Une récente étude conduite par le docteur Sébastien Jauliac dans l’unité de recherche Immunologie Humaine, Pathophysiologie, Immunothérapie (Université Paris Cité, Inserm) à l’Institut de Recherche Saint-Louis (Université Paris Cité), a permis de mettre en évidence, dans les cancers luminaux du sein, le rôle inhibiteur de métastases du complexe NFAT3 – petite GTPase Ras RERG et son possible rôle comme marqueur prédictif de l’absence d’envahissement ganglionnaire par les cellules cancéreuses.

Complexe NFAT3/RERG (en rouge) dans une lignée de cancers du sein luminal. Les noyaux cellulaires sont colorés en bleu au DAPI.
© Sébastien Jauliac – Unité de recherche Immunologie Humaine, Pathophysiologie, Immunothérapie (Université Paris Cité, Inserm)

Le cancer du sein touche près de 60 000 femmes chaque année en France et représente un tiers des cas de cancers féminins. Si le taux de mortalité qui y est associé diminue régulièrement depuis les années 90, les chercheurs ne relâchent pas leurs efforts pour améliorer sans cesse le diagnostic précoce et la prise en charge thérapeutique.

Dans une cellule existent des gènes qui favorisent le développement de tumeur, on les appelle oncogènes et d’autres qui au contraire l’empêche, ce sont les gènes suppresseurs de tumeurs. Pour qu’un gène puisse exercer son influence il faut qu’il s’exprime, c’est-à-dire qu’il produise des protéines qui lui sont spécifiques. L’expression d’un gène est elle-même régulée par d’autres protéines particulières appelées facteurs transcription. C’est l’équilibre qui s’établit dans ces mécanismes de régulation d’expression des gènes qui permet de conserver des cellules saines ou au contraire, quand un déséquilibre apparaît (surexpression de l’oncogène ou sous-expression du gène suppresseur de tumeur), de provoquer l’apparition d’anomalie, ici de cancers ou de métastases.

Pas un mais des cancers du sein

Il n’existe pas un cancer du sein, mais plusieurs types de tumeurs responsables de cancers du sein dont les caractéristiques et évolutions sont bien différentes.

15% des cancers du sein diagnostiqués chaque année sont appelés triple négatif. Ce sont des cancers, hormonaux indépendants, très invasifs. De précédentes études avaient mis en évidence la présence des facteurs de transcription NFAT1 et NFAT5, et démontré leur caractère pro-métastatique c’est-à-dire leur capacité à induire l’apparition de métastases, souvent assez rapidement.

70% des nouveaux cas de cancer diagnostiqués annuellement sont appelés cancers luminaux. Ces derniers évoluent peu vers des formes de cancer avec métastases et ont donc un pronostic relativement bon par rapport aux triples négatifs. Pour autant, si ces cancers sont moins prompts à faire des métastases, compte tenu du pourcentage de patients atteints, en nombre absolu le nombre de patients présentant des formes métastatiques reste important et beaucoup sont en échec thérapeutique. Une meilleure compréhension de la biologie des cancers luminaux, du contrôle de la formation des métastases et l’identification de marqueurs prédictifs de leur évolution vers des formes métastatiques sont donc encore nécessaires.

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Une nouvelle association de protéines inhibe l’apparition de métastases

À l’heure actuelle, pour prédire si un cancer luminal va évoluer vers une forme métastatique, les médecins procèdent à des prélèvements au niveau des ganglions axillaires (sous les bras), intervention chirurgicale traumatique pour les patients. Dès lors qu’on constate un envahissement des ganglions par des cellules cancéreuses métastatiques, cela préfigure un risque plus élevé de développement de tumeurs métastatiques dans d’autres organes.

L’étude conduite par les chercheurs de l’unité 976 Immunologie Humaine, Pathophysiologie, Immunothérapie et dirigée par le docteur Sébastien Jauliac, a démontré que dans les cancers luminaux, un autre facteur de transcription est exprimé, appelé NFAT3, de la même famille que NFAT1 et NFAT5, mais qui, lui, est capable d’inhiber la formation de métastases.

Dans leur récente étude, les chercheurs se sont intéressés directement à 21 tumeurs primaires chez des patients (âge moyen 62 ans) et ont mis en évidence la présence d’un complexe associant le facteur de transcription NFAT3 et la petite GTPase Ras RERG. Ils ont constaté que ce complexe limite l’invasion des cellules cancéreuses responsables de la formation de métastases. À partir des 21 tumeurs analysées, les chercheurs estiment que si, lors d’un curetage de tumeur primaire, ce complexe NFAT3-petite GTPase Ras RERG est repéré, il y a moins de risque qu’il y ait un envahissement ganglionnaire lui-même facteur pronostic d’apparition de métastases. Les chercheurs veulent désormais confirmer ces résultats prometteurs sur une cohorte de plus de 200 tumeurs primaires prélevées il y a plusieurs années sur des patients dont l’évolution de la maladie a été suivie et est parfaitement connue de façon à pouvoir mettre en regard les résultats de leur étude avec l’évolution de la maladie chez ces patients.

Si l’idée selon laquelle les métastases apparaissent dans les stades avancés de cancers est très répandue il faut toutefois la nuancer. En effet, dans différents cas de cancers, des métastases apparaissent très tôt sans que l’on puisse les détecter et parfois, avant même que l’on détecte la tumeur primaire.

Pouvoir détecter, par prélèvement dans la tumeur primaire, la présence du complexe NFAT3-petite GTPase Ras RERG et le quantifier en routine le plus précocement possible chez les patients atteints de cancer luminal du sein permettra de fournir de précieuses informations aux médecins sur l’état de développement du cancer. Cela permettra également d’évaluer plus finement la nécessité ou pas de procéder à un curetage des ganglions axillaires qui demeure un acte médical traumatique pour les patients.

Références

The NFAT3/RERG complex in luminal breast cancers is required to inhibit cell invasion and may be correlated with an absence of axillary lymph nodes colonization. Frontiers in Oncology

DOI : https://doi.org/10.3389/fonc.2022.804868

 

Métastase : tumeur formée à partir de cellules cancéreuses qui se sont détachées d’une première tumeur (tumeur primitive) et qui ont migré par les vaisseaux lymphatiques ou les vaisseaux sanguins dans une autre partie du corps où elles se sont installées. Les métastases se développent de préférence dans les poumons, le foie, les os, le cerveau. Ce n’est pas un autre cancer, mais le cancer initial qui s’est propagé. (Institut national du cancer)

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