Un modèle numérique de formation, à faible vitesse, des satellites des systèmes d’astéroïdes binaires, publié le 17 novembre dans la revue Icarus, par une équipe de l’IPGP et d’Université Paris Cité, et proposant l’existence de satellite « binaire de contact » vient d’être validé par les observation de survol de l’astéroïde binaire Dinkinesh par la mission Lucy de la NASA.

L’astéroïde Dinkinesh et son satellite (en forme de « binaire de contact »), photographiés par la mission Lucy de la NASA le 1er novembre 2023. Il s’agit de la première observation d’un satellite « binaire de contact » orbitant autour d’un astéroïde.

© NASA/Goddard/SwRI/Johns Hopkins APL

Une fraction significative des astéroïdes de notre Système solaire sont des objets binaires, c’est à dire qu’ils sont composés d’un corps principal et d’un satellite en orbite autour de cet astéroïde principal. Le couple Ida (corps principal) et Dactyl (satellite) avait par exemple été photographié dès 1994 par la sonde Galileo et la formation de ce type d’objets était généralement expliquée par des collisions entre astéroïdes.

Ces dernières années, de nouvelles observations ont révélé une nouvelle catégorie d’astéroïdes binaires, dont le corps principal a une forme de diamant, avec une grosse protubérance équatoriale. Pour ces systèmes, les modèles actuels expliquent la morphologie des satellites compagnons prolate (en forme de ballon de rugby) par une éjection rapide ou instantanée des débris de l’astéroïde principal menant à la formation rapide du satellite.

Cependant, l’observation à faible distance par la mission DART de la NASA en 2022, du couple Didymos (corps principal) et Dimorphos (satellite) (qui sera également, en 2026, la cible de la mission Hera portée par l’ESA sous la responsabilité scientifique de chercheurs du CNRS et de l’OCA), montre que le satellite du système ne présente pas la morphologie prolate attendue.

Deux chercheurs de l’IPGP et d’Université Paris Cité ont mené une série d’expériences numériques pour proposer un mécanisme de formation de ce système d’astéroïdes, inspiré d’un modèle précédemment proposé pour la formation des satellites de Saturne.

 

Dans un article publié le 17 novembre dans la revue Icarus, les deux chercheurs suggèrent que le satellite puisse aussi se former à partir d’un anneau de débris éjecté cette fois à faible vitesse par le corps principal. Ils proposent que si la perte de matériau se produit sur une période plus longue (de l’ordre de quelques années), un nouveau régime de formation des satellites émerge – le « régime pyramidal » – dans lequel les satellites se forment par des collisions à basse vitesse d’objets de taille similaire, le résultat final pouvant être la formation d’un satellite « binaire de contact », si deux proto-satellites restent collés ensemble, ou d’un satellite oblate (en forme de sphère aplatie) si deux proto-satellites fusionnent.

Cette dernière morphologie oblate correspond à la forme observée pour le couple d’astéroïdes Didymos/Dimorphos alors que la morphologie en binaire de contact était jusqu’ici purement théorique.

Mais cette morphologie vient d’être validée de façon opportune par la mission Lucy de la NASA, le 1er novembre dernier, lors du premier survol de l’astéroïde Dinkinesh. Cette première observation a d’abord permis de découvrir que Dinkinesh était, en fait, un astéroïde binaire. Et de manière encore plus étonnante, les images ont également révélé que son satellite présente une morphologie en « binaire de contact » conformément à celle prévue par l’équipe de l’IPGP.

Cette observation, première historique pour un satellite binaire de contact, pourrait ainsi indiquer que le satellite de Dinkinesh s’est formé sur des échelles de temps de plusieurs années, à partir de la masse progressivement perdue par le corps principal.

 

Référence :

> Revisiting Dimorphos formation: A pyramidal regime perspective and application to Dinkinesh’s satellite, Gustavo Madeira, Sebastien Charnoz, Icarus, Vol. 409, 2024.
DOI : 10.1016/j.icarus.2023.115871

À lire aussi

Kristel Chanard reçoit la médaille de bronze du CNRS

Kristel Chanard reçoit la médaille de bronze du CNRS

Kristel Chanard, géophysicienne de l’IGN dans l’équipe de géodésie de l’IPGP, est médaillée de bronze 2024 du CNRS. La médaille de bronze récompense les premiers travaux consacrant des chercheurs et des chercheuses spécialistes de leur domaine. Cette distinction...

lire plus