Alexandre Loupy, lauréat du Prix des Innovateurs en santé

Alexandre Loupy, professeur des universités praticien hospitalier (AP-HP/Université Paris Cité), néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants est l’un des deux lauréats Université Paris Cité du Prix des Innovateurs en Santé de la Région Ile-de-France.

Alexandre loupy a reçu 25 000 euros pour ses découvertes dans le domaine de la transplantation et du rejet de greffe ainsi que pour le déploiement d’une application basée sur de l’intelligence artificielle. Ainsi, la iBox, permettra d’évaluer, à chaque consultation, une probabilité de survie du greffon rénal à partir des données biologiques, immunologiques et histologiques à disposition lors de la consultation.

Pouvez-vous nous présenter votre projet ?  En quoi l’Intelligence Artificielle apporte une avancée majeure dans votre champ de recherche ?

La greffe rénale est reconnue actuellement comme le meilleur traitement pour l’insuffisance rénale terminale, améliorant la qualité/durée de vie avec une réduction des coûts substantielle pour la société. Cependant, malgré les progrès réalisés, le rejet d’allogreffe reste une cause majeure de perte du greffon et représente un impact économique important pour le système de santé.

Pour répondre à ces besoins, nous avons depuis 15 ans développé au Paris transplant Group une cohorte prospective de patients greffés du rein, unique dans son niveau de détail phénotypique car combinant les données cliniques, biologiques, immunologiques, phénotypiques, histologiques et transcriptomiques ainsi que les biostatistiques appliquées. L’énorme quantité d’informations récupérée de plusieurs milliers de patients de manière longitudinale résulte en une approche « smart data » intégrative et translationnelle, exploitée par l’intelligence artificielle. Cet effort a abouti en 2019 au développement d’un algorithme de prédiction individuelle du risque de rejet et de perte du greffon, généré par l’analyse algorithmique de plus de 85 paramètres péri- et post-transplantation.

Ce système pronostique permet de façon très fiable de prédire pour un patient donné, et ce très tôt après la transplantation, quel va être le devenir de sa greffe dans les 10 ans. Cet algorithme a été validé dans 12 centres en Europe et aux États-Unis  ainsi que dans 3 essais randomisés internationaux. L’article princeps a été publié en 2019 dans la revue BMJ, et cette découverte a été primée par l’académie de médecine la même année et par la société Américaine d’histocompatibilité en 2020. Le système iBox, objet de l’invention présentée, intègre l’ensemble des facteurs démographiques, fonctionnels, histologiques et immunologiques pertinents mesurés en pratique clinique de routine ainsi que l’ensemble des progrès thérapeutiques, diagnostiques et techniques réalisés au cours de ces dernières années. Il illustre également le potentiel de l’approche développée par notre équipe incluant une méthodologie statistique solide appliquée à des données multidimensionnelles en population pour apporter des résultats concrets sur les mécanismes du rejet, la stratification du risque ainsi que le suivi optimisé et personnalisé des patients.

Quel seront les impacts sociétaux et médicaux de vos travaux sur la santé publique  ?

Les résultats fournis par le système iBox permettront d’informer les médecins sur l’état fonctionnel du greffon et les différentes trajectoires de déclin fonctionnel, permettant d’adapter le suivi du patient, et d’évaluer sa réponse au traitement. L’iBox permettra par exemple de détecter précocement les conséquences de changements thérapeutiques sur la survie à long terme du greffon rénal.

Ainsi, ce projet pourrait conduire à une réduction significative des coûts des soins de santé en améliorant la survie du greffon rénal, en allouant les ressources de manière plus efficace et en limitant les traitements inefficaces et coûteux. Pour les législateurs impliqués dans l’organisation du système de santé, l’iBox permettra un usage plus efficace des ressources pour des catégories variées de patients.

L’iBox contribuera aussi à la modification des évidences fournies par les essais cliniques en ajoutant à la pratique associant le système pronostique une nouvelle génération d’essais cliniques. Ainsi, l’iBox est officiellement entrée en Juin dans un processus de qualification comme « surrogate end point », permettant de réduire de 7 années les essais thérapeutiques en transplantation, puisque le critère de jugement final correspondant au rejet et à la perte de l’organe pourra être substitué à l’évaluation précoce du score iBox. Ceci ouvre donc un champ important non seulement pour l’amélioration de la prise en charge des patients, mais également dans l’innovation thérapeutique limitée actuellement par une durée prolongée des essais cliniques.

Que représente ce prix pour vous et comment comptez-vous l’utiliser désormais ?

Le but des travaux de l’équipe est d’appliquer les découvertes scientifiques concrètes que nous avons obtenues ces 5 dernières années dans la pratique clinique quotidienne. Cette translation de la recherche « au lit du patient » est un élément de motivation majeure. D’autre part, la médecine de transplantation est une médecine complexe, exigeante, multidisciplinaire impliquant de nombreux intervenants médicaux et para-médicaux. À ceci s’ajoute une complexification phénotypique accrue du tableau clinique des patients par l’implémentation de biomarqueurs et d’outils transcriptomiques dans l’évaluation quotidienne des patients.

Cette complexité se prête à l’implémentation d’outils algorithmiques pour utiliser les données médicales les plus pertinentes pour le suivi du patient, et faciliter et informer la décision médicale. Les fonds sollicités par la présente demande permettront de développer le sytème iBox en lui ajoutant une fonctionnalité servant à l’uniformisation des pratiques de soins. Nous proposons ainsi d’implémenter dans l’application iBox une fonctionnalité des protocoles cliniques et de soins. Elle prendra la forme d’arbres décisionnels suivant les profils cliniques et des situations rencontrées. Cet outil à destination des praticiens sera donc une aide supplémentaire dans la prise de décision médicale et permettra ainsi de renforcer l’utilité clinique de l’iBox en homogénéisant les pratiques de soin.

 

À lire aussi