En utilisant une technique traditionnellement utilisée de génie civil, deux sismologues, dont Yann Klinger, chercheur à l’Institut de physique du globe de Paris, ont mis en évidence la succession stratigraphique des grands séismes depuis 2000 ans au sud de la faille de San Andreas, en Californie. Dans cette étude publiée début juillet, ils ont pu identifier, dans cette séquence, des variations dans l’activité sismique de la faille, liée aux différents niveaux d’eau historiques du lac sus-jacent, et ainsi mieux évaluer le taux de glissement de cette faille majeure de l’ouest des États-Unis.

Une méthode de sondage habituellement utilisé en génie civil (Cone Penetrative Test) a permis de déterminer la succession stratigraphique des dépôts dans l’ensemble du bassin.

La Salton Sea est la plus grande réserve d’eau douce au sud de la Californie. Son niveau a considérablement varié au cours du temps en fonction des changements du cours du Colorado, avec des épisodes d’assèchement complet, lorsque le Colorado se déverse dans le Golfe de Californie, et des périodes de remplissages largement supérieurs au niveau actuel, lorsque le fleuve se déverse dans la dépression de la Salton Sea. Les variations de ce lac, aussi appelé lac Cahuilla, sont bien documentées et datées pour la période couvrant les derniers millénaires.

Les auteurs, T. Rockwell (Université de San Diego, en Californie) et Y. Klinger (IPGP, Université Paris Cité, CNRS), de cette étude publiée dans la revue Earth and Planetary Science Letters, ont identifié, sur des photographies aériennes prises juste après le séisme de Mw7 qui a affectée la section sud de la faille de San Andreas, l’Imperial fault, en 1940, un petit bassin en extension favorable à l’accumulation et la préservation de sédiments au cours du temps. Selon le niveau de la Salton Sea, ce petit bassin s’est trouvé soit dans des conditions de dépôt lacustre, soit dans des conditions de dépôts alluvionnaires. En utilisant une méthode de sondage habituellement utilisé en génie civil (Cone Penetrative Test) l’équipe a déterminé la succession stratigraphique des dépôts dans l’ensemble du bassin sur une profondeur de 20m, et mis en évidence des épisodes de subsidence associés aux grands séismes passés. La corrélation de datations réalisées sur des coquilles collectées dans deux carottes prélevées dans le bassin et de la chronologie des différents niveaux hauts du lac Cahullia a ainsi permis d’établir la chronologie détaillée des grands séismes sur cette faille au cours des 2000 dernières années. Cette chronologie des grands séismes montre que la distribution temporelle de ces grands séismes n’est absolument pas régulière dans le temps.

Comme les deux types de dépôts sédimentaires du bassin se distinguent très aisément grâce à leur composition et leur granulométrie (argile vs sable et clasts), il a notamment été possible de mettre en évidence une accélération très marquée de la sismicité il y a environ 1000 ans, lors du remplissage du lac Cahullia, après une longue période asséchée. Une fois le bassin de nouveau rempli la sismicité est revenue à un niveau plus modéré, suggérant une réponse sismique de la faille à l’état transitoire de remplissage du lac. Étant donné la géométrie de la faille, qui se trouve au milieu du lac, le différentiel de masse n’est pas l’hypothèse privilégiée pour le facteur contrôlant l’augmentation temporaire de la sismicité, mais plutôt la percolation des fluides dans la zone de faille qui peuvent, entre autres réduire localement la contrainte normale sur les surfaces de la faille.

De plus, en considérant que les séismes nouvellement détectés dans cette étude sont tous à peu près de la même taille, avec des déplacements horizontaux de quelques mètres, les auteurs proposent que pendant cette période de sismicité plus intense, qui a durée environs 400 ans, la vitesse de glissement sur cette section de la faille a dû être plus rapide, atteignant une valeur estimée autour de 17mm/an contre 5 mm/an actuellement. Ainsi, le budget total de déformation pourrait avoir été largement consommé, ce qui pourrait expliquer l’absence actuel de grands séismes sur le segment sud de la faille de San Andreas.

 

Références :

> Thomas K. Rockwell, Yann Klinger, 2000 yrs of earthquakes inferred from subsidence events on the Imperial fault, California: Effect of lake-level changes and implication for variable slip rates, Earth and Planetary Science Letters, Vol 618, 2023, 118271, ISSN 0012-821X,

DOI : 10.1016/j.epsl.2023.118271

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