Le 22 août 2019, une fusée Soyouz s’est élancée du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, à destination de la Station Spatiale Internationale, avec à son bord un instrument scientifique unique en son genre : MINI-EUSO (Multiwavelength Imaging New Instrument for the Extreme Universe Space Observatory), dont la surface de détection a été développée au sein du laboratoire Astroparticules et Cosmologie de l’Université Paris Cité. Développé pour préparer la chasse aux rayons cosmiques de ultra haute énergie, cet imageur promet aussi de changer notre regard sur la planète bleue et les phénomènes lumineux de son atmosphère. 

Unique en son genre, l’instrument MINI-EUSO peut faire de l’astronomie depuis l’espace en regardant… vers le sol ! Grâce à son optique de Fresnel développée au Japon, il peut détecter des traînées lumineuses dans un vaste champ de vue de 40° d’ouverture, à raison de 400 000 images par seconde, avec une sensibilité au photon unique (dans le violet et UV proche).

Mini-EUSO (Multiwavelength Imaging New Instrument for the Extreme Universe Space Observatory) marque une nouvelle étape dans le développement du programme « JEM-EUSO » (Observatoire Spatiale de l’Univers Extrême) auquel collaborent plusieurs équipes françaises, et destiné à porter dans l’espace l’étude des particules les plus énergétiques de l’univers : les « rayons cosmiques d’ultra-haute énergie ». Avec des énergies littéralement macroscopiques, pouvant atteindre celle d’une balle de tennis à 150 km/h, ces particules qui semblent être de simples noyaux d’atomes accélérés par un mécanisme encore à élucider, ont voyagé pendant des dizaines de millions d’années depuis des sources inconnues situées dans d’autres galaxies que la nôtre, avant de finir leur course en provoquant une gigantesque cascade de particules (appelées « gerbes ») dans l’atmosphère terrestre ! C’est la lumière de fluorescence générée dans l’ultra-violet par la désexcitation des molécules d’azote de l’air, elles-mêmes excitées par le passage de ces milliards de particules secondaires, qui permet aux chercheurs d’identifier ces particules, et de déterminer leur énergie et leur direction d’arrivée.

Observer les rayons cosmiques depuis l’espace

C’est donc bel et bien en regardant la Terre depuis l’espace que les scientifiques entendent ouvrir une nouvelle voie d’étude pour l’astronomie des rayons cosmiques. Avec à la clé une capacité de détection considérablement accrue ! Car si ces particules intriguent les astrophysiciens depuis leur découverte il y a plusieurs décennies, leur étude demeure particulièrement difficile, en raison de leur extrême rareté : à peine une particule par mètre carré par milliard d’année, pour les plus énergétiques d’entre elles ! En plaçant un instrument en orbite, il devrait être possible de couvrir un volume d’atmosphère sans précédent, à l’affût de ces gerbes cosmiques si précieuses pour l’astrophysique des hautes énergies et la physique des astroparticules. 

Une fois qu’il aura rejoint l’intérieur de l’ISS, Mini-EUSO, qui résulte d’un partenariat entre les agences spatiales russe (RosCosmos) et italienne (ASI), sera placé périodiquement par les astronautes face au hublot de quartz du module russe Zvezda de la station, en direction de l’atmosphère.

Une carte de la Terre des émissions UV nocturnes

 

Avec cet instrument capable de détecter des photons uniques dans un champ de vue de 40° à raison de 400 000 images par seconde, la collaboration internationale JEM-EUSO, regroupant 300 chercheurs de 16 pays distribués sur 4 continents, franchit une nouvelle étape dans le développement de sa stratégie d’observation. Et si Mini-EUSO n’a pas encore la dimension requise pour observer directement les rayons cosmiques d’ultra-haute énergie, en raison d’une surface de collection de la lumière réduite par rapport à la mission finale visée, il permettra non seulement de valider en conditions réelles toutes les technologies développées jusqu’à présent, mais encore de mettre en œuvre un programme d’observation copieux. il permettra notamment de réaliser pour la première fois une carte de l’émission ultra-violette nocturne de la Terre, avec d’éventuelles surprises à la clé, ainsi qu’un grand nombre d’objectifs scientifiques pluridisciplinaires, allant de l’observation de météores à l’étude de variations de la bioluminescence du plancton ou des algues, en passant par la recherche de particules exotiques de type « strangelets » (états nouveaux de la matière), l’observation de phénomènes énergétiques dans la haute atmosphère, ou encore la localisation de débris spatiaux.

Plusieurs équipes françaises ont participé très activement à l’aventure : l’APC (Université Paris Cité, CNRS/IN2P3, CEA, Observatoire de Paris), l’IRAP (Université Paul Sabatier de Toulouse, CNRS/INSU), le LAL (Université Paris Sud, CNRS/IN2P3) et OMEGA (UMS CNRS/IN2P3), avec le soutien de la première heure du Centre National d’Étude Spatiales (CNES), ainsi que du CNRS (IN2P3/INSU). 

En attendant la prochaine étape, en 2022, avec la mission EUSO-SPB2 sous un ballon stratosphérique de la NASA, la toute dernière avant la mission majeure dans l’espace visée par la collaboration internationale, les équipes se tiennent désormais prêtes à exploiter la moisson de résultats attendus de l’ISS !

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