Les équipes de recherche de l’Institut de Transplantation et Régénération d’Organes de l’université Paris Cité (PITOR), des services de néphrologie-transplantations des hôpitaux Saint-Louis et Necker-Enfants Malades AP-HP, et de l’Inserm, coordonnées par le Professeur Alexandre Loupy (PU-PH UPCité – AP-HP), ont étudié l’utilisation de biomarqueurs non invasifs dans le suivi du rejet en transplantation rénale. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 26 août 2024 dans la revue Kidney International.

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Malgré des progrès thérapeutiques considérables, le rejet demeure une cause majeure de perte des greffons rénaux, soulignant l’urgence d’améliorer les méthodes de surveillance et de détection précoce. Depuis deux décennies, de nombreux biomarqueurs innovants ont démontré des performances prometteuses pour révolutionner le suivi post-transplantation et réduire le nombre de biopsies inutiles. Cependant, ces biomarqueurs nécessitaient une évaluation rigoureuse dans le cadre d’études internationales spécifiquement conçues pour déterminer leur utilité clinique. Il s’agit précisément de l’objectif de l’étude EU-TRAIN (EUropean TRAnsplantation and Innovation).

Cette étude a été financée à hauteur de 6,6 millions d’euros sur six ans par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, promue par l’AP-HP et soutenue par l’Inserm et l’université Paris Cité. Elle est composée de 14 partenaires dans cinq pays (France, Espagne, Suisse, Allemagne et Royaume-Uni) dont neuf centres européens de référence en transplantation (hôpitaux Saint-Louis, Necker et Kremlin-Bicêtre AP-HP, CHU de Nantes, Barcelone-Vall d’Hebròn, Barcelone-Bellvitge, Berlin-Charité Mitte, Berlin-Charité Virchow, et Genève,) et la Société Européenne de Transplantation (ESOT).

L’étude EU-TRAIN se distingue par son approche méthodologique innovante, conçue pour répondre aux défis spécifiques de l’évaluation des biomarqueurs en vie réelle.

 » Pour la première fois, nous avons mené une étude à grande échelle, prospective et multicentrique, spécifiquement conçue pour évaluer l’utilité clinique de multiples biomarqueurs non invasifs en les confrontant aux paramètres utilisés dans le soin courant et sans sélection des patients pour favoriser les biomarqueurs. De plus, aucune des multiples plateformes analytiques de l’étude ne connaissaient le statut des patients au moment des mesures des biomarqueurs sanguins. » Pr Carmen Lefaucheur (PU-PH UPCité – AP-HP), cheffe du service de néphrologie de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) et le Pr Alexandre Loupy (PU-PH UPCité – AP-HP), néphrologue à l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP et directeur de l’Institut PITOR, co-derniers auteurs de l’article.

23 biomarqueurs sanguins ont été étudiés simultanément (19 ARN messagers sanguins et 4 anticorps ciblant des antigènes endothéliaux non-HLA) pour détecter le rejet dans une cohorte non sélectionnée de 412 patients ayant eu une transplantation rénale entre novembre 2018 et juin 2020. Au total, 812 biopsies de greffons rénaux avec mesure concomitante des biomarqueurs sanguins ont été réalisées chez ces patients.

Parmi eux, aucun ne présentait de valeur additionnelle par rapport aux paramètres du soin courant (fonction rénale, protéinurie et autres paramètres clinico-biologiques) pour détecter le rejet.

« Ces résultats soulignent l’importance d’une évaluation rigoureuse des biomarqueurs avant leur adoption clinique. Notre étude démontre que des biomarqueurs non invasifs prometteurs peuvent ne pas apporter de valeur ajoutée significative par rapport aux méthodes de suivi standard des patients. » Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et chercheur à l’Institut PITOR, premier auteur de l’étude. Ces résultats indiquent que ces biomarqueurs ne peuvent pas être généralisés à toutes les situations ni à tout moment après la transplantation et soulignent la nécessité de les évaluer dans des contextes d’utilisation spécifiques.

L’étude EU-TRAIN établit un nouveau paradigme pour la recherche en transplantation et sa méthodologie ouvre la voie à une nouvelle ère dans l’évaluation des biomarqueurs. Son design pourrait être appliqué à d’autres domaines de la médecine de transplantation, voire à d’autres spécialités médicales, ouvrant ainsi la voie au développement de nouveaux outils diagnostiques et pronostiques.

 » Notre approche offre un cadre robuste pour identifier les bons biomarqueurs de rejet. Une meilleure évaluation des biomarqueurs candidats permettra d’améliorer la sécurité des patients et de limiter les coûts de la recherche pour des candidats avec peu ou pas d’utilité clinique.  » Pr Carmen Lefaucheur.

Les résultats de l’étude EU-TRAIN ont des implications directes et significatives pour la pratique clinique en transplantation rénale. Ils fournissent des informations précieuses pour guider les décisions cliniques et orienter les futures recherches. Cette étude représente ainsi une étape importante vers une médecine de précision, en établissant des standards rigoureux pour l’évaluation et l’adoption de nouveaux biomarqueurs. Elle souligne également l’importance de la collaboration internationale et du financement de la recherche par des institutions comme la Commission européenne pour faire progresser la médecine de transplantation.

« Nos résultats confirment l’importance de certains biomarqueurs déjà utilisés, tout en nous incitant à la prudence dans l’adoption de nouveaux biomarqueurs sans preuves solides de leur utilité clinique, » conclut la Pr Carmen Lefaucheur.

 

Référence

Evaluation of non-invasive biomarkers of kidney allograft rejection in a prospective multicenter unselected cohort study (EU-TRAIN)

Kidney International

DOI :10.1016/j.kint.2024.07.027

 

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