Titre de thèse

« La théorie littéraire à l’épreuve du poème. À propos de quelques dialogues manqués (Sartre, Barthes, Blanchot) » par Gabriel Meshkinfam

Thèse dirigée par Dominique Rabaté

Résumé de thèse

Notre projet interroge l’hypothèse d’une incommensurabilité structurelle entre la pensée discursive systématique et le poème, et ce dans le cadre très précis de la France d’Après-guerre. Il nous a semblé en effet que ce cadre historico-géographique, s’étendant de la mort de Valéry en 1945 jusqu’à la fin des années 1960, constituait un lieu original pour l’étude des rapports entre la théorie littéraire et le genre poétique. Cette originalité est due en grande partie à un paradoxe apparent : alors même que l’Hexagone concentre une activité poétique inégalée, qui bénéficie largement de l’aura de la poésie de Résistance (Char, Éluard) et du renouvellement productif de ses formes (Ponge, Prévert), et alors même que le monde intellectuel se passionne, dans le sillage de Sartre, pour la question littéraire, force est de constater que la réunion de la poésie et de la pensée spéculative sur l’autel d’une théorie renouvelée n’a pas eu lieu. Ce sont en effet plutôt le roman, voire l’essai — et dans une moindre mesure le théâtre, mais pour des raisons différentes de la poésie — qui constituent le socle de ce grand « moment » littéraire de la pensée française. Bien sûr, notre approche ne vise pas à nier les timides tentatives qui ont pu émerger lors de cette période, mais à indiquer qu’elles se jouent souvent hors du champ canonique de la théorie littéraire et qu’elle se conçoivent d’abord comme des analyses locales n’envisageant pas le genre poétique dans une économie générale des genres littéraires. Il faudra en effet attendre les Onze études sur la poésie moderne publiées en 1964 par Jean-Pierre Richard, la traduction de Structure de la poésie moderne d’Hugo Friedrich dans les années 1970 ou encore l’essai de Julia Kristeva sur Mallarmé et Lautréamont pour voir apparaître les premières études systématiques de l’objet poétique. Chez Barthes, Genette, Poulet ou Goldmann cette étude ne sera par exemple jamais vraiment entreprise.

Afin d’étudier le détail de ce, ou plutôt de ces « dialogues manqués », notre choix s’est vite porté sur une sorte de « trinité » symptomatique de la pensée française d’Après-guerre, chacun de ses membres représentant une des hypothèses de l’incommensurabilité entre théorie et poésie. Jean-Paul Sartre, par sa mise au ban de la poésie dans l’engagement de la littérature, mais aussi par ses incursions tantôt maladroites tantôt brillantes chez les poètes (Baudelaire, Genet, Ponge, Césaire), représente le parangon du dialogue manqué : son refus axiologique du poème se double de tentatives initiées mais avortées. Roland Barthes cristallise quant à lui deux formes de « dénégation » du poème, à la fois par un biais très personnel et puis comme « représentant » (singulier certes) du structuralisme, qui s’est révélé globalement incapable de rendre compte de la spécificité du poème. Enfin, Maurice Blanchot incarne une forme de contrepoint également problématique car, bien que le critique se confronte directement à la question poétique, l’hégémonie de la Poésie (puis de l’Écriture) sur la Littérature y neutralise toute singularité des genres et des formes.

Jury de thèse

  • Laure Michel (Université Lumière Lyon 2)
  • Michel Murat (Sorbonne Université)
  • Marik Froidefond (Université Paris Cité)
  • Martin Rueff (Université de Genève)

Horaire et Lieu de soutenance

Samedi 29 novembre 2025 à 14h
Université Paris Cité – Grands Moulins,
5 rue Thomas Mann, 75013
Salle P.Pachet (677C), Bâtiment C