Séminaire de recherche-création dans le cadre de « Présents épais », une résidence d’écriture de Phoebe Hadjimarkos Clarke en collaboration avec Bétonsalon, le Centre des Politiques de la Terre et le Pôle Culture d’Université Paris Cité.

Dans le cadre de la résidence d’écriture de Phoebe Hadjimarkos Clarke « Présents épais », le séminaire « Into the Woods » réunit artistes, chercheur·ses et étudiant·es autour d’une exploration collective des enjeux contemporains liés à la forêt et au feu.

Ce séminaire prend pour point de départ, le projet d’écriture de Phoebe Hadjimarkos Clarke. À travers une recherche qui mêle enquête autobiographique – sur la figure de sa grand-mère Clara, firewatch dans l’Ouest américain des années 1940 et 1950 –, enquête scientifique – sur les dynamiques, les causes et les conséquences des feux de forêt aujourd’hui –et enquête fictive – autour de la découverte d’une communauté secrète pyromane, qui vit un feu utopique, heureux et radical –, l’autrice interroge les pratiques de gestion du feu, les relations genrées à la nature et l’impact des politiques de suppression des incendies sur les écosystèmes. Espace de tension entre le réel et l’imaginaire, la forêt est à la fois « un récit qui nous oblige à reconnaitre le monde dans ce qu’il a de tangible » et « un endroit (…) propice au surgissement de la fiction. ».

Ce temps de recherche collectif et immersif au sein du Massif de Fontainebleau vise ainsi à explorer les multiples dimensions d’un contexte et de ce qui – potentiellement ou non – le menace, en croisant des perspectives paysagères, scientifiques, fictives et artistiques. À travers les interventions d’artistes, de scientifiques, d’auteur·ices et d’écologues, ce séminaire constitue un moment privilégié pour croiser savoirs et sensibilités et penser nos interactions avec le vivant dans un contexte marqué par les crises environnementales.

Discussions, ateliers, arpentages et présentations viendront nourrir une réflexion collective sur les imaginaires écologiques, les pratiques durables et la manière dont la recherche-création peut contribuer à façonner des réponses sensibles et poétiques aux défis contemporains.

 

©-Apolline-Lamoril-Light

Informations pratiques :

Station d’écologie forestière – Université Paris Cité

Route de la Tour Dénecourt, 77 300 Fontainebleau

Station Fontainebleau-Avron (Ligne R ou TER depuis Paris Gare de Lyon), à 10min. à pied de la gare.

Programme:

Vendredi 7 février

// Matinée

De 10h à 10h30

Accueil thé & café

De 10h30 à 11h

Introduction par Émilie Renard, Nathalie Blanc et Elena Lespes Muñoz

De 11h à 12h

Phoebe Hadjimarkos Clarke

De 12h à 12h30

Échanges

// Après-midi

De 14h à 15h30

Pablo Réol & David Posth-Kohler : The Quest

Le projet The Quest raconte l’expérience des artistes au sein d’une communauté éphémère de ramasseur·ses de champignons dans les forêts brûlées du Canada. Étendu sur plusieurs mois en 2019 et 2024, ce travail vidéo et photo montre le quotidien de personnes venues gagner leur vie dans des conditions extrêmes. Au printemps, des groupes se rassemblent au cœur des forêts calcinées où poussent les lucratives morilles de feu, pour partager une expérience de cueillette unique en son genre. La vie en camp sans eau ni électricité, le travail éreintant en forêt à la recherche d’un gain matériel individuel, exacerbent la solidarité et les amitiés entre travailleur·ses précaires arrivé·es là par leurs propres moyens. À travers l’objectif, Pablo Réol & David Posth-Kohler plongent dans un moment suspendu entre désolation et renouveau, montrant la poésie des paysages marqués par le feu, où s’importent et se réinventent les codes sociaux dans l’ombre d’une nature blessée.

– Pause –

De 16h à 17h

Clara Aubonnet : Les défis des feux de forêt au prisme de la recherche en sciences humaines et sociales : entre temporalités, échelles et récits croisés. Exemple du Nord-Ouest américain

Cette présentation vise à explorer les divers enjeux des feux de forêt à travers l’exemple du Nord-Ouest américain, tout en examinant les perspectives historiques, géo-politiques et sociales qui façonnent notre compréhension de ces phénomènes. En effet, leur complexité oblige les professionnel·les et chercheur·ses à remettre en question leurs connaissances et pratiques, afin de dépasser les frontières de leur domaine pour collaborer avec d’autres. L’objectif est de tenter d’apporter des clefs de compréhension, pour aller au-delà des images catastrophiques du feu consumant des lotissements entiers, avec des exemples pratiques et des outils méthodologiques.

De 17h à 17h30
Échanges & conclusion de la journée

– Pause –

// Soirée

De 18h30 à 21h

Cuisine collective & repas, suivie d’une veillée de lectures avec Phoebe Hadjimarkos Clarke

Samedi 8 février

// Matinée

De 9h30 à 11h

Visite naturaliste en forêt de Fontainebleau avec Guillaume Larregle, coordinateur Études et Biodiversité & animateur Natura 2000 sur le Massif de Fontainebleau

De 11h à 12h

Présentation de Baptiste Miremont, paysagiste

// Après-midi

De 13h à 16h

Atelier participatif avec Baptiste Miremont et Phoebe Hadjimarkos Clarke

En proie à l’angoisse eschatologique frappant quiconque s’intéresse à la disparition de pans entiers du vivant, nous ressentons parfois le besoin de nous projeter, d’anticiper et de quand même un peu, espérer. Conscient que cette incapacité partagée à la projection cognitive ne permet pas d’envisager la catastrophe environnementale à venir, le collectif Rudérales mène un travail de recherche visant à esquisser ce qui pourrait être notre rapport aux paysages à l’horizon 2100. Cet atelier d’écriture en constitue une étape. En s’appuyant sur le corpus documentaire partiel et subjectif composé des données, témoignages et observations récoltées lors de la première journée de la résidence, il s’agira de mettre en récit une journée en forêt en l’an 2100.

De 16h à 16h30

Échanges & conclusion du séminaire

Biographies des intervenant·es

Phœbe Hadjimarkos Clarke (née en 1987) est une écrivaine et traductrice franco-américaine. Dans ses romans, elle explore notamment les relations entre les humains, les autres-qu’humains, l’environnement et le capitalisme tardif. Son premier roman, Tabor (éditions du Sabot, 2021) mêlait ainsi récit d’anticipation queer et dystopie magique. On y découvre l’histoire de Mona et Pauli qui, ayant survécu à d’étranges et immenses inondations, vivent et s’aiment à Tabor, un nouveau monde bricolé et agreste. Poursuivant son interrogation sur nos devenirs politiques, Aliène (éditions du Sous-sol, 2024 et prix du livre Inter), son deuxième roman, dévoile le récit de Fauvel, une trentenaire mutilée par un tir de LBD lors d’une manifestation qui, partie pour un petit village reculé de la campagne française, doit garder la chienne clonée du père d’une amie. Dans une atmosphère teintée de fantastique, l’autrice y explore l’angoisse et la peur, ainsi que les rapports de domination et d’aliénation de notre monde.
Phœbe Hadjimarkos Clarke écrit également de la poésie (comme 18 Brum’Hair, Rotolux Press, 2023, produit à quatre mains avec Martin Desinde) et traduit des livres de sciences humaines.

Pablo Réol (né en 1989) est artiste. À partir de collages numériques et argentiques, d’impressions sur tissus, du dessin, de la couture, et de la photographie, il s’intéresse aux processus de constructions d’images et aux rapports de hiérarchie entre matériaux du quotidien et ce qui est rendu exceptionnel. Comment se matérialise le digital, qu’est-ce qui résiste dans le réel ? Une image mal imprimée, une tache. Guidé par les couleurs et les techniques, il dessine des formes abstraites et des lettres, en dialogue avec la mode, la publicité, la bande-dessinée. De nombreux portraits d’ami*es, des photos d’agencements de commerçant*es dans la rue, une belle texture, un objet bien éclairé. La photographie et le dessin s’articulent comme des poèmes. L’ensemble fait une image, comme en littérature : on se raconte des histoires avec les images, les images nous en racontent en retour, et entre elles. Il travaille aux ateliers Wonder à Bobigny.

David Posth-Kohler (né en 1987 à Annecy) est un artiste dont le travail explore les liens entre corps, objets et récits. Ses sculptures témoignent d’un intérêt pour une forme de bricolage où démonter pour mieux remonter devient un mode d’exploration du sens. Chaque objet déplacé, détourné ou transformé porte en lui un récit invisible, inscrit dans une narration poétique qui tend à les ancrer dans des fables ou des situations inédites. Nourri par l’expérience du voyage et du déplacement, son regard s’attarde sur les tensions et métissages qui façonnent paysages et individus. Son œuvre oscille entre équilibre et chaos, entre observation distanciée et immersion physique. À travers des formes hybrides, il propose de nouvelles existences aux objets, leur faisant changer de registre et leur offrant un sens renouvelé. Entre mémoire et réinvention, il compose un univers où se croisent fragilité et puissance, solitude et brassage, lenteur et frénésie. Il vit et travaille à Paris.

Clara Aubonnet est doctorante à l’Institut Français de Géopolitique. Elle réalise une thèse sur les enjeux multidimensionnels des feux de forêt transfrontaliers, à partir de l’analyse multiscalaire et géopolitique des cas de la Colombie-Britannique au Canada et de l’État de Washington aux Etats-Unis. L’intensification des feux de forêt questionne les politiques souveraines de gouvernance, l’aménagement du territoire, et les rivalités de pouvoir qui entravent la coopération nécessaire entre les multiples acteurs concernés (i.e. institutions gouvernementales, ONG, entreprises de sylviculture, communautés locales autochtones et non-autochtones). Clara a également travaillé sur les stratégies opérationnelles de réponse aux feux de forêt ainsi que les enjeux de reconstruction des habitations en Californie, dans le comté de Santa Cruz. Son travail s’organise autour de trois dimensions de recherche complémentaires : environnementales, politiques et socio-culturelles.

Guillaume Larregle est coordinateur Études et Biodiversité & animateur Natura 2000 sur le Massif de Fontainebleau pour l’Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau. L’ANVL est une association naturaliste qui a vocation de promouvoir la découverte et l’étude des sciences de la nature, et de contribuer par ses actions à la préservation de la biodiversité. Elle est domiciliée à la Station d’écologie forestière.

Baptiste Miremont déploie un enchainement d’ensembles et de sous-ensembles, jardins, installations, dessins et textes, réalisés comme autant de récits autour des paysages. Ses nombreuses participations à des festivals d’arts et de jardins mettent en scène le vivant à l’aune du changement climatique. Sa pratique invite à considérer le jardin comme un espace d’élaboration du futur des paysages : entre déprédation humaine et prise d’autonomie du vivant non-humain. Avant d’intégrer l’agence Coloco en tant que chef de projet, il a travaillé comme auteur pour la télévision et la presse. C’est au cours d’un reportage pour la Revue XXI en 2015 qu’il découvre le maraîchage en Californie du Nord, quitte Paris et travaille sur un ranch pendant trois ans. À son retour en France, il entreprend une reprise d’étude pour devenir paysagiste et suit une formation d’écologie scientifique à Agroparistech, puis en théorie du paysage à l’École Nationale Supérieure du Paysage à Versailles. Depuis 2021, il intervient auprès d’étudiants en paysage, en architecture et en sciences de l’environnement lors de conférences centrées sur la place allouée au vivant et ses dynamiques dans les projets de paysage. En Juillet 2024, il co-fonde le collectif Rudérales, avec Murielle Baticle (architecte et paysagiste) et Orlando Clarke, (murailler et sculpteur). 

 

 

À lire aussi