Des scientifiques français publient les résultats d’une étude montrant que la mesure de la réponse antivirale interféron de type I (IFN-I) au niveau nasal pourrait être utilisée pour aider à l’identification des patients à risque de transmission du virus de la Covid-19. Cette mesure de l’IFN-I, réalisée grâce à une technique innovante à partir du même écouvillon que celui utilisé pour le dépistage du SARS-CoV-2, permettrait également d’identifier les patients à risque de développer une forme grave de la Covid-19.
L’interféron de type I (IFN-I) est une protéine de la famille des cytokines habituellement produite de manière rapide par le système immunitaire en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées.
Pendant combien de temps le virus de la Covid-19 reste-t-il actif dans notre organisme ? Pourquoi certains patients présentent-ils une forme sévère ? Est-il possible d’anticiper la détection de ces potentielles formes graves ? En mai 2020, plusieurs équipes françaises et internationales ont mis en évidence l’absence de détection dans le sang d’IFN-I chez environ 20% des patients hospitalisés en réanimation[1] pour une forme grave de la Covid-19[2]. Ce défaut pouvait notamment être expliqué par la présence d’auto-anticorps qui allaient empêcher son action antivirale.
A la suite de ces travaux, des services cliniques des Hospices Civils de Lyon et du CHU de St Etienne, des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, d’Université Paris Cité, de l’Inserm, du CNRS, et de l’ENS de Lyon au Centre International de Recherche en Infectiologie (équipes VirPath, LYACTS, GIMAP) et du laboratoire commun des Hospices Civils de Lyon – bioMérieux en collaboration avec l’Institut des maladies génétiques Imagine (Hôpital Necker – Enfants malades AP-HP Université Paris Cité) ont caractérisé la réponse IFN-I anti-SARS-CoV-2 chez des patients présentant des manifestations légères de la Covid-19, ainsi que chez des patients présentant des formes graves, admis en réanimation. Les résultats de ces travaux de recherche sont publiés dans la revue Journal of Experimental Medicine.
L’interféron, nouveau marqueur de contagiosité du SARS-CoV-2
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont mesuré la réponse IFN-I, à partir du même écouvillon que celui utilisé pour le dépistage du SARS-CoV-2 grâce à une technique innovante développée par bioMérieux, le système BIOFIRE® FILMARRAY®. Largement utilisée dans le diagnostic d’autres pathologies infectieuses, cette technologie repose sur un système de PCR multiplex permettant la préparation, l’amplification, la détection et l’analyse des échantillons en environ une heure.
Aujourd’hui, le test PCR détecte bien le matériel génétique viral mais ne permet pas de définir si le virus est actif (vivant) ou inactif (mort) au moment du prélèvement. Selon les résultats de l’étude, chez les sujets présentant des manifestations légères de la Covid-19, la réponse IFN-I nasale était proportionnelle à la quantité de virus, elle-même liée au risque de transmission. Ces résultats soulignent que la mesure de la réponse IFN-I au niveau nasal pourrait être utilisée comme marqueur d’une infection active en combinaison avec la détection du virus SARS-CoV-2. Cette mesure pourrait ainsi aider rapidement à l’identification des patients à risque de transmission du virus, et réciproquement aider à éviter les mesures de quarantaine aux patients qui ne représenteraient pas ou plus une source possible de contamination.
« On a utilisé l’interféron de type I comme marqueur de réplication active du virus, explique le Dr Sophie Trouillet-Assant, chercheuse-associée signataire de l’étude. S’il y a un peu de virus et pas d’IFN-I dans votre prélèvement, vous avez été malade mais n’êtes plus contagieux. A l’inverse, s’il y a une grande quantité de virus et d’IFN-I, cela plaide en faveur d’un isolement ». Elle poursuit son exemple : « Pour les patients à risque de développer des formes graves, c’est encore différent : les prélèvements peuvent contenir une grande quantité de virus mais pas d’IFN-I. Il devient alors possible d’identifier ces profils et de prévenir l’évolution de la maladie ».
Prédire quels patients sont à risque d’évoluer vers une forme sévère de Covid-19 grâce au test PCR
Dans cette même étude, les chercheurs ont démontré que chez des patients possédant des auto-anticorps anti-IFN-I et admis en réanimation pour une forme sévère de la Covid-19, une absence de réponse IFN-I a été mise en évidence dans les prélèvements nasaux qui contenaient pourtant de grandes quantités de particules virales. Ces résultats ont été confirmés dans un modèle mimant en laboratoire ce qui se passe au niveau de l’épithélium nasal (développé par l’équipe VirPath) : les auto-anticorps anti IFN-I sont capables d’inhiber l’action antivirale de ces molécules, entrainant une réplication virale importante et une perte de l’intégrité physiologique des épithéliums cultivés in vitro.
La mesure de la réponse IFN-I au niveau nasal et l’évaluation de la présence d’auto-anticorps dans le sang pourraient ainsi être utilisées pour aider à stratifier les patients et à identifier ceux à risque de développer une forme grave de la maladie, et ce dès le début de l’infection, au moment de l’écouvillonnage pour le dépistage standard du SARS-CoV-2.
Au-delà des aspects diagnostic et pronostic, les résultats de cette étude ouvrent des perspectives importantes en termes de stratégie thérapeutique pour les patients atteints de la Covid-19. En effet, des traitements basés sur d’autres types d’interférons non ciblés par les auto-anticorps existent déjà, à l’instar de l’interféron-beta recombinant. Les chercheurs soulignent leur possible utilité en tant que traitement précoce chez les patients souffrant de Covid-19 présentant un déficit de la réponse interféron, afin de prévenir le développement de symptômes sévères de la maladie en limitant la réplication virale du SARS-CoV-2.
[1] Etude réalisée sur 44 professionnels de santé des HCL infectés par le SARS-CoV-2 présentant des formes légères et 26 patients hospitalisés en réanimation.
[2] Plus d’info : http://www.cnrs.fr/fr/deficit-en-interferon-alpha-des-patients-covid-19-de-nouvelles-perspectives-therapeutiques
Références
Early nasal type I IFN immunity against SARS-CoV-2 is compromised in patients with autoantibodies against type I IFNs, Journal of Experimental Medicine, 6 août 2021
Jonathan Lopez, Marine, Mommert, William Mouton, Andrés Pizzorno, Karen Brengel-Pesce, Mehdi Mezidi, Marine Villard, Bruno Lina, Jean-Christophe Richard, Jean-Baptiste Fassier, Valérie Cheynet, Blandine Padey, Victoria Duliere, Thomas Julien, Stéphane Paul, Paul Bastard, Alexandre Belot, Antonin Bal, Jean-Laurent Casanova, Manuel Rosa-Calatrava, Florence Morfin, Thierry Walzer, Sophie Trouillet-Assant
À lire aussi
Meet-Up 2025 : plus de 100 participants réunis pour les sessions d’information organisées par l’Université Paris Cité sur les appels européens MSCA Postdoctoral Fellowships
Afin d'offrir aux post doctorantes, aux post doctorants et à leurs superviseurs le meilleur soutien possible pour une candidature réussie et de grande qualité aux appels MSCA Postdoctoral Fellowships (MSCA PF), le Réseau Recherche Europe, coordonné par l’Université...
Deux projets d’excellence d’UPCité lauréats des ERC Consolidator Grants en mathématiques et neurosciences
Le Conseil européen de la recherche (ERC) a annoncé le 9 décembre 2025 les résultats de son appel à projets Consolidator Grants. Parmi les 25 lauréats français, deux projets sont coordonnés à l'Université Paris Cité : le projet SAMPLING porté par Laura Dugué,...
DiffeRs : le projet lauréat d’un ERC Consolidator Grants qui étudie les singularités
Le projet DiffeRs, coordonné par André Belotto Da Silva, enseignant-chercheur à l’Institut de Mathématiques de Jussieu–Paris Rive Gauche (Université Paris Cité) et lauréat d’une bourse ERC Consolidator en 2025, vise à développer de nouvelles méthodes afin d’ouvrir de...
L’impact négatif du bruit environnemental sur le sommeil des Franciliens
Le bruit est reconnu comme étant le premier facteur environnemental perturbant le sommeil. Dans l’étude SOMNIBRUIT publiée le 15 décembre 2025, les équipes scientifiques de Bruitparif, de l’Observatoire régional de santé (ORS Île-de-France), département santé de...