Le système nerveux entérique, aussi appelé « second cerveau », se révèle bien plus résistant que le premier, logé dans notre tête. C’est ce que démontre une équipe de recherche réunissant plusieurs institutions françaises, dont l’Université Paris Cité. Résultats publiés dans la revue Biophysical Journal (juin 2025).

 

L’intestin est le seul organe de notre corps doté d’une innervation quasi-autonome, le système nerveux entérique, appelé communément le « second cerveau ». Le cerveau et la moelle épinière sont des tissus intrinsèquement mous, mis à l’abri des chocs mécaniques par le crâne et la colonne vertébrale. À l’inverse, le système nerveux entérique est intégré dans une matrice élastique qui subit de grandes déformations sous l’effet de la pression du bol alimentaire et des ondes contractiles de l’intestin.

Comment ce « second cerveau » résiste-t-il à de telles contraintes mécaniques ? C’est la question à laquelle répondent aujourd’hui des chercheurs du laboratoire Matière Systèmes Complexes (MSC – Université Paris Cité/CNRS), de l’Institut Jacques Monod (Université Paris Cité/CNRS), de l’Institut Cochin (INSERM/Université Paris Cité/CNRS) et de l’Institut Jean-Pierre Bourgin (INRAE/AgroParisTech/Université Paris-Saclay), dans un article publié dans la revue Biophysical Journal.

Une élasticité dix fois supérieure à celle du cerveau

Le système nerveux entérique se présente sous la forme d’un réseau de cellules nerveuses et gliales, dont les corps forment les nœuds, et les faisceaux d’axones les connexions. L’ensemble du réseau est logé entre deux couches musculaires de la paroi intestinale.

Dans un premier temps, les scientifiques ont isolé les couches musculaires de l’intestin contenant le réseau nerveux entérique, avant de cartographier leur élasticité à l’échelle micrométrique à l’aide d’un microscope à force atomique. Résultat : le tissu nerveux entérique présente une élasticité d’environ 3 à 4 kilopascals, soit dix fois plus que celle du cerveau.

« Ayant beaucoup utilisé le microscope à force atomique durant ma thèse de doctorat, et travaillant depuis 10 ans sur le système nerveux entérique, je ne pouvais pas ne pas faire cette mesure », commente Nicolas Chevalier, chargé de recherche CNRS au laboratoire MSC et premier auteur de l’étude.

L’origine structurale d’une résistance unique

Pour comprendre l’origine de cette résistance, les chercheurs ont eu recours à une technique d’imagerie photonique appelée génération de seconde harmonique. Celle-ci a révélé la présence d’un cocon de fibres de collagène entourant l’ensemble du réseau de nerfs, et qui pourrait être la cause de cette tenue mécanique unique.

Les chercheurs envisagent désormais que les cellules gliales malléables puissent jouer un rôle dans le fluage du ganglion, pour prévenir la rupture des connexions synaptiques lors d’une déformation rapide.

Référence

The enteric nervous system is 10 times stiffer than the brain
Nicolas R. Chevalier, Alexis Peaucelle, Thomas Guilbert, Pierre Bourdoncle, Wang Xi
Biophysical Journal, 2025 | DOI : 10.1016/j.bpj.2025.05.010

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