Six mois après l’arrêt de la mission InSight, les équipes scientifiques continuent d’analyser les différents types de données enregistrées par l’atterrisseur et son sismomètre SEIS durant leurs quatre années d’activités à la surface de Mars. Grâce, notamment, aux données du plus gros séisme martien, de magnitude 4.7 et détecté le 4 mai 2022, plusieurs études affinent notre connaissance de la structure interne de Mars

Vue d’artiste du sismomètre SEIS de la mission InSight, déployé à la surface de la planète Mars

© IPGP – D. Ducros

Quatre nouveaux articles portés par des sismologues de l’Institut de physique du globe de Paris et d’Université Paris Cité, en collaboration avec des équipes de plusieurs laboratoires français et étrangers, détaillent ces résultats dans l’édition spéciale du journal « Geophysical Research Letter » de l’Association Américaine de Geophysique (AGU).

Trois de ces articles confirment la complexité de la croûte martienne. Les ondes de surface générées par le séisme 1222 ont mis en évidence une forte anisotropie, qui permet aux ondes ayant des mouvements de cisaillement horizontaux de se propager plus vite que celles ayant du cisaillement vertical. L’étude menée par Zongbo Xu et collaborateurs, montre que cette anisotropie provient a priori d’un empilement de couches dans la croute martienne, certaines pouvant correspondre à des coulées de lave et les autres associées à des dépôts de plus faibles vitesses sismiques. L’étude dirigée par Jing Shi et collaborateurs a, de son coté, mis en évidence la présence d’une couche de très faible vitesse sismique dans le premier kilomètre juste sous la station InSight, a priori liée à des matériaux très poreux et altérés. Enfin, Sabrina Ménina, Ludovic Margerin (IRAP) et Taichi Kawamura et leurs collaborateurs montrent que la diffraction des ondes sismiques sur Mars, qui a rendu parfois l’analyse des signaux sismiques très complexes, a lieu dans les 20 premiers kilomètres de la croûte. Cette complexité de la croûte, une sorte de millefeuilles craquelé, confirme aussi la complexité de l’histoire géologique de la planète !

Dans la quatrième publication, Philippe Lognonné, Martin Schimmel (Laboratoire de géoscience de Barcelone, Espagne), Eléonore Stutzmann et collaborateurs, ont identifié et utilisé les vibrations de la planète suite le séisme 1222. Les planètes (et mêmes les étoiles), peuvent en effet vibrer comme des instruments de musique et sont ainsi caractérisés par des modes propres. Chaque mode propre a une géométrie particulière et génère une vibration avec une fréquence pure, comme peuvent le faire les différentes cordes d’un piano. Les premières notes de Mars identifiées ont des fréquences débutant vers 3 millièmes de Hz, un son 10 000 fois plus grave que le do le plus grave d’un piano. Elles sont, sur Mars comme sur Terre, inaudibles mais peuvent être détectées par des sismomètres, devenant, pour les sismologues, de précieuses données permettant de remonter plus finement aux caractéristiques de la structure profonde de la planète.

Enfin, une cinquième étude, également publiée récemment, apporte de nouveaux éléments sur la composition du sable martien.Cette étude a été faite sur Mars par l’équipe SEIS lors de l’enfouissage du câble du sismomètre. En effet, pour réduire au maximum les perturbations extérieures, le câble reliant SEIS à l’atterrisseur avait été enfui sous quelques cm de sables grâce à la pelle du lander. En analysant les image prises lors de cette opération, Nicolas Verdier (CNES), Véronique Ansan (LPG) et leurs collègues ont observé que certains grains étaient transportés jusqu’à 2 mètres sous le vent, même s’ils tombaient de la pelle située à 50 centimètres au-dessus du sol, alors que d’autres tombaient bien plus près. Cette expérience de terrain, publiée dans le « Journal of Geophysical Research » leur a permis de déterminer la distribution des tailles des grains de sable Martiens.

Avec déjà plus de cents articles scientifiques publiés, la moisson scientifique d’InSight et de SEIS ratisse donc large, du noyau de la planète, à plus de 1600 km de profondeur jusqu’au dépôt éolien sur lequel SEIS a été déployé.

 

À propos d’InSight et de SEIS :

Le JPL gère la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et soutient l’exploitation de l’engin spatial pour la mission. Le CNES est le maître d’œuvre de SEIS et l’Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Cité/IPGP/CNRS) en assure la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante), les a testés avant leur livraison au CNES et contribue à l’opération des VBBs sur Mars.

Les opérations de SEIS et d’APSS sont menées par le CNES au sein du FOCSE-SISMOC, avec le soutien du Centro de Astrobiologia (Espagne). Les données de SEIS sont formatées et distribuées par le Mars SEIS Data Service de l’IPG Paris, dans le cadre du Service National d’Observation InSight auquel contribue également le LPG et, pour les activités Sismo à l’Ecole, GéoAzur. L’identification quotidienne des séismes est assurée par le Mars Quake Service d’InSight, un service opérationnel collaboratif mené par ETH Zurich auquel contribuent également des sismologues de l’IPG Paris, l’Université de Bristol (UK) et Imperial College London (UK).

Plusieurs autres laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Nantes Université/Le Mans Université/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/Ecole normale supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses sont soutenues par le CNES et l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet ANR MArs Geophysical InSight (MAGIS).

(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH, Zürich Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.

 

En savoir plus :

Bibliographie :

> Kawamura, T., Clinton, J. F., Zenhäusern, G., Ceylan, S., Horleston, A. C., Dahmen, N. L., et al. (2023). S1222a—The largest marsquake detected by InSight. Geophysical Research Letters, 50, e2022GL101543. https://doi.org/10.1029/2022GL101543

> Lognonné, P., Schimmel, M., Stutzmann, E., Davis, P., Drilleau, M., Sainton, G., et al. (2023). Detection of Mars normal modes from S1222a event and seismic hum. Geophysical Research Letters, 50, e2023GL103205. https://doi.org/10.1029/2023GL103205

> P. Lognonné, W.B. Banerdt, J. Clinton, R.F. Garcia, D. Giardini, B. Knapmeyer-Endrun, M. Panning, W.T. Pike, Mars Seismology,
Annual Review of Earth and Planetary Sciences 2023 51:1, 643-670, https://doi.org/10.1146/annurev-earth-031621-073318

> Menina, S., Margerin, L., Kawamura, T., Heller, G., Drilleau, M., Xu, Z., et al. (2023). Stratification of heterogeneity in the lithosphere of Mars from envelope modeling of event S1222a and near impacts: Interpretation and implications for Very-high-Frequency events. Geophysical Research Letters, 50, e2023GL103202. https://doi.org/10.1029/2023GL103202

> Shi, J., Plasman, M., Knapmeyer-Endrun, B., Xu, Z., Kawamura, T., Lognonné, P., et al. (2023). High-frequency receiver functions with event S1222a reveal a discontinuity in the Martian shallow crust. Geophysical Research Letters, 50, e2022GL101627. https://doi.org/10.1029/2022GL101627

> Verdier, N., V. Ansan, P. Delage, K. S. Ali, E. Beucler, C. Charalambous, E. Constant, A. Spiga, M. Golombek, E. Marteau, R. Lapeyre, E. Gaudin, C. Yana, K. Hurst, P. Lognonné, and B. W. Banerdt (2023). Using wind dispersion effects during the InSight tether burial activities to better constrain the regolith grain size distribution. Journal of Geophysical Research : Planets, 128, e2022JE007707. https://doi.org/10.1029/2022JE007707

> Xu, Z., Broquet, A., Fuji, N., Kawamura, T., Lognonné, P., Montagner, J.-P., et al. (2023). Investigation of Martian regional crustal structure near the dichotomy using S1222a surface-wave group velocities. Geophysical Research Letters, 50, e2023GL103136. https://doi.org/10.1029/2023GL103136

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