Une étude dirigée par des chercheuses de l’IPGP, de l’IGN et d’Université Paris Cité, montre que des redistributions de masses profondes peuvent être observées avant un méga-séisme de zone de subduction, grâce aux mesures du champ de gravité opérées par le satellite GRACE. En éliminant les sources hydrologiques du signal gravitaire global, l’équipe française montre que les anomalies observées apparaissent cohérentes avec un étirement de la plaque plongeante vers 150 km de profondeur dans le manteau, suggérant que la rupture géante de Maule, au Chili, en 2010, pourrait trouver son origine dans une propagation vers la surface de cette déformation de la plaque plongée.

Un satellite de la mission GRACE Follow-on de la NASA, qui cartographie les variations spatio-temporelles du champ de gravité terrestre

© NASA-JPL

Les séismes de subduction, à l’interface entre une plaque continentale et une plaque océanique qui plonge dans le manteau, comptent parmi les plus intenses au monde. Comprendre les processus à l’origine de leur déclenchement et identifier des signaux pré-sismiques reste un enjeu majeur, aussi bien scientifique que sociétal. Mais le rôle joué dans la génération de ces séismes par les mouvements de la plaque plongée lors de sa descente dans le manteau reste mal connu. Et pouvoir suivre en continu les déformations, sismiques et a-sismiques, des différentes composantes du système de subduction, de l’interface entre les plaques continentale et océanique jusque plus en profondeur, tout le long du trajet de la plaque subduite, apparait ainsi primordial.

La géodésie spatiale et les observations de sismicité offrent un suivi extrêmement fin de ces déformations à faible profondeur ou aux fréquences sismiques, mais l’intégralité du spectre de déformations de la plaque plongée, qui exerce une force de traction sur la plaque océanique en subduction, est largement inconnu du fait du manque d’observations à cette profondeur., Leur suivi est pourtant crucial, car elles peuvent précéder des mouvements plus superficiels qui résulteraient de leur propagation vers la surface.

 

Dans une étude publiée le 15 avril 2022 dans la revue Earth and Planetary Science Letters, une équipe de scientifiques de l’Institut de physique du globe de Paris, d’Université Paris Cité, de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), et les laboratoires Géoscience Environnement Toulouse (CNRS, Université Toulouse 3, IRD, CNES) et Géoscience Rennes (CNRS, Université de Rennes 1), a utilisé la gravimétrie satellitaire pour tenter de combler cette lacune observationnelle, grâce à une sensibilité unique aux redistributions de masses à toutes les profondeurs et à une couverture spatiale globale.

En effet, les satellites de missions GRACE, et maintenant GRACE Follow-On, cartographient chaque mois depuis 2002 les variations spatio-temporelles du champ de gravité terrestre. Variations dues aux transferts de masse provenant des redistributions d’eau au sein et entre atmosphère, océans, calottes polaires et eaux continentales par exemple, mais aussi des mouvements tectoniques de notre planète. Ces données gravitaires, de résolution spatiale jusqu’à environ 300-400 km, offrent donc une information très complémentaire des données de géodésie spatiale et de sismicité.

L’analyse de ces données satellitaires a permis à l’équipe française d’identifier une variation anormale de la gravité terrestre dans les mois précédant le séisme géant de Maule au Chili (Mw 8.8, 27 février 2010), qui se produit dans une zone de quelques centaines de kilomètres de long au Nord de la zone épicentrale. Une étude détaillée du signal hydrologique sur cette zone, où la plaque Nazca plonge sous la plaque sud-américaine, à partir de modèles et d’observations in-situ, a permis de conclure que ce signal, équivalent à un mouvement de 60 km3 d’eau en 2 mois, ne peut pas s’expliquer par des redistributions d’eau dans le système climatique et trouve plus probablement son origine au sein de la Terre solide. Ainsi, les anomalies observées apparaissent cohérentes avec un étirement de la plaque plongeante vers 150 km de profondeur dans le manteau, peut-être associé à des déplacements de fluides au niveau de la plaque subduite, et équivalent à un séisme de faille normale de Mw 8.2. L’étude note aussi que cette déformation se produit dans une zone où le pendage de la plaque Nazca change très rapidement.

 

La migration des anomalies de gravité avant et pendant le séisme, suggère enfin que la rupture géante de Maule pourrait trouver son origine dans une propagation vers la surface de cette déformation de la plaque plongée. Ces résultats montrent l’intérêt et le potentiel des observations de gravimétrie satellitaire pour l’évaluation de l’aléa sismique en zone de subduction, et ouvrent de nouvelles perspectives pour étudier les interactions entre ces transferts de masse profonds et la sismicité en frontières de plaques.

 

Référence :

Bouih, M., Panet, I., Remy, D., Longuevergne, L. & Bonvalot, S. (2022). Deep mass redistribution prior to the 2010 Mw 8.8 Maule Earthquake (Chile) revealed by GRACE satellite gravity, Earth and Planetary Science Letters.

DOI : https://doi.org/10.1016/j.epsl.2022.117465

 

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