En septembre 2015, Viola Davis se désole lors de la cérémonie des Emmys du manque de rôle pour les actrices noires à l’écran. Quelques mois plus tard, c’est le hashtag #OscarsSoWhite qui éclabousse Hollywood. Hidden Figures sorti en décembre 2016, sonne comme une réponse à cette exigence de diversité, et en particulier de diversité féminine, à l’écran. En racontant l’histoire de trois calculatrices noires de la NASA qui, dans l’Amérique encore ségréguée du début des années 60, ont participé au succès du programme spacial américain, Melfi fait œuvre de rééquilibrage historique salutaire. Rendre visible les femmes inconnues de l’histoire, tel est le programme qu’affiche le film dès le titre. Mais s’il le fait, c’est aussi en secouant les stéréotypes de genre : figures, ce sont les silhouettes, mais aussi les chiffres, pour une féminité réécrite en version têtes bien faites. Face à l’évidence de trois intelligences exceptionnelles – mathématique pour Katherine Colemean (Taraji P. Henson), ingénierique pour Mary Jackson (Janelle Monae), technique et organisationnelle pour Dorothy Vaughn (Octavia Spencer) – le film déroule l’abjection du racisme et du sexisme quotidiens, comme autant d’entraves à la réalisation de la puissance collective née de la conjugaison bien ordonnée des talents, au-delà des couleurs de peau, et des genres. C’est une nouvelle mythologie américaine qui s’écrit ici, dans un grand récit cinématographique comme Hollywood sait les faire, mais une mythologie qui se donne pour héroïnes ces femmes noires que l’histoire et le cinéma ne voulaient pas voir. Un grand bouleversement, dans une belle continuité, qui assura au film son succès mérité.

  • Titre : Hidden Figures
  • Réalisateur :Theodore Melfi
  • Date de sortie : 2016

Suggéré par Emmanuelle Delanoë-Brun, maître de conférences, littérature américaine, études visuelles, traduction littéraire