Université Paris Cité a obtenu en 2019 un financement Erasmus+ pour un projet mené avec 5 autres universités (Humboldt de Berlin, Lisbonne, UCLouvain, Oslo et Aarhus) portant sur le développement des compétences transférables des étudiants. Ce projet est intitulé InnovEd4TS (Innovative Education For Transferable Skills) se poursuit malgré la situation pandémique en Europe.

 

Un partenariat stratégique en soutien à la construction de l’Université européenne Circle U.

 

Ce Partenariat stratégique rassemble cinq universités partenaires du projet d’université européenne Circle U.ainsi que l’Université de Lisbonne. Il doit permettre de renforcer l’Alliance grâce à une coopération accrue en matière d’innovation pédagogique partager et analyser des projets pédagogiques liés aux compétences transférables au sein de chaque établissement.

Après une première étape de définition et de sélection des compétences transférables par un Comité rassemblant des experts des six universités partenaires, s’ouvrira une phase de visites (reportée au premier semestre 2020/2021 en raison de la pandémie) pour partager et analyser des projets pédagogiques liés aux compétences transférables au sein de chaque établissement.

 

 

Une expertise approfondie sur les compétences transférables

Pourquoi les compétences transférables ?

Les compétences transférables sont stratégiques pour les étudiants car essentielles à leur formation et à leur devenir professionnel, comme le rappelle Benoît Raucent, expert pour l’Université Catholique de Louvain et Président du Louvain Learning Lab : « Quand on regarde les métiers de demain, on s’aperçoit que les compétences transférables sont sur le devant de la scène. (…) On a besoin à l’université de préparer ce travail sur les compétences de demain. ».  

Pourtant, ces compétences ne sont pas toujours bien prises en compte dans les cursus : « Les enseignants ont tendance à privilégier les connaissances cognitives classiques et les compétences transférables sont souvent traitées en second» explique Benoît Raucent. 

Tina Bering Keiding, experte pour l’Université d’Aarhus revient sur les raisons qui ont motivé ce partenariat: « Il est devenu de plus en plus clair que, soit nous omettons d’évaluer les compétences transférables parce qu’il semble difficile de les intégrer dans les programmes, soit nous avons tendance à les insérer de façons sous-jacente, ce qui signifie qu’elles comptent dans l’évaluation finale mais de manière vague et parfois même obscure ».

 

 

 

« On a besoin à l’université de préparer ce travail sur les compétences de demain. »  

Benoit Raucent

Quelles compétences transférables ?

Certains les appellent « soft skills » ou compétence douces, d’autres compétences transversales ou compétences comportementales…En s’appuyant sur la littérature et sur les grilles existantes, le Comité d’experts a choisi 12 compétences à explorer dans le cadre de ce Partenariat.

Les compétences transférables en images – dessins par Benoît Raucent

 

 

 

 

Proposer une méthodologie d’analyse : une grille-rubrique sur les compétences transférables

« Le sujet des compétences n’est pas simple » reconnaît Christine Rampon, experte pour Université Paris Cité.« Beaucoup de documents circulent sur le sujet, mais on ne sait pas lesquels choisir et souvent les concepts ne sont pas expliqués ».

L’ambition est donc de fournir une grille d’analyse que les enseignants pourront s’approprier facilement et qui leur permette d’évaluer simplement l’acquisition des compétences par leurs étudiants.

Selon Mariana Gaio Alves, experte pour l’Université de Lisbonne, « les grilles sont importantes pour nous fournir un cadre commun d’analyse ».

Une matrice a ainsi été construite, comprenant trois niveaux d’acquisition pour chaque compétence: « Chaque dimension est décrite à trois niveaux : basique, intermédiaire et avancé. Ensemble, nous obtenons plusieurs rubriques et une « matrice » qui sert d’échafaudage à l’évaluation des étudiants » explique Tina Bering Keiding.

La matrice commune a été pensée pour s’appliquer à toutes les disciplines et en même temps prendre en compte leurs spécificités. Benoît Raucent fait part de cette difficulté : « Ce n’est pas facile de décrire ce qu’est une compétence et de faire des grilles qui soient universelles».

« On aura une grille claire qui pourra faire avancer toutes les disciplines, pour les enseignants comme pour les étudiants. Ils comprendront mieux ce qu’on attend d’eux » ajoute Christine Rampon.

 

Des enseignants réflexifs

Un des principaux objectifs du Partenariat stratégique est de soutenir les enseignants dans leurs démarches réflexives sur leurs pratiques professionnelles. «Ce que l’on souhaite c’est avoir des enseignants réflexifs » souligne Benoît Raucent. « Un élément qui est vraiment important dans notre démarche, c’est le SOTL, Scholarship of Teaching and Learning. Dans cet esprit-là, on doit arriver non seulement à ce que les enseignants innovent mais sachent pourquoi ils innovent. »

La matrice ainsi élaborée et qui sera développée sous forme d’outil numérique d’ici 2021 devra permettre l’évaluation entre pairs ou l’autoévaluation. « Il faut que les enseignants puissent se l’approprier de façon autonome et qu’elle se suffise »explique Christine Rampon.

Benoît Raucent insiste sur les avantages de la grille en termes d’auto-évaluation : « Le fait d’avoir choisi une ‘grille-rubrique’ est intéressant à plusieurs niveaux car cela permet d’avoir un retour immédiat mais aussi d’avoir une perspective sur ce vers quoi je peux m’améliorer. (…) Il y a différents niveaux donc je peux m’autoévaluer, savoir où je suis et voir quelle sera l’étape suivante ».

 

 

« Dans cet esprit-là, on doit arriver non seulement à ce que les enseignants innovent mais sachent pourquoi ils innovent. » 

Benoit Raucent

 

Des visites sur le terrain : « evidence-based education »

Après cette première phase d’élaboration du cadre théorique du projet, s’ouvrira à la rentrée 2020 la phase des visites. Des panels issus des 6 universités partenaires se déplacer ont pour analyser au total dix initiatives.Il s’agit de projets pédagogiques liés aux compétences transférables développés dans chaque établissement partenaire. Les panels mobiles analyseront chaque initiative à l’aune du travail qui a été réalisé en amont par le Comité d’experts.

Ces visites seront l’occasion de fournir un retour (« feedback ») aux enseignants porteurs des initiatives. « Le meilleur feedback, c’est un feedback qui est co-construit (…) L’idée c’est que les experts puissent apporter leur regard et faire résonner chez les porteurs des choses qu’ils savent mais qu’ils n’ont jamais mis en évidence»précise Benoît Raucent.

L’objectif des visites est également de tester la matrice élaborée par les experts : « Est-elle utilisable en l’état ? faut-il la compléter/la corriger ? Est-ce qu’elle est compréhensible par tous ?» (Christine Rampon).

Les visites sur le terrain donneront lieu en 2021 à des recommandations de la part du Comité d’experts sur la possibilité de répliquer certaines initiatives dans d’autres universités ou sur des pistes de co-développement d’initiatives entre partenaires, dans l’esprit de partage promu par l’Université européenne Circle U. « Notre démarche est celle de l’Evidence Based education » explique Benoît Raucent :« on regarde ce qui marche dans la littérature, on innove en conséquence, et puis on mesure pour partager avec les autres. C’est cette idée de bouclage qui est importante ».

 

Un enrichissement des pratiques professionnelles des enseignants grâce à la mise en réseau

Le réseautage est une dimension essentielle du projet, tant au niveau institutionnel qu’au niveau des équipes pédagogiques. « Le partenariat nous offre la possibilité de constituer une communauté professionnelle. Le développement continu des compétences professionnelles des enseignants grâce à un véritable dialogue entre collègues de différentes institutions » explique Tina Bering Keiding.

Sans compter que cette mise en réseau permettra sans doute des utilisations plus créatives de la matrice élaborée, du fait d’un élargissement du cercle de ses utilisateurs : « le fait d’avoir un réseau, une intelligence collective va permettre d’imaginer des utilisations auxquelles nous n’avions pas pensé au début. (…) Plus le cercle est grand, plus le nombre de retombées intéressantes sera grand ».

 

 

 

 

 « Le partenariat nous offre la possibilité de constituer une communauté professionnelle ». 

Tina Bering Keiding

Le Comité d’experts

Le Comité d’experts est composé d’enseignants-chercheurs issus de chaque université partenaire, engagés de longue date dans la transformation de l’enseignement et ayant conduit des initiatives visant à développer les compétences transférables.

 


Benoît Raucent
est professeur à l’École Polytechnique de l’Université catholique de Louvain. En 2000, il a coordonné la réforme des enseignements visant à introduire à l’EPL l’apprentissage par problème et par projet. Il est auteur de plusieurs ouvrages et guides pratiques sur la pédagogie universitaire et plus particulièrement sur l’APP et le nouveau rôle des enseignants. Depuis octobre 2014, il est président du Louvain Learning Lab.

 

 

Tina Bering Keiding est Directrice adjointe et Professeure associée au Centre de développement de l’enseignement et des media numériques de l’Université d’Aarhus. Spécialiste de la pédagogie de l’enseignement supérieur, elle a écrit de nombreux articles de didactique, à la fois théoriques et pratiques, généraux et plus spécifiques, sur des sujets comme l’utilisation des portfolios de compétences.

 
 
 


Christine Rampon
est enseignante-chercheuse en biologie. De 2018 à 2020, elle a été Directrice du SCRIPT (Service commun de ressources informatiques, pédagogiques et technologiques) à l’Université Paris-Diderot. Elle a mené de nombreux projets sur les compétences transférables étant responsable d’une UE libre sur le raisonnement scientifique. Elle participe également à un travail de recherche sur l’identité professionnelles des enseignants du supérieur en biologie.

 
 

 

Mariana Gaio Alves est enseignante-chercheuse à l’Institut d’éducation de l’Université de Lisbonne depuis 2018. Elle est actuellement engagée dans un diplôme de formation continue en pédagogie de l’enseignement supérieur et ses recherches portent sur le développement professionnel des enseignants-chercheurs, les identités académiques et la conception des cours dans l’enseignement supérieur.

 
 


Wolfgang Deicke
est enseignant-chercheur en sociologie politique. Avant de prendre la direction de Bologna.lab de l’Université Humboldt de Berlin en 2012, il a enseigné la sociologie et les sciences politiques à l’université de Northamptonet au Ruskin College d’Oxford. Ses intérêts de recherche actuels sont la promotion et le développement des compétences de recherche des étudiants et les réformes de l’enseignement supérieur.

 
 


Anders Malthe-Sørenssen
est enseignant-chercheur en physique à l’Université d’Oslo. Il est directeur du Centrepour l’informatique dans l’enseignement des sciences, l’un des huit centres d’excellence nationaux norvégiens dans le domaine de l’éducation. Il a développé un programme de master interdisciplinaire en physique / géologie et a reçu plusieurs Prix nationaux pour la qualité et le caractère innovant de son enseignement.