Ecrire et penser avec l’histoire
Co-responsables: Inès Cazalas et Tatian Monassa
L’axe Écrire et penser avec l’histoire structure l’ensemble des travaux du CÉRILAC portant sur l’écriture de l’histoire (générale ou spéciale, comme le sont les histoires de la littérature, du cinéma et des arts, ou des sciences – ou de l’histoire elle-même).
Présentation
L’axe « Écrire et penser avec l’histoire » structure l’ensemble des travaux du CERILAC portant sur l’écriture de l’histoire, entendue dans plusieurs acceptions. Il s’agit d’abord d’analyser les modalités permettant de saisir l’Histoire elle-même dans ses multiples temporalités, à partir d’expériences sensibles, de traces mnésiques, mais aussi de représentations discursives et artistiques. Il s’agit ensuite de penser « l’écriture de l’histoire » dans son historicité même : distinguer les pratiques scripturaires relevant de l’histoire comme connaissance de celles relevant de l’histoire comme discipline permet de les confronter sans minorer leurs spécificités ni leurs conflictualités. La réflexion historiographique porte enfin sur l’histoire des arts eux-mêmes (littérature, cinéma, arts visuels), tant dans la manière dont ces arts sont pensés et conçus selon les époques que dans leurs aspects techniques, formels et stylistiques. C’est pourquoi cet axe, dont la dynamique est transdisciplinaire et l’empan transéculaire, réunit à la fois des chercheurs et chercheuses travaillant sur des problématiques proprement historiques – avec ou sans lien direct avec les arts –, et des collègues engagés dans d’autres axes qui souhaitent mettre en exergue les dimensions historiennes de leurs travaux.
Plusieurs thématiques de recherche et perspectives théoriques se dégagent.
Histoires, mémoires
Les recherches appréhendent l’histoire dans la pluralité de ses strates, régimes d’historicité et rythmes, depuis les temporalités de « crises » – révolutions, conflits, guerres, génocides, catastrophe – jusqu’au temps long de l’histoire – quotidien, sensibilités, constructions sociales. Sont déployés des phénomènes de retour, de hantise ou de reviviscence du passé, ainsi que des imbrications de lignes temporelles (synchronies, uchronies, anachronismes, constellations). Est alors questionné ce qui fait événement, période, époque, ou encore ce qui fait témoignage, transmission, trace. L’histoire est saisie dans ses multiples textures et dans ses divers matériaux (documents d’archive, manifestations textuelles, filmiques, scéniques, visuelles ou sonores). Ainsi pensée, l’écriture de l’histoire engage une pensée de l’historicité et de l’historiographie qui cherche à définir ses modes de production comme ses acteurs et actrices, tout en élaborant ses méthodes et sa déontologie.
Une telle approche prend en compte la pluralité des récits (savants, politiques, artistiques, vulgarisateurs) et les dissensus que créent leurs frottements dans l’espace public, non seulement pour interroger de façon critique la constitution de cultures de la mémoire, mais aussi pour analyser d’autres narrations, usages du passé et rapports au présent qui s’inventent dans les sciences humaines et dans les arts. Parmi ces récits, une attention particulière est accordée aux décentrements postcoloniaux et décoloniaux de l’écriture de l’histoire, ce qui suppose de questionner la mondialité en prenant en considération les expériences, récits et savoirs historiques non occidentaux. Enfin, ce décentrement épistémologique est indissociablement lié aux théorisations de la crise écologique qui, en ébranlant l’anthropocentrisme et l’ontologie naturaliste, conduisent à impulser de nouvelles historiographies, en dialogue avec des réflexions créatrices ad hoc, mais aussi avec des pratiques anthropologiques et avec les sciences du vivant.
Approches genrées et situées de l’histoire
Dans l’approche transversale qui est celle de l’axe, l’une des orientations propose de penser et d’écrire l’histoire à partir d’une perspective genrée, en s’intéressant à des figures féminines oubliées au fil des siècles, à l’histoire collective des femmes, à l’analyse de faits sociaux au prisme de la différenciation sexuée des corps, ou encore à la production artistique de femmes dans différents domaines. Cette perspective genrée peut s’articuler avec d’autres approches situées (classe, race, orientation sexuelle et/ou affective, âge, capacités physiques), afin de repenser et de réécrire l’histoire en prenant en considération les rapports de pouvoir et la diversité humaine en jeu dans le tissu social, ainsi que leurs imbrications dans la production de savoirs et d’imaginaires.
Archives : à la croisée des temporalités
Une orientation forte des travaux de l’axe, à la fois sur le plan méthodologique et théorique, réside dans la réflexion sur la relation à l’archive en tant que notion, en tant que document historique, en tant que trace, indice et empreinte du temps, ou encore en tant que production active d’un registre. Qu’elles portent sur l’étude de fonds d’archives précis, sur des gestes d’archivage rendus sensibles, voire créés par les arts, ou encore sur les modalités d’accès et d’analyse de documents du passé, les recherches suivant cette orientation ne cessent d’interroger les possibilités d’écrire l’histoire à partir de ce qui reste et de ce qui manque. Dans cette perspective, des travaux en humanités numériques s’attachent à mettre en lumière la problématique de la disponibilité des documents et de la pertinence des méthodes d’analyse à l’aide d’outils contemporains, en tirant toutes les conséquences épistémologiques du principe de l’écart temporel en historiographie.
Histoires littéraires
Cette dynamique de recherche se déploie dans une grande proximité et complémentarité avec la réflexion sur l’archive précédemment évoquée. Elle porte plus spécifiquement sur l’historicité de la notion même de « littérature », dont l’extension comme fait social, institution et ensemble de formes est très variable au fil des siècles. Les processus de littérarisation – ainsi que les débats et tensions auxquels ils donnent lieu – sont donc analysés, ce qui demande de prendre en compte les instances de légitimation, les acteurs et actrices de l’écriture, les conditions matérielles de diffusion ainsi que les processus de réception.
Une telle dynamique de recherche se traduit par des approches dont les échelles et les prismes sont très variables, mais qui se nourrissent mutuellement : histoire de la notion de « style » ; histoire de la critique littéraire et de l’édition ; approches monographiques d’auteurs et d’autrices dits « canoniques », mais dont la lecture se trouve renouvelée par de nouveaux courants critiques ; mise au jour de figures littéraires ignorées des panthéons nationaux ; attention prêtée à des gestes de création et des pratiques artistiques transdisciplinaires qui débordent la conception moderne de la littérature centrée sur la figure de « l’écrivain » et le texte écrit. Enfin, au sein de l’axe, les approches anthropologiques et comparatistes des histoires littéraires telles qu’elles se sont constituées dans l’espace mondial contribuent autrement au décentrement des objets, à la réflexivité méthodologique, à la mise à l’épreuve de nouveaux outils heuristiques et à l’ouverture de perspectives de recherche.
Histoires des techniques et des patrimoines culturels
Au sein des réflexions sur l’écriture de l’histoire des arts ainsi que sur l’historicité des pratiques et des gestes, l’histoire des techniques s’affirme comme une approche fructueuse pour penser l’inscription temporelle des objets artistiques, de leurs formes et de leurs fabriques. À l’étude du développement, de la constitution matérielle de supports et d’appareils, ainsi que des gestes qui l’accompagnent, s’ajoutent des recherches sur les patrimoines culturels : institutions consacrées à la préservation, à la sauvegarde et à la restauration ; collections et leurs propres écritures du temps ; singularités des héritages immatériels ; réflexion critique sur la notion de patrimonialisation et attention portée à d’autres dynamiques de transmission.
Séminaires et rencontres
Membres de l’axe
Publications récentes
Garance Fromont « Penser un cinéma de la diaspora arménienne »
Olivier Ritz édition de « La Femme grenadier » de Jeanne Gacon-Dufour
Groupe International de Recherches Balzaciennes (J.-D. Ebguy) « Dictionnaire Balzac »
Nibras Chehayed « Mots de chair et de sang. Écrire le corps en Syrie (2011-2021) »
Nibras Chehayed « Images de chair et de sang. Penser le corps en Syrie (2011-2021) »
Nibras Chehayed « La destructivité en œuvres, essai sur l’art syrien contemporain »
Olivier Ritz « Orages n°19 : Explosions populaires »
À lire aussi
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Johanne Le Ray est professeur agrégé de lettres à l’université Paris Nanterre, chercheuse associée au Centre d’études et de recherches interdisciplinaires en lettres, arts et cinéma (CERILAC – Université Paris-Cité), membre de l’équipe de recherche...
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Journée d'études organisée par Vincent Berthelier. PrésentationLa stylistique affiche actuellement, dans l’espace francophone, un dynamisme appréciable : tout en restant fidèle à la rigueur héritée du structuralisme pour les analyses...
Olivier Ritz « Le Prince philosophe » d’Olympe de Gouges (éd.)
Olivier Ritz est Maître de conférences à l’UFR Lettres, Arts et Cinéma et membre du laboratoire CERILAC. © DR Édition coordonnée par Olivier Ritz.Rédigé en 1789 et publié en 1792, Le Prince philosophe transporte dans un orient imaginé pour y...
Sophie Lucet « Le Théâtre des revues »
Sophie Lucet est maîtresse de conférence en littérature et en arts du spectacle à l'UFR LAC et membre de l'axe EPH du CERILAC. © DR Questo volume è il punto di arrivo di un lungo lavoro collettivo e di una sinergia internazionale. Raccoglie in...