sur l’identité après le diagnostic d’une maladie chronique, la transition des soins pédiatriques aux soins pour adultes. Elle mène actuellement des recherches sur la planification personnalisée des soins, les soins palliatifs pédiatriques, les conséquences de l’épuisement parental sur les enfants. Elle cherche à impliquer les patients en tant que co-chercheurs dans ses projets, tout en accordant une attention particulière aux défis méthodologiques et éthiques liés aux méthodes participatives avec des groupes de personnes vulnérables comme les enfants ou les patients. Elle a abordé diverses questions relatives à la vie des patients atteints de maladies chroniques et à leur expérience de la maladie dans un certain nombre d’articles évalués par des pairs et en tant qu’oratrice principale dans plusieurs conférences internationales. Isabelle Aujoulat est la présidente du conseil scientifique de l’institut La Personne en médecine.

Karl-Leo Schwering est professeur de psychologie clinique, psychopathologie et psychanalyse à l’Université Sorbonne Paris Nord (USPN), Laboratoire UTRPP. Ses thèmes de recherches portent sur les conséquences psychiques des maladies graves, en particulier chez les enfants et les adolescents ; les processus de construction identitaire chez les enfants et les adolescents (identifications et subjectivations) ; les dispositifs médicaux à l’hôpital : quelles conséquences pour le vécu du corps propre et les processus de subjectivation ? ; les enjeux psychiques de la transplantation d’organes ; l’intervention du psychologue clinicien dans des champs cliniques où la visée n’est pas psychothérapeutique (Services de médecine spécialisée). Karl-Leo Schwering est membre du bureau de l’institut La Personne en médecine.

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