Apnées, déficit de sommeil, ou encore insomnie sont liés à un risque accru de maladies ou d’accidents cardiovasculaires. Mais une nouvelle étude parue dans l’European Heart Journal va beaucoup plus loin dans l’exploration de cette association. Menée par l’équipe de Jean-Philippe Empana, directeur de recherche Inserm, au sein du Centre de recherche cardiovasculaire à Paris (Université Paris Cité/Inserm), en collaboration avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne), cette étude montre que cinq composantes du sommeil pèsent un poids quasiment équivalent dans l’association avec le risque d’accidents coronariens et d’accidents vasculaires cérébraux, et que l’amélioration de l’une d’elle au cours du temps peut apporter un bénéfice significatif. Ces composantes sont la durée de sommeil chaque nuit, le chronotype (être du matin ou du soir), la fréquence des insomnies, les somnolences diurnes excessives et les apnées du sommeil.
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Le sommeil est indispensable à la santé et au bien-être, et plusieurs mécanismes physiologiques sous-tendent cela. Ainsi, une mauvaise qualité ou quantité de sommeil est associée à une détérioration de la santé : problèmes d’humeur, dépression, prise de poids, infections, diabète, hypertension… Un lien a notamment été établi avec le risque cardiovasculaire et l’équipe Inserm de Jean-Philippe Empana, au Centre de recherche cardiovasculaire à Paris, a souhaité approfondir ce point.
Pour cela, elle a étudié le risque d’accidents cardiovasculaires (syndrome coronaire aigu ou accident vasculaire cérébral) en lien avec cinq composantes du sommeil : la durée de sommeil chaque nuit, le chronotype (être du matin ou du soir), la fréquence des insomnies, des somnolences diurnes excessives et les apnées du sommeil.
« Habituellement, les études se focalisent sur une seule dimension du sommeil, majoritairement la durée du sommeil ou la présence d’apnée du sommeil, or un bon sommeil ou un sommeil sain englobe plusieurs dimensions », clarifie Aboubakari Nambiema, premier auteur de ce travail et chercheur postdoctoral à l’Inserm.
Les chercheurs et chercheuses ont intégré ces cinq dimensions dans un score unique afin de rendre compte de la nature multifactorielle du sommeil. Chacune d’elles est évaluée grâce à un questionnaire spécifique validé par la communauté scientifique et adapté aux études de grande taille (Pittsburgh sleep quality index-PSQI, Berlin questionnaire ou encore Epworth Sleepiness Scale) et compte pour 1 point lorsqu’il est optimal ou 0 point dans le cas contraire. Le score global varie ainsi de 0 (plus mauvais score) à 5 (score optimal correspondant à : 7 à 8 heures de sommeil par nuit, être du matin, ne pas avoir d’insomnies, d’apnées ni de somnolence excessive en journée).
Un suivi dans le temps
Ce score a été utilisé dans deux enquêtes de population destinées à étudier les déterminants de la santé cardiovasculaire. L’une a été menée à Paris et a inclus 10 157 adultes de 50 à 75 ans (Étude prospective parisienne n° 3, EPP3). L’autre a été menée en Suisse à Lausanne et a réuni 6 733 participants de plus de 35 ans via l’étude CoLaus|PsyCoLaus du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Le score a été calculé à l’inclusion puis deux à cinq ans après. La survenue d’évènements cardiovasculaires a ensuite été surveillée pendant 8 à 10 ans environ. « L’utilisation d’un score composite pour étudier les habitudes de sommeil avait déjà été expérimentée par le passé mais c’est la première fois à notre connaissance qu’une étude s’intéresse à son évolution dans le temps et son association potentielle avec les maladies cardiovasculaires », explique Jean-Philippe Empana.
En combinant les données des deux enquêtes, une première analyse confirme que plus le score initial (à l’entrée dans l’étude) est élevé, plus le risque d’accident cardiovasculaire est faible. Par rapport aux personnes qui ont un score de 0-1 (10 % des participants), le risque de pathologies cardiovasculaires est réduit de 10 % pour les participants qui ont un score de 2 (21 % des participants), 19 % pour ceux qui ont un score de 3 (32 % soit la majorité des participants), 38 % pour un score de 4 (27 % des participants) et 63 % pour ceux qui ont le meilleur score de 5 (10 % des participants). « Autrement dit, près de 60 % des accidents cardiovasculaires pourraient potentiellement être évités si les individus présentaient tous un score optimal de sommeil (score de 5), soulignant ainsi les implications potentielles de santé publique des résultats », clarifie Jean-Philippe Empana.
Une seconde analyse portant pour la première fois sur l’évolution du score de sommeil au cours du temps montre que le sommeil s’est amélioré chez 8 % des participants, détérioré chez 11 % et est resté stable chez la majorité des participants (2/3 d’entre eux sont restés avec un score égal ou supérieur à 3). Point important, ces changements sont associés à la survenue de pathologies cardiovasculaires. En particulier, ce risque a diminué de 16 % pour chaque point de score gagné au cours du temps, quelle que soit la composante du score qui a été améliorée. « Chacune semble avoir autant d’importance que les autres », précise Aboubakari Nambiema.
Les chercheurs et chercheuses espèrent maintenant que les professionnels de santé et la population générale se saisiront de cet outil : « la facilité et la rapidité d’utilisation des questionnaires ainsi que la simplicité du calcul du score de sommeil devraient favoriser leur compréhension et une bonne adhésion », prévoient-ils.
Références
Healthy sleep score changes and incident cardiovascular disease in European prospective community‐based cohorts
Aboubakari Nambiema, Quentin Lisan, Julien Vaucher, Marie-Cecile Perier, Pierre Boutouyrie, Nicolas Danchin, Frédérique Thomas, Catherine Guibout, Geoffroy Solelhac, Raphael Heinzer, Xavier Jouven, Pedro Marques-Vidal, Jean‐Philippe Empana – European Heart Journal.
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