Comme Shakespeare outre-Manche, le volume et la qualité des œuvres de Molière lui ont attiré quelques soupçons de malversations littéraires. Ainsi Pierre Louÿs, en 1919, émet-il l’hypothèse : Molière aurait été un prête-nom pour Pierre Corneille, notamment pour Amphitryon (1668). Depuis, la théorie a trouvé ses adeptes, mais deux chercheurs du Laboratoire Interdisciplinaire des Énergies de Demain (CNRS/Université de Paris) et de l’École nationale des chartes (Université PSL) affirment pouvoir lui régler son compte.

Molière vers 1658
Comment un comédien, présumé sans grande éducation littéraire, à la fois valet de chambre du roi et directeur de troupe de théâtre, aurait-il pu écrire tant de chefs-d’œuvre ? La question, de nombreux chercheurs en littérature et spécialistes de l’art dramatique l’ont posée au cours du siècle passé. Depuis les théories de Pierre Louÿs en 1919, qui avait remarqué des versifications proches de celles de Corneille dans Amphitryon, le débat faisait rage.
Un acteur incapable d’écrire ?
En 2000, des travaux en linguistique avaient même soutenu que le vocabulaire des pièces de Corneille et Molière était trop semblable pour qu’elles aient été écrites par deux auteurs différents : le second n’aurait été qu’acteur principal des nombreuses pièces qu’on lui attribue, à tort, donc.
Les recherches de Cyril et Dominique Labbé, enseignants chercheurs à l’Université de Grenoble, publiées en 2001, avaient alors relancé le débat autour de la paternité des œuvres de Molière, leurs résultats mettant en avant la main et le style de Corneille sur la quasi-totalité des pièces célèbres du répertoire du dramaturge. La statistique lexicale semblait avoir eu raison du mystère.
Des années plus tard, les résultats sont contestés par les recherches de Florian Cafiero et Jean-Baptiste Camps, publiées ce 27 novembre dans la revue Science Advance sous le titre « Why Molière most likely did write his plays » (« Pourquoi Molière a sans doute écrit ses pièces »).
Les chiffres au secours des lettres
Pour parvenir à cette conclusion, les deux chercheurs ont utilisé « des techniques dites d’“attribution d’autorité”, qui reposent sur l’analyse statistique des habitudes d’écriture et des tics de langage nichés dans un texte pour en déduire son auteur ». En somme, ils ont étudié les traces quasi inconscientes du style d’un auteur précis.
Pour Henry VIII, Shakespeare aurait reçu un peu d’aide…
Pendant trois ans, les chercheurs ont utilisé cette technique de pointe « pour comparer le vocabulaire, la grammaire, les rimes et les mots-outils de trente-sept comédies en vers de Molière et de Pierre Corneille, mais aussi de [Paul] Scarron, [Jean de] Rotrou et Thomas Corneille ». Le résultat est sans appel : les pièces de Molière possèdent toutes des caractéristiques communes, totalement absentes des œuvres des autres auteurs étudiés.
Les moliéristes seront heureux de trouver un nouvel argument en leur faveur dans ce grand débat littéraire dont l’intelligence artificielle elle-même pourrait un jour se mêler…
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