Quand :
2 décembre 2021 @ 16 h 00 min – 20 h 00 min
2021-12-02T16:00:00+01:00
2021-12-02T20:00:00+01:00
Où :
A suivre simultanément en présentiel et en distanciel
Coût :
Gratuit
Contact :
Serena BINDI
La mort, la perte et le deuil : perspectives anthropologiques @ A suivre simultanément en présentiel et en distanciel

Deuxième saison du séminaire de recherche en anthropologie « La mort, la perte et le deuil : perspectives anthropologiques », associé au programme ANR PHANTASIES et lauréat de l’appel à projet Dynamique en recherche lancé par l’université dans le cadre de l’IdEx.

Si les pratiques funéraires et les conceptions socioculturelles de la mort ont été un thème de recherche central pour l’anthropologie, beaucoup moins d’attention a été consacrée par les anthropologues aux manières dont les vivants réagissent à la perte d’un proche. Néanmoins une réflexion sur ce thème semble d’autant plus importante que, à l’heure actuelle, le monde occidental, entre autres, est traversé par de vifs débats scientifiques et de société sur les façons de faire face à l’expérience de la mort d’un être cher. Des troubles mentaux liés au deuil ont été récemment inclus dans les deux manuels internationaux de diagnostic psychiatrique, aboutissement historique, selon certains, d’une tendance à médicaliser l’expérience de la perte et à normaliser son déroulement. Mais si cette expérience de la perte est bien universelle, est-il possible de définir de façon absolue comment elle est ou devrait être vécue ? La notion même du « deuil » revêt-elle un sens dans tout contexte social ? Et si des réactions somatiques et émotionnelles spécifiques sont souvent considérées comme allant de pair avec l’expérience de la perte, comment la gestion de ces états du corps et de la sensibilité varie-t-elle selon les sociétés ? Et qu’advient-il quand se rencontrent au sein d’une même société des modes de gestion divergents, voire conflictuels de la perte ? Que ce soit dans le cadre de situations de contact entre cultures ; ou parce que diverses institutions (thérapeutiques, religieuses, politiques…) façonnent différemment au sein d’un même milieu humain l’appréhension, la perception et le vécu de l’expérience de la perte et des « symptômes » qui l’accompagnent.

Les séances de ce séminaire aborderont ces questions à partir de contributions anthropologiques, théoriques et empiriques, portant tant sur l’Europe que sur d’autres régions du monde. Cela permettra d’interroger les prémisses épistémologiques sur lesquelles une anthropologie de la perte et du deuil pourrait être construite et les types d’apports théoriques que nous pouvons attendre et qui ont déjà été apportés par la discipline ; cela permettra aussi de réfléchir aux possibilités méthodologiques spécifiques utilisables ethnographiquement pour produire des données sur le sujet. Mais nous ne nous confinerons pas à la discipline anthropologique. Les séances accueilleront régulièrement des chercheurs adoptant d’autres démarches, philosophiques, psychanalytiques, filmiques, littéraires, artistiques. Ce faisant, le séminaire a pour espoir de pouvoir construire un espace propice à une réflexion ouverte et collective autour de la complexité et des dimensions multiples de l’expérience de la perte, ainsi que des différentes façons de la vivre, de lui donner une forme et de la communiquer. En 2021-22, des nombreuses interventions porterons sur la région Himalayenne (Inde et Népal), terrain ethnographique du programme de recherche ANR Phantasies auquel est associé ce séminaire.

Ce séminaire de recherche est animé par Serena Bindi (Université Paris Cité, Centre d’Anthropologie Culturelle CANTHEL) et Aidan Seale-Feldman (University of Notre Dame)

PROGRAMME 2021-2022

2 décembre, 16h-20h

Mourning in the World: Island Experiences of Loss, Home, and Place (16h-18h) – Devin FLAHERTY (Assistant Professor, Department of Anthropology, University of Texas- San Antonio)

This talk traces the experiences of two women, each of whom lost a parent at the end of life on the island of St. Croix, U.S. Virgin Islands. One an island native who had been long absent, another a “continental” whose home supposedly lay elsewhere, I follow these women in the weeks after their loss to illuminate two alternate, but resonant, experiences of mourning in this small island place. I engage a phenomenological perspective to interrogate how loss, home, movement, isolation, time and place intertwined in the mourning experiences of these two women. Finally, I offer reflections on what these experiences might show us about mourning as world-changing and geographically attuned. 

Rites funéraires ‘pour les vivants’, rites de levée de deuil ‘pour les morts’, exorcismes et bouc-émissaires : les traitements de l’infortune et de l’adversité par les populations bouddhistes du Népal (18h-20h) – Brigitte STEINMANN (Professeure émérite, Anthropologie sociale, Université de Lille, CLERSE; Centre d’Etudes Himalayennes)

Le couple « Eros et Thanatos », qu’on veuille le caractériser par l’opposition de la vie et de la mort, l’association des pulsions sexuelles aux pulsions de mort, ou encore de l’amour et du plaisir charnel en tant qu’opposés à la cadavérisation et la putréfaction, continue de traverser l’espace et le temps en Europe occidentale. Pour l’Asie orientale, en particulier le Népal, je me réfère en premier lieu aux traditions indiennes qui représentent le phallus du dieu Śiva érigé au dessus de la yoni, ou matrice de la déesse. Cet ensemble sculptural se présente en effet sous une infinie variété artistique, et symbolise les idées de création et de destruction, les pouvoirs de vie et de mort, associant dans une union quasi-organique les organes du dieu Śiva et de la déesse ou force primordiale (shakti). Je voudrais montrer comment, dans les danses tantriques tibétaines (’cham) et nombre de célébrations rituelles liées aux cycles de vie et de mort chez les populations indo-tibétaines du Népal, les énergies (et éventuellement les sentiments et les émotions) des hommes et des femmes, liées à la précarité de l’existence, à l’adversité, au malheur, mais aussi à la joie de vivre, sont représentées et traitées autour de la construction et de la destruction d’un liṅgam (terme sanscrit), figure anthropomorphique mâle ou femelle, parfois bisexuée, dessinée sur un support papier ou fabriquée pour incarner le mal, l’ennemi personnel ou celui de la religion tout entière. De longs et complexes rituels tantriques et exorcistiques sont joués et rejoués dans le théâtre rituel indo-tibétain, à travers danses, visualisations et constructions éphémères, dans lesquels il s’agit de détruire les ‘démons-obstacles’ qui s’attaquent à la personne, tout en laissant s’exhaler l’« âme » de ces démons, procédure qui renforce la puissance de l’officiant. 

A travers des analyses illustrées de rituels bouddhistes funéraires et ancestraux au Népal, je voudrais montrer comment le traitement du liṅgam inverse les rapports philosophiques occidentaux entre Eros et Thanatos : dans l’optique bouddhiste tibétaine, tout se passe en effet comme si plaisir, amour, sexuation et mort, tous concepts incarnés à travers l’antiquité gréco-latine dans des figures allégoriques distinctes, étaient au contraire et depuis toujours fondamentalement indissociables dans les mondes indo-tibétains. J’illustre comment, dans ces derniers, c’est de la destruction d’un ennemi extérieur que provient la libération et la sortie de la souffrance. Cette destruction, qui est aussi délivrance d’une ‘âme’ suppose une lecture inversée des rapports entre Eros et Thanatos, si tant est que la libération du cycle des existences ne peut se produire qu’avec l’élimination-libération d’un liṅgam ‘bisexué’, annulant la séparation de l’être entre Eros comme tension et désir infinis, et Thanatos comme mort ou annihilation finale. L’élimination du liṅgam à travers les danses tantriques a pour but de rappeler aux hommes la condition ultime qui leur permet de reconnaître l’ignorance qui les enchaîne au rocher de Sisyphe. 

9 décembre, 16h-18h

Les ascètes Nath Yogi et la mort : croyances, rituels et relations avec les vivants (Inde et Népal) – Véronique BOUILLIER (Anthropologue, directrice de recherche émérite CNRS, CEIAS)

16 décembre, 16h-20h

In Living Memory: Afterlives of Young Men Killed by Tuberculosis in Rural Rajasthan, India (16h-18h) – Andy MCDOWELL (Assistant Professor, Department of Anthropology, Tulane University)

Raconter, traduire, résoudre nos deuils : histoire d’un récit à deux voix (Laos) (18h-20h) – Natacha DUGNAT-COLLOMB (Anthropologue, chargée de recherche CNRS, Centre Norbert Elias)

Les séances sont ouvertes à tous et proposées simultanément en présentiel et en distanciel.
En présentiel : salle Mendel A, Campus saint germain des prés, 45 rue des Saints-Pères 75006 Paris
A distance :  cliquez sur ce lien sans besoin d’aucune inscription

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