La rétinopathie diabétique est la première cause de cécité chez les patients diabétiques jeunes dans les pays industrialisés. Plusieurs traitements existent qui permettent, le plus souvent, de retarder ou de limiter seulement les complications oculaires liées au diabète. L’équipe de recherche Physiologie et thérapeutique des maladies rétiniennes au Centre de recherche des Cordeliers, dirigée par le Professeur Francine Behar-Cohen, a récemment démontré l’efficacité de la spironolactone pour lutter simultanément contre plusieurs de ces complications et même inverser certains mécanismes délétères pour l’œil.
À gauche : Rétine humaine normale avec marquage en rouge des cellules gliales
À droite : Rétine humaine d’un patient diabétique
© Pr F. Béhar-Cohen
Le diabète est une maladie grave qui atteindra 642 millions de personnes d’ici 2040. Elle peut conduire assez rapidement à des aggravations délétères pour l’œil, voire à une cécité totale, même chez des patients jeunes. L’une de ces complications altère la rétine et entraîne une perte progressive de la vision, c’est la rétinopathie diabétique. Complication grave du diabète, elle touche 50% des patients diabétiques de type 1 et 30% des patients diabétiques de type 2 après 10 ans. Elle est la première cause de cécité avant l’âge de 60 ans.
Mécanismes de perte de la vision chez les patients diabétiques
Chez les patients diabétiques, plusieurs mécanismes peuvent conduire à la perte de la vision dont la formation d’un œdème au niveau de la macula, la perte de cellules neuronales ou encore l’obstruction des petits vaisseaux qui irriguent la rétine.
Cause la plus fréquente, l’œdème au niveau de la macula correspond à un gonflement de la zone centrale (quelques mm2) de la rétine. Les patients ressentent assez rapidement les effets de cette complication avec une vision qui devient floue.
Une deuxième source de complication est plus directement liée au taux anormalement élevé de sucre dans le sang. En effet, ce dernier altère les cellules neuronales qui conduisent, sous forme d’influx nerveux, le signal lumineux de l’œil jusqu’au cerveau qui reconstitue l’image. Cette altération, pouvant aller jusqu’à la perte de cellules neuronales, induit donc, elle aussi, une perte de la vision.
Enfin, et comme cela se constate au niveau de beaucoup d’organes dans le cas du diabète, les petits vaisseaux sanguins se bouchent au fil du temps causant une souffrance à l’organe qui est alors mal oxygéné. Lorsque ceci se produit dans les vaisseaux sanguins au niveau de la rétine, cette dernière réagit pour sa sauvegarde et déclenche la production d’un facteur de croissance, le VEGF (Vascular endothelial growth factor). Il s’agit d’une protéine dont le rôle dans l’organisme est de déclencher la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (angiogenèse), ce qui est nécessaire pour accompagner la croissance des tissus et le développement des organes du corps humain. Cette création de nouveaux vaisseaux sanguins devrait permettre d’irriguer à nouveau correctement la rétine mais malheureusement, chez les patients diabétiques atteints de rétinopathie, ce mécanisme de défense ne fonctionne pas. Non seulement le VEGF ne crée pas de nouveaux vaisseaux sanguins mais de surcroît, il favorise la création d’œdème au niveau de la rétine en augmentant la perméabilité des vaisseaux sanguins.
Des solutions aujourd’hui et demain
Aujourd’hui Il existe des traitements pour lutter contre ces différentes causes de cécité notamment des traitements laser qui permettent de détruire les zones mal vascularisées de la rétine pour empêcher les complications plus graves mais qui implique de facto une perte du champ visuel pour le patient. Pour traiter l’œdème, le traitement consiste quant à lui, en l’injection mensuelle dans l’œil, d’une molécule anti-VEGF pour contrer la réaction de la rétine mal oxygénée. Ce traitement, relativement lourd et qui ne fonctionne pas chez tous les patients, ne résout pas non plus le problème de la perte des cellules neuronales.
Grave complication, la perte de la vision chez les patients diabétiques devient à son tour une source d’aggravation de leur maladie. Malvoyants, les patients ont de plus en plus de difficulté à utiliser correctement les outils de contrôle de leur glycémie, or la stabilisation du diabète par une bonne gestion et régulation de la glycémie, reste la base du traitement.
L’équipe du professeur F. Behar-Cohen a donc cherché à explorer des pistes thérapeutiques nouvelles et complémentaires pour lutter contre ces complications. En s’intéressant à des médicaments utilisés depuis longtemps pour traiter l’insuffisance cardiaque, les chercheurs ont démontré l’efficacité de certaines molécules dont la spironolactone, pour éviter les complications rénales du diabète. Ils ont également démontré que cette molécule est efficace contre les complications oculaires du diabète notamment en agissant contre l’œdème, selon un mécanisme différent de celui en jeu avec le facteur de croissance VEGF.
L’équipe travaille aujourd’hui sur des traitements à libération contrôlée et prolongée, à base de spironolactone, injectés directement dans l’œil tous les 3 ou 6 mois, ce qui limite les traitements par voire générale et espace les injections dans le temps. Traitement complémentaire à ceux impliquant le facteur VEGF, ce traitement prometteur permettrait aussi de préserver les cellules neuronales et plus globalement de diminuer l’inflammation délétère dans la rétine.
Référence
Mineralocorticoid Receptor Pathway and Its Antagonism in a Model of Diabetic Retinopathy – Min Zhao1, Emmanuelle Gelize1, Rinath Levy1, Alexandre Moulin2, Frédéric Azan3, Marianne Berdugo1, Marie-Christine Naud1, Justine Guegan4, Kimberley Delaunay1, Eric Pussard5, Patricia Lassiaz1, Irene Bravo-Osuna6, Rocio Herrero-Vanrell6 and Francine Behar-Cohen1,3
Diabetes 2021 Nov; 70(11): 2668-2682.
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