Une équipe de chercheurs de l’institut de physique du globe de Paris, d’Université Paris Cité, du CNRS et du Muséum national d’Histoire naturelle a publié, au cours des derniers mois, une série de trois articles qui élucide la formation des premiers minéraux de notre Système solaire. Pour mieux expliquer la portée de ces études, ils publient aujourd’hui une vidéo illustrant leurs travaux.
Extrait de la vidéo illustrant la naissance du Système Solaire. (© IPGP)
Les météorites primitives, ou chondrites, sont les vestiges des premiers millions d’années du Système solaire. Elles renferment différents solides nés dans le disque de gaz et de poussière, dit disque protoplanétaire, qui environnait le jeune Soleil avant que ne se constituent les planètes. Parmi ces solides, les plus anciens sont des inclusions blanches (dites alumino-calciques ou CAI) datées de 4567 millions d’années. Âge qui établit par convention le « Temps Zéro » du Système solaire. On pense que les CAI se sont formées à plus de 1500 °C par condensation d’un gaz de même composition que notre Soleil. De telles températures sont attendues près du jeune Soleil. Cependant, les CAI sont les plus abondantes dans une catégorie de météorites, appelées chondrites carbonées, qui se sont formées loin du Soleil, et ont même incorporé de la glace. Ce paradoxe du « chaud-froid météoritique » est une pierre d’achoppement de la plupart des modèles de formation du Système solaire.
Les modèles « classiques » considèrent généralement un disque protoplanétaire isolé. Or les CAIs se sont constituées dans un temps si court (~200 000 ans) que le disque protoplanétaire devait être encore en train de se former, à partir d’un nuage interstellaire en contraction. Dans cette phase primordiale, le disque en formation était tout sauf isolé : il était arrosé sur toute sa surface par du matériau froid venant du nuage.
Dans cette série d’articles, les auteurs ont modélisé cette époque, et ont suivi l’histoire et le transport de différents composants dans le Système solaire primitif. C’est ainsi qu’ils ont pu déterminer les traces des premières centaines de millénaires d’existence du Système solaire. Dans ces simulations, des CAI sont bien produites près du jeune Soleil (à l’intérieur de l’actuelle orbite terrestre) par vaporisation du matériau interstellaire. Mais le disque en formation, d’abord compact, s’étale rapidement, emportant une partie des CAI vers l’extérieur froid du Système solaire primitif. Les CAI qui n’ont pu « surfer » sur cette vague sont rapidement avalées par le jeune Soleil. Il est ainsi possible d’expliquer la surabondance des CAI dans les chondrites carbonées (lointaines) par rapport à leurs homologues formées dans le Système solaire interne.
Les auteurs ont aussi cherché à comprendre les variations isotopiques dans le Système solaire. La plupart des éléments chimiques existent sous plusieurs variantes de différentes masses : les isotopes. Les atomes d’oxygène, par exemple, peuvent être de l’oxygène 16 ou 17 ou 18 (le nombre étant proportionnel à leur masse). Les proportions de ces différents isotopes sont à peu près constantes sur Terre. Mais elles ne sont pas les mêmes dans les autres astres du système solaire, comme en témoignent les météorites, et l’origine de ces « signatures isotopiques» n’est pas comprise. Or ces variations sont les plus importantes dans les CAI. D’où l’idée qu’elles ont été héritées du nuage originel. En effet, ce nuage ayant reçu des contributions de différentes étoiles, où les proportions isotopiques étaient différentes, il est concevable qu’elles n’aient été qu’imparfaitement mélangées. Les auteurs ont pu montrer que les CAI auraient pu « fossiliser » cette hétérogénéité isotopique du nuage, à mesure qu’il alimentait le disque protoplanétaire. Le disque une fois formé, ces variations se seraient atténuées, notamment par suite du mélange dans celui-ci, conformément aux observations.
En conclusion, les chondrites sont des capsules temporelles étonnantes, remplies d’histoires codées vieilles de plusieurs milliards d’années. Ces études contribuent à les décrypter et replacer leurs mystérieux composants dans leur contexte astrophysique, ouvrant de nouvelles perspectives dans l’étude de l’origine de la diversité de composition des météorites.
> Liens vers les vidéos
Version française : https://youtu.be/IjHAP6oH_R0
Version anglaise : https://youtu.be/8oFEjBXDw7Y
> Références scientifiques
1) Francesco C. Pignatale, Sébastien Charnoz, Marc Chaussidon, Emmanuel Jacquet « Making the Planetary Material Diversity During the Early Assembling of the Solar System » 2018, The Astrophysical Journal Letters, 867, L23
2) Francesco C. Pignatale, Emmanuel Jacquet, Marc Chaussidon, and Sébastien Charnoz « Fingerprints of the Protosolar Cloud Collapse in the Solar System I: Distribution of presolar short-lived 26Al » 2019, The Astrophysical Journal, 844 (1), 31
3) Emmanuel Jacquet, Francesco C. Pignatale, Marc Chaussidon, and Sébastien Charnoz « Fingerprints of the protosolar cloud collapse in the Solar System II: Nucleosynthetic anomalies in meteorites » 2019, The Astrophysical Journal, 844 (1), 32
> Voir le communiqué sur le site de l’IPGP
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