Une récente étude conduite par 4 enseignants-chercheurs et dirigée par le Professeur Emmanuel Ferragne au Centre de Linguistique Inter-langues, de Lexicologie, de Linguistique Anglaise et de Corpus-Atelier de Recherche sur la Parole (CLILLAC-ARP) d’université Paris Cité, s’est intéressée aux deux accents, britannique et américain, qui servent de référence dans l’enseignement de l’anglais à l’Université. Travaillant sur une cohorte de 307 étudiants en études anglophones, les chercheurs ont analysé quel accent, britannique ou américain, ces étudiants utilisent. Cette étude, qui mêle l’écoute classique à des méthodes automatiques issues de l’intelligence artificielle, constitue la première étude à grande échelle de l’accent des étudiants d’anglais en France.

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Pendant des années, les recherches en linguistique anglaise se posaient souvent la même question :  quel accent, britannique ou américain, est utilisé par les étudiants qui apprennent l’anglais. Pour autant, à aucun moment ces étudiants n’étaient enregistrés pour savoir quel accent, ils utilisaient effectivement en parlant.

Grâce au projet SEPALE, porté par le Pr Emmanuel Ferragne, au CLILLAC-ARP, projet lauréat de l’AAP Innovations pédagogiques, hybridation des formations et pédagogies innovantes d’université Paris Cité, l’équipe de recherche a pu développer des entraînements intensifs permettant d’améliorer, d’une part la perception de certaines distinctions phonologiques de l’anglais, et d’autre part la capacité des apprenants à mieux prononcer ces distinctions. Pour conduire leur étude, les chercheurs ont constitué la plus grande cohorte d’étudiants jamais engagée dans une telle recherche, comprenant 307 étudiants de l’UFR d’Etudes Anglophones d’Université Paris Cité.

Les chercheurs ont donc commencé par élaborer des phrases comportant des mots ou expressions dont les traits phonologiques sont typiques soit de l’accent britannique soit de l’accent américain. Par exemple, dans le mot water en anglais américain, le /t/ se prononce un peu comme un /d/ aux oreilles des francophones (techniquement on parle de « battue » ou de « /t/ tapé »), et le /r/ final se prononce également. En anglais britannique standard en revanche, le /t/ de water est semblable au /t/ français, et on ne prononce pas le /r/. Ils ont ensuite enregistré les 307 étudiants, très majoritairement des locuteurs natifs du français, afin de déterminer s’ils avaient un accent plutôt britannique ou américain.

4 enseignants ont alors analysé ces enregistrements en s’appuyant sur trois méthodes : l’écoute des énoncés, la reconnaissance automatique de la parole et l’identification automatique des accents.

Ils ont commencé par écouter les énoncés enregistrés puis ont évalué la proximité de leur prononciation avec celle attendue chez des anglophones natifs. Ils ont commencé par écouter les énoncés enregistrés afin de déterminer si la version britannique ou américaine de chaque trait phonologique avait été prononcée, puis ont évalué la proximité de cette prononciation avec celle attendue chez des anglophones natifs. Les mesures de cohérence entre évaluateurs, globalement excellentes, ont néanmoins fait apparaître des divergences qui, maintenant qu’elles sont identifiées, permettront aux auteurs la mise en place de protocoles d’évaluation plus fiables.

Les algorithmes de reconnaissance automatique de la parole ont permis de détecter les approximations phonétiques des étudiants : par exemple, quand le système automatique transcrit gress alors que le mot à lire était grass. Cette erreur permet parfois d’inférer l’accent utilisé par l’étudiant. Les jugements de proximité avec une prononciation anglophone native prédisent en partie les erreurs de reconnaissance automatique : les étudiants dont l’accent est jugé comme très différent de celui d’anglophones natifs obtiennent les taux d’erreurs de reconnaissance automatique les plus élevés.

Concernant les résultats des travaux sur l’analyse des accents, l’analyse auditive fait apparaître un biais en faveur de l’accent américain : les locuteurs avec une prononciation américaine sont jugés par les enseignants comme plus proches d’anglophones natifs que ceux avec l’accent britannique.

L’analyse par des logiciels de reconnaissance des accents montre qu’un tiers des étudiants ont une prononciation plutôt britannique alors que deux tiers penchent vers l’accent américain. Cette analyse fait aussi apparaître qu’environ 93% des étudiants combinent des traits de prononciation provenant des deux accents. L’identification automatique de l’accent vient appuyer les résultats obtenus par l’analyse auditive menée par les quatre enseignants.

Pour la suite, maintenant que les méthodes automatiques employées ont été validées par l’écoute d’enseignants spécialistes de l’anglais dans cet article, il conviendra, d’une part, de tester en pratique si elles permettent une évaluation plus cohérente et/ou moins chronophage dans un contexte réaliste de cours de langues et, d’autre part, de mieux cerner les facteurs linguistiques (meilleure proximité phonétique du français avec un des deux accents ?) ou contextuels (prépondérance de l’accent américain dans les médias et fictions consommées par les étudiants ?) qui engendrent les préférences constatées dans l’article.

Références

Exploring the Accent Mix Perceptually and Automatically: French Learners of English and the RP–GA Divide – Ferragne Emmanuel, Anne Guyot Talbot, Hannah King, and Sylvain Navarro

DOI : https://doi.org/10.3390/languages9020050

 

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