Infection sexuellement transmissible touchant 39 millions de personnes dans le monde (1,7 millions de nouvelles infections en 2022), le VIH se décline en 2 sous-types, VIH X4 et VIH R5, dont les infectiosités et les virulences évoluent dans le temps chez les personnes infectées. Dans le cadre d’une collaboration franco-allemande, les chercheurs de l’équipe CBMIT du laboratoire Chimie et Biochimie Pharmacologiques et Toxicologiques (UMR 8601), dirigée par le Dr Jean-Philippe Herbeuval, ont élucidé les mécanismes par lesquels la spermine bloque l’infection par le virus VIH X4, expliquant ainsi pourquoi seuls les virus VIH R5 sont transmis par voie sexuelle.

Fixation de la spermine (jaune) sur le récepteur du VIH CXCR4 (vert).

La spermine en se fixant sur le récepteur utilisé par les virus VIH-X4, empêche l’infection des cellules cibles par ces virus, expliquant pourquoi il n’y a jamais de transmission sexuelle du VIH-X4 mais uniquement des virus VIH-R5.

La transmission, à 80% par voie sexuelle, du virus d’immunodéficience humaine (VIH) implique 2 sous-types de virus : VIH X4 (X4) et VIH R5 (R5). Depuis 40 ans, les chercheurs constataient, sans pouvoir l’expliquer, que seul le sous-type R5 est transmis par voie sexuelle provoquant l’infection alors que X4 semblait être neutralisé. En revanche, au fur et à mesure de l’évolution de l’infection vers la maladie, le SIDA, le virus X4 « sort de sa neutralité » et devient de plus en plus virulent si l’on ne traite pas, à vie, les patients avec les tri-thérapies de nouvelles générations.

Le sperme est le vecteur principal de la transmission sexuelle du VIH et les deux sous-types de virus, X4 et R5, sont présents dans la fraction liquide du sperme, appelée liquide séminal. Ce liquide est composé de protéines, lipides, métabolites et de très grandes quantités de petites molécules chargées positivement : les polyamines, essentiellement la spermine.

Pour infecter l’organisme, pénétrer dans les cellules et s’y multiplier, les 2 sous-types de virus X4 et R5, présents dans le liquide séminal, ont besoin de se fixer simultanément à un récepteur commun, la protéine appelée CD4, et à des corécepteurs spécifiques : la protéine CXCR4 pour VIH X4 et CCR5 pour VIH R5.

De manière surprenante, malgré la présence concomitante des virus X4 et R5 dans le liquide séminal, seuls les virus R5 sont transmis par voie sexuelle. Ceci est d’autant plus paradoxal que le récepteur CXCR4, spécifique du virus X4, est plus largement exprimé à la surface des cellules cibles du VIH que le récepteur CCR5, spécifique du virus R5. Ce constat laisse supposer que le virus X4 serait présent en plus grande quantité, or il n’est pas responsable de la transmission de l’infection. Il existe donc une « barrière » anti VIH-X4 qui n’avait toujours pas été découverte jusqu’à aujourd’hui.

Les chercheurs de l’équipe Chimie Biologie Modélisation et Immunothérapie du laboratoire Chimie et Biochimie Pharmacologiques et Toxicologiques (UMR 8601), dirigée par le Dr Jean-Philippe Herbeuval, ont cherché à décrypter ce paradoxe.

 

Vecteur principal du VIH, le rôle du sperme semble ambivalent

Pour identifier les facteurs susceptibles de limiter la transmission sexuelle du virus VIH-X4, l’équipe a généré une bibliothèque d’échantillons composés de dérivés du liquide séminal en proportions variables. Ils ont ensuite évalué les effets anti-VIH de chaque échantillon sur les cellules cibles du VIH : macrophages, lymphocytes T et cellules de Langherans. Ils ont alors identifié quatre échantillons, capables de bloquer l’infection des lymphocytes et macrophages par les VIH-X4 mais pas par les VIH-R5.  L’analyse de ces échantillons leur a permis de révéler qu’ils contenaient tous des polyamines, essentiellement de la spermine.

Les chercheurs ont alors montré que la spermine, petite molécule présente en très grande quantité dans le sperme, se fixe sur le corécepteur CXCR4, ce qui a pour conséquence de bloquer sélectivement l’infection des lymphocytes T et macrophages par les VIH X4. En revanche, les virus VIH R5, ne sont pas bloqués et se transmettent par voie sexuelle.

 

Même si on ne meurt plus systématiquement du SIDA, on est malade et traité à vie !
Malgré un système immunitaire particulièrement efficace au niveau des muqueuses, rectales chez les hommes et vaginales chez les femmes, l’infection par le VIH se fait à plus de 80% par voir sexuelle. Une fois qu’il a infecté l’organisme, le VIH a une période de latence durant laquelle il est stocké dans des réservoirs de l’organisme. Lorsqu’il sort de cette période de latence, il se propage et se multiplie infectant de proche en proche de plus en plus de cellules. La charge virale augmentant rapidement, en réaction le système immunitaire s’emballe mais sans effet. Le virus infecte également les cellules immunitaires (T CD4+) qui elles aussi meurent, et les premiers symptômes de la maladie SIDA apparaissent. Le système immunitaire étant très affaibli, les malades très avancés dans la phase SIDA deviennent extrêmement sensibles à tout type d’infection et meurent de maladies dites opportunistes, le plus souvent d’infections virales sans grande gravité chez les patients sains. Heureusement, les nouvelles tri-thérapies arrivent à contenir suffisamment l’infection pour maintenir un système immunitaire suffisamment efficace. En revanche, ces tri-thérapies, incapables de faire disparaître le virus, doivent être administrées à vie aux patients et ne sont pas sans effets secondaires notoires.
 
Effet des polyamines du sperme lors de l’infection par le VIH 
Les virus VIH-X4 et -R5 contenus dans le liquide séminal du sperme atteignent la sous-muqueuse grâce à des micro-abrasions dans la couche de cellules épithéliales des muqueuses vaginale et rectale. La spermine du liquide séminal étant une molécule très petite, elle traverse facilement la barrière épithéliale. Les virus et la spermine se retrouvent alors au contact des cellules cibles du VIH : les macrophages, cellules de Langherans et Lymphocytes T CD4+. La spermine se fixe alors sur les corécepteurs CXCR4, inhibant l’infection par les virus X4, et seuls les virus R5 infectent les cellules cibles permettant la dissémination des virus R5.

© Figure générée au CBMIT

Nos résultats suggèrent donc que la spermine contenue dans le liquide séminal du sperme, en se fixant sur le co-récepteur CXCR4, empêche sélectivement la transmission sexuelle de VIH-X4. Nous avons découvert que la spermine représente sûrement l’un des mécanismes « barrière » à la transmission sexuelle des virus X4, une énigme non résolue depuis plus de 40 ans de recherche sur le VIH, précise Jean-Philippe Herbeuval.

 

 

Grégory Pacini, docteur d’Université Paris Cité qui représentait la France en finale internationale du concours Ma Thèse en 180s,  vous explique en 3 minutes chrono, comment le VIH attaque notre organisme !

 

 

Fixation de la spermine (jaune) sur le récepteur du VIH CXCR4 (vert). La spermine en se fixant sur le récepteur utilisé par les virus VIH-X4, empêche l’infection des cellules cibles par ces virus, expliquant pourquoi il n’y a jamais de transmission sexuelle du VIH-X4 mais uniquement des virus VIH-R5.

 

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