Les personnes vivant avec le VIH doivent prendre un traitement antirétroviral à vie pour empêcher la multiplication du virus dans l’organisme. Cependant, certaines personnes qualifiées de « contrôleurs post-traitement » ont pu interrompre leur traitement tout en maintenant une charge virale indétectable durant de nombreuses années. La mise en place d’un traitement précoce pourrait favoriser ce contrôle du virus sur le long terme après l’arrêt du traitement.

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Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CEA, de l’Inserm, de l’Université Paris Cité et de l’Université Paris-Saclay, en collaboration avec l’Institut Cochin[1], et avec le soutien de MSD Avenir et l’ANRS MIE, ont identifié, à l’aide d’un modèle animal, une fenêtre d’opportunité pour mettre en place un traitement qui favorise la rémission de l’infection par le VIH : initier le traitement à quatre semaines après l’infection permettrait de contrôler le virus sur le long terme suite à l’arrêt d’un traitement antirétroviral suivi pendant deux ans. Ces résultats renforcent l’intérêt du dépistage précoce et de la prise en charge le plus tôt possible des personnes avec VIH.

L’étude de la cohorte VISCONTI, composée de trente sujets dits « contrôleurs post-traitement », a apporté la preuve du concept d’un état de rémission possible et durable des personnes vivant avec le VIH. Ces personnes ont bénéficié d’un traitement précoce, maintenu pendant plusieurs années. Puis, à l’interruption de leur traitement antirétroviral, elles ont été capables de contrôler leur virémie pendant une période dépassant dans certains cas les 20 ans. L’équipe de l’étude VISCONTI avait suggéré à l’époque (en 2013) que commencer un traitement précocement pourrait favoriser ce contrôle du virus, mais cela restait à démontrer.

Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont utilisé un modèle primate d’infection par le SIV1 afin de pouvoir maîtriser tous les paramètres (sexe, âge, génétique, souche du virus, etc.) susceptibles d’impacter le développement des réponses immunitaires et la progression vers la maladie. Ils ont donc comparé les individus qui ont reçu deux ans de traitement, soit peu de temps après l’infection (en phase aiguë), soit plusieurs mois après l’infection (en phase chronique), soit qui n’ont pas été traités.

Les résultats, reproductibles, montrent que le traitement précoce mis en place dans les quatre semaines qui suivent l’infection (comme ce fut le cas pour la plupart des participants à l’étude VISCONTI) favorise très fortement le contrôle viral après interruption du traitement. On constate que cet effet protecteur est perdu si le traitement est démarré à peine cinq mois plus tard. « Nous montrons l’association entre le traitement précoce et le contrôle de l’infection après interruption du traitement et notre étude indique l’existence d’une fenêtre d’opportunité pour favoriser la rémission de l’infection par le VIH », commente Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, et co-auteur principal de l’étude.

Par ailleurs, les scientifiques montrent que le traitement précoce favorise la mise en place d’une réponse immune efficace contre le virus. Les cellules immunitaires T CD8 antivirales développées dans les premières semaines de l’infection ont certes un potentiel antiviral très limité. Cependant, la mise en place d’un traitement précoce et prolongé, favorise le développement des cellules T CD8 mémoire qui ont une capacité antivirale plus importante et sont ainsi capables de contrôler efficacement le rebond viral qui apparait après interruption du traitement. « On constate que le traitement précoce maintenu pendant deux ans optimise le développement des cellules immunitaires. Elles acquièrent une mémoire efficace contre le virus, pour l’éliminer naturellement lors du rebond viral après arrêt du traitement, » explique Asier Sáez-Cirión.

Ces résultats confirment l’intérêt du dépistage précoce et de la prise en charge le plus tôt possible des personnes avec VIH. « Un début de traitement six mois après l’infection, délai qui montre une perte d’efficacité dans notre étude, est déjà considéré comme très court par rapport à ce qui se passe en clinique actuellement, où la plupart des personnes avec VIH démarrent leur traitement des années après l’infection à cause du dépistage trop tardif, » constate Roger Le Grand, directeur de l’infrastructure IDMIT et co-auteur principal de l’étude. « L’effet du traitement précoce sera double : au niveau individuel, car le traitement précoce empêche la diversification du virus au sein de l’organisme et préserve et optimise les réponses immunitaires contre le virus ; et au niveau collectif, car il évite la possibilité de transmettre le virus à d’autres personnes », ajoute Asier Sáez-Cirión.

Enfin, ces résultats devraient guider le développement de nouvelles immunothérapies visant les cellules immunitaires impliquées dans la rémission de l’infection par le VIH.

Il s’agit des résultats princeps de l’étude p-VISCONTI démarrée en 2015 en collaboration avec les institutions citées plus haut et qui a reçu un financement de MSD Avenir et le soutien de l’ANRS MIE dans le cadre du consortium RHIVIERA.

 

 

1 SIV : le virus d’immunodéficience simienne touche exclusivement les primates non humains et récapitule chez l’animal les paramètres principaux de l’infection de l’humain par le VIH.

 

Références

Early antiretroviral therapy favors post-treatment SIV control associated with the expansion of enhanced memory CD8+ T-cells, Nature Communications, 11 Janvier 2024

 

 
 
 
 
[1] L’Institut Cochin est un centre de recherche biomédicale rattaché à l’Inserm, au CNRS et à Université Paris Cité.

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