L’étude muticentrique « Strong-HF » conduite par le professeur Alexandre Mebazaa (UMR-S942 Inserm Univ Paris Cité), et Gad Cotter (Heart Initiative, USA) démontre, chez des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë, les bénéfices majeurs d’un suivi clinique étroit associé à l’optimisation du traitement de l’insuffisance cardiaque 3 à 6 mois après leur sortie de l’hôpital. Les résultats ont été publié dans The Lancet, le 7 Novembre 2022.

Des millions de personnes sont hospitalisées chaque année pour une insuffisance cardiaque aiguë (ICA) avec un risque élevé de ré-hospitalisation ou de décès dans les mois suivant la sortie. Malgré ce risque, de nombreux patients ne bénéficient pas à leur sortie d’un suivi strict et des doses optimales de la tri-thérapie (bêta-bloquants, inhibiteurs de la rénine-angiotensine et d’inhibiteurs de l’aldostérone) contrairement aux directives de l’«American Heart Association»  (AHA) et de  l’«European Society  of Cardiology» (ESC). Ainsi, le traitement optimal est administré à seulement 1% des patients insuffisants cardiaques aux Etats-Unis et, dans le monde, moins fréquemment aux femmes qu’aux hommes. L’objectif était de suivre les personnes hospitalisées pour insuffisance cardiaque (IC) aux plans clinique et biologique (dosage du NT-proBNP le biomarqueur de référence de l’ insuffisance cardiaque) afin déterminer si l’optimisation rapide du traitement per os de l’ insuffisance cardiaque est efficace.

L’étude multicentrique (90 sites dans le monde) a inclus 1 068 personnes hospitalisées pour ICA. Les participants ont été randomisés pour recevoir des soins habituels (SH) ou de haute intensité (HI), juste avant leur sortie de l’hôpital.

Les patients du groupe SH ont été traités, à la sortie, conformément aux normes médicales locales, avec un suivi et une prise en charge thérapeutique assurés par leur médecin généraliste et/ou cardiologue. Ces patients ont été revus par l’équipe hospitalière, 90 jours après la sortie de l’hôpital.

Les patients du groupe de soins HI ont reçu 50 % des doses maximales recommandées pour les 3 médicaments de l’IC avant la sortie de l’hôpital, puis 100 % de la dose, 2 semaines après la sortie. Par sécurité, une surveillance étroite de ces patients a été assurée par les équipes de l’étude au cours des 6 semaines. En commençant à l’hôpital, chez ces patients, le traitement de l’ICA avec 50% de la dose recommandée pour chacune des 3 classes de médicaments, l’équipe s’assurait de leur bonne tolérance et de la possibilité, sans risque majeur, d’augmenter les doses après leur sortie.

L’analyse intermédiaire réalisée après la période de suivi de 90 jours, et des données à 6 mois a révélé les bénéfices considérables de la stratégie H, parmi lesquels il faut citer dans le groupe HI (par comparaison au groupe SH) :

  • Moins de réadmissions pour IC ou un décès toutes causes confondues ;
  • Une amélioration notable des signes cliniques et biologiques ;
  • L’amélioration significative de la qualité de vie auto-déclarée des patients ;
  • Plus d’effets secondaires liés au traitement mais les événements indésirables graves étaient similaires dans les 2 groupes.

Face à ces résultats, le comité de surveillance des données et de la sécurité de l’étude a recommandé l’arrêt anticipé de l’essai, déclarant qu’il serait contraire à l’éthique de refuser le traitement intensif aux participants actuels et futurs à l’étude.

Le professeur A. Mebazaa souligne que les études précédentes de taille et de puissance raisonnables qui ne démontraient pas de bénéfices d’un suivi étroit des patients après un épisode d’ICA, n’incluaient pas d’optimisation des doses thérapeutiques. Sans augmenter rapidement les doses maximales tolérées des médicaments conformément aux directives, augmenter le nombre de visites de suivi est inefficace.

Cette étude devrait avoir un impact majeur sur la conduite thérapeutique à la sortie de l’hôpital après un épisode de décompensation cardiaque aigue. Si cette stratégie est adoptée au plan international, il devrait en résulter des bénéfices majeurs sur le devenir de ces patients.

Références

Safety, tolerability and efficacy of up-titration of guideline-directed medical therapies for acute heart failure (STRONG-HF): a multinational, open-label, randomised, trial

Alexandre Mebazaa, MD-PhD ; Beth Davison, PhD ; Ovidiu Chioncel, MD ; Prof Alain Cohen-Solal, MD-PhD ; Rafael Diaz, MD ; Gerasimos Filippatos, MD ; Marco Metra, MD ; Piotr Ponikowski, MD ; Karen Sliwa, MD ; Adriaan A Voors, MD ;Christopher Edwards, BS ; Maria Novosadova, MD ;Koji Takagi, MD ;Albertino Damasceno, MD ; Hadiza Saidu, MBBS ; Etienne Gayat, MD-PHD ; Peter S Pang, MD; Jelena Celutkiene, MD ; Gad Cotter, MD
DOI : https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)02076-1

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